Un couple. Un ménage. Deux visions.

«Ma compagne et moi ne percevons pas notre réalité financière avec les mêmes lunettes, constate Benoît. Elle porte le noir et je porte un peu de rose. Nous ne roulons pas sur l'or ni même sur l'argent, mais à mon avis nous sommes bien loin d'être sur la paille.»

Comment se présente cette situation? Benoît a 49 ans, Mathilde en a 40. Ils touchent respectivement des salaires de 43 400$ et de 36 500$.

En union libre depuis bientôt 15 ans, ils ont deux enfants de 9 et 6 ans.

Il y a deux ans, Benoît a lui-même construit la maison familiale, évaluée alors à 241 000$. Elle est grevée d'une hypothèque de 122 000$, qui impose des mensualités de 668$.

La nourriture leur coûte 10 500$ par année - «nous aimons cuisiner», précise Benoît.

Ils réussissent à ne consacrer que 1500$ par année aux vêtements. Les loisirs accaparent 4000$. Ils sont allés en Europe en 2007 et aimeraient y retourner en 2010 en y réservant 100$ par mois.

Leurs deux voitures entraînent des mensualités de 305$ et de 358$ - «c'est une de trop selon moi, mais ça, c'est un autre débat», commente Benoît.

Ni l'un ni l'autre n'ont de régime de retraite complémentaire avec leur employeur. Leurs REER totalisent 53 000$ et 23 000$. Ils y consacrent depuis quelques années la totalité de leur remboursement d'impôt. Ils versent en outre 1000$ dans le REEE de chaque enfant.

«Voilà le portrait, conclut Benoît. D'après vous, est-ce plus noir que rose ou l'inverse?»

La bonne couleur

Pour répondre, il faut trouver un barème. Le budget est équilibré: rien à redire de ce côté. «Ce sont des gens rigoureux», commente le planificateur financier Gaétan Veillette, du Groupe Investors.

Puisque ni l'un ni l'autre n'ont de régime complémentaire de retraite, c'est du côté de l'épargne et de leurs vieux jours qu'il faudra tâter.

Leurs projets de retraite ne sont pas encore définis. «On peut planifier raisonnablement la retraite à 65 ans pour chacun», avance Gaétan Veillette. Mais il s'ensuit un déséquilibre: Benoît la prendra neuf ans avant Mathilde.

Benoît et Mathilde estiment qu'ils conserveront à la retraite leur train de vie actuel, à l'exception des sommes consacrées au remboursement des dettes et aux études des enfants.

Notre planificateur pose l'hypothèse que le couple maintiendra sa cotisation annuelle de 4000$ aux REER. Il assigne un rendement de 7% à Benoît et 6% à Mathilde, en accord avec leur tolérance au risque. Il prévoit enfin un taux d'inflation de 3%.

Dans ces conditions, le patrimoine familial, maison comprise, vaudra 695 000$ à la retraite de Benoît, et 865 000$ lorsque Mathilde la prendra à son tour, neuf ans après. «Dans ce scénario, le patrimoine non immobilier sera épuisé en 2046», constate notre planificateur. Benoît et Mathilde auront alors 86 et 78 ans. Onze ans plus tard, il restera encore 339 000$, alors que Mathilde cognera aux portes des 90 ans.

On le voit cependant: contrairement à d'autres projections, le couple doit compter sur la valeur de sa propriété pour subvenir à ses besoins de retraite. Comment le faire sans déménager? Dans ses calculs, Gaétan Veillette utilise une des possibilités qui s'offrent au couple, une marge de crédit hypothécaire. Une fois leurs économies épuisées, ils pourront donc emprunter sur la valeur de la maison pour bonifier leurs revenus provenant des rentes gouvernementales. Notre planificateur prévoit à cet effet un coût d'intérêt de 8%, inclus dans ses projections.

Que se passerait-il si Mathilde prenait sa retraite en 2025, à 57 ans, pour quitter le marché du travail en même temps que son conjoint? Le patrimoine familial s'en trouverait épuisé vers 2040. Benoît et Mathilde auraient alors 81 et 72 ans.

Si Mathilde la prend plutôt à 60 ans? Cette fois, la valeur de la maison sera entièrement consommée six ans plus tard - c'est-à-dire encore nettement trop tôt. «En somme, la prolongation de la carrière de Mathilde après retraite de Benoît s'avère incontournable, constate Gaétan Veillette. Toutefois, Benoît pourrait prolonger sa carrière, par exemple de deux ou trois ans, de manière à permettre à Mathilde de prendre une retraite un peu plus tôt.»

Alors, noir ou rose?

«Mathilde avait une inquiétude excessive, répond notre planificateur. Techniquement, l'un et l'autre seront à l'aise à leur retraite.» Mais le seuil est placé à 65 ans.

Les données

Benoît, 49 ans

Revenus: 43 400$

Aucun régime complémentaire de retraite

REER: 53 000$

Mathilde, 40 ans

Revenus: 36 500$

Aucun régime complémentaire de retraite

REER: 23 000$

Propriété: valeur de 275 000$

Solde hypothécaire: 105 000$

Marge de crédit hypothécaire: 20 000$

«Idéalement, la retraite de Benoît ne devrait pas survenir avant que l'hypothèque ne soit entièrement réglée. Une stratégie de paiement anticipé du prêt est conseillée.»

-Gaétan Veillette, planificateur financier, Groupe Investors

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