Les investisseurs particuliers ont envie de décrocher de la Bourse. Avec les nouveaux creux établis au début de mars, leur pessimisme n'a jamais été aussi évident. Que peut-on répondre aux appels au secours des épargnants désabusés? Doit-on interpréter leurs signaux de détresse comme un signal d'achat?

S.O.S. Investisseur en détresse. Perdu plus de 60% ses épargnes. Perdu confiance dans son conseiller. Songe à larguer toutes ses actions. Urgent besoin de confiance. S.O.S.

 

L'appel de secours provient d'un couple dans la mi-quarantaine. Il a été lancé au début de mars, pratiquement au moment où les Bourses sombraient à de nouveaux creux: l'indice phare de la Bourse américaine, le S&P 500, est passé au-dessous des 700 points, échouant à son plus bas niveau depuis 1996.

Il y a deux ans, ce couple disposait de près de 670 000$, en partie le fruit d'un héritage. En octobre dernier, il ne lui restait plus que 350 000$.

«Sentant le vent tourner, je joins notre courtier pour lui demander si on devrait se retirer du marché. Sa réponse fut évidemment de ne pas vendre. Que ça ne se fait pas. Que la reprise s'en venait. Disons qu'il s'est royalement trompé», raconte l'investisseur dépité.

Depuis, le magot a fondu encore davantage, à environ 250 000$. En deux ans, le couple a vu disparaître 420 000$. Cette somme aurait été plus que suffisante pour acheter le chalet que le couple rêvait de s'offrir deux ans plus tôt, pour s'amuser avec ses préados. Avoir su!

Le couple est désabusé. Il ne fait plus confiance à son conseiller financier qu'il soupçonne d'être partial: «S'il conseille à tout le monde de vendre, son entreprise sera dans de bien mauvais draps.»

Pire: le couple a perdu espoir dans une reprise boursière à court terme. «Quelles sont les conséquences de tout vendre à ce moment-ci?» demande-t-il.

Frustration à l'unisson

Avant de répondre à ce cri de désespoir, disons que le couple est loin d'être seul à avoir les blues.

Le panorama économique est sombre à 360 degrés. «Nous sommes dans un cycle de mauvaises nouvelles, et il est difficile de voir la fin de ce flot de données négatives à court terme», avoue Sherry Cooper, économiste en chef aux Marchés des capitaux BMO. Elle brosse un sombre portrait de la situation... La Banque mondiale et le Fonds monétaire internationale prévoient une contraction de l'économie mondiale, en 2009, pour la première fois en 60 ans. Les éditorialistes remettent en question l'avenir du capitalisme.

Malgré les bouées de sauvetage lancées par le gouvernement américain, les constructeurs automobiles et les sociétés financières restent en eau trouble. Aux États-Unis, le taux de chômage est à son sommet depuis 25 ans. Un ménage sur 13 est incapable de respecter ses paiements hypothécaires.

À la Bourse, les actions ont déboulé en bas d'une falaise. Du sommet jusqu'au fond du ravin, la Bourse américaine a perdu 54% de sa valeur. Certains titres de multinationales ne valent plus qu'une poignée de cents. Au Canada, 48% de la valeur de l'indice S&P/TSX a été pulvérisée.

Un cauchemar pour les investisseurs qui reçoivent, ces jours-ci, leur relevé de compte en date de la fin de février.

Sur 12 mois, les fonds d'actions canadiennes ont flanché de 39% en moyenne, selon Morningstar Canada. Et ce n'est rien. Certaines catégories de fonds spécialisés dans des créneaux comme les petites entreprises, les ressources naturelles, les marchés émergents, les services financiers ou encore l'immobilier ont perdu plus de 45%.

Les fonds d'actions étrangères ont aussi été lessivés (actions européennes -38%, actions internationales -37%, actions américaines -32%).

Même dans les fonds équilibrés, diversifiés en actions et en obligations, les investisseurs ont perdu 20% de leurs épargnes, en moyenne. Cela annule tout leur rendement des cinq dernières années.

Solutions en quatre temps

Comment réagir face à ces affreux résultats? Ce n'est pas le temps de donner un coup de roue qui risquerait de faire déraper le portefeuille davantage, répond Martin Vallée, conseiller aux Fonds d'investissement FMOQ.

La firme qui dessert strictement la communauté médicale, verse une rémunération fixe (à honoraire plutôt qu'à commission) à ses planificateurs financiers, afin d'assurer leur objectivité et leur impartialité face aux besoins des clients.

Selon M. Vallée, peu de clients songent à liquider leur portefeuille d'actions en bloc. Mais beaucoup sont craintifs pour leurs nouvelles contributions. «Le nouveau 1000$, ils ne veulent pas mettre ça dans un trou sans fond», dit-il.

«On ne peut pas dire à nos clients que ça ne peut pas aller plus bas, que le pire est passé: on ne le sait pas», ajoute-il. À ceux qui ne sont pas à l'aise, voici l'approche qu'il suggère, selon l'âge.

Vous avez 30 ans.

Tant mieux! Vous avez encore peu d'épargne, donc vous avez été moins touchés. Ce sont les sommes que vous investirez plus tard qui feront la différence. «Vous avez encore 30 ans devant vous. Ce n'est pas le court terme qui devrait vous guider. Voyez la situation actuelle comme une occasion d'acheter à bon prix», dit M. Vallée.

Il insiste sur l'avantage d'investir régulièrement. «Dans les creux, c'est là qu'on achète un petit peu plus avec nos 1000$», dit-il.

Il souligne aussi l'importance de garder toujours un minimum de 20% de revenus fixes dans son portefeuille. Oui, les actions font mieux que les obligations à long terme. Mais durant une correction boursière, les 20% d'obligations seront là pour racheter des actions au plancher. «Ce petit jeu-là de rééquilibrage, ça fait une différence», dit M. Vallée.

Vous avez 45 ans.

Profitez des circonstances pour réévaluer votre répartition d'actifs. De 70% ou 80% en actions, c'était trop risqué? Évitez les changements brusques. «Pour se débarrasser de ses actions aujourd'hui, il faut être mal pris», insiste M. Vallée.

Vous aurez l'occasion, d'ici 10 ans, d'apporter des modifications importantes. En attendant, allez-y plus prudemment pour les prochaines contributions (ex: moitié-moitié actions et obligations).

«Tranquillement, la répartition se replacera. Et si la Bourse rebondit, vous ajusterez la répartition, pour la ramener pile sur votre tolérance au risque», suggère M. Vallée.

Vous avez 55 ans.

Dans la dernière ligne droite avant la retraite, la situation est plus délicate. Vous avez été frappé plus durement. Aviez-vous pris les bouchées doubles pour faire du rattrapage en fin de parcours? Peut-être. Mais au lieu de chambarder votre portefeuille, investissez de façon très sûre, d'ici 5 à 10 ans (100% obligations).

«L'important, c'est de réduire graduellement le risque du portefeuille et de bâtir une portion d'actifs qui sera accessible pour vivre durant les premières années de retraite», dit M. Vallée.

Vous avez plus de 65 ans.

Normalement, votre portefeuille compte déjà une partie plus stable (plus de 65% en obligations) qui vous permet de vivre quelques années.

Essayez de vivre le plus possible avec vos obligations, sans toutefois déséquilibrer votre portefeuille, et aboutir avec un portefeuille composé uniquement d'actions, dans quelques années. «Il ne faut pas jouer à quitte ou double avec son épargne retraite», prévient M. Vallée.

Graduellement, encaissez des pertes sur vos actions, en portant attention aux fluctuations du marché. Dans un marché aussi volatil, soyez à l'affût des rebonds. Essayez de ne pas vendre après les pires journées!