«Nous formons un couple depuis trois ans et demi.» Tout semblait pourtant les séparer. L'âge, d'abord. Jules a 52 ans, Judith en a 38.

Le tempérament ensuite. «Je suis ultra-prudente, peut-être trop. Mon conjoint est téméraire en toutes choses. On essaie de faire une moyenne des deux. Ça ne se fait pas sans grincements de dents!» lance Judith en riant.

 

Les conditions d'emploi, encore. Elle travaille dans la fonction publique, avec un revenu de 67 000$ et un solide régime de retraite. Il est travailleur autonome depuis six ans, après avoir été employé pendant plus de 20 ans sans jamais avoir de caisse de retraite. Une fois les dépenses soustraites, il touche 20 000$ par année. Son REER ne contient que 17 000$.

Ce qu'ils ont en commun, depuis mai dernier, c'est l'appartement de Jules, confortable mais petit. «Nous avons réellement besoin d'une pièce supplémentaire et d'un garage pour permettre à Jules de disposer d'un espace de rangement convenable pour ses activités professionnelles», indique Judith.

Ils cherchent une maison raisonnable au nord de Montréal, pour une mensualité hypothécaire d'un maximum de 1000$. «Lorsque Jules aura 70 ans, je n'en aurai que 56 et je ne serai alors pas encore prête à retourner vivre en logement ou en condo, s'inquiète Judith. La solution serait-elle que je lui rachète alors sa part de la maison s'il a besoin de liquidités?»

Un fossé de 14 ans

La planificatrice financière Sophie Labonne, de la Banque Scotia, a mesuré le gouffre qui sépare les deux conjoints. «Il est important pour eux, en premier lieu, de déterminer le rang et l'importance des objectifs financiers à réaliser, sinon gare à eux, ils n'y arriveront pas», prévient-elle.

Premier objectif à cadrer: l'achat d'une maison. Et première mise en garde: surtout ne pas s'emballer avec les ratios d'endettement! «Selon sa situation financière, le couple pourrait emprunter jusqu'à 383 614$ et faire face à des paiements mensuels de 2655$!» signale-t-elle.

Pour respecter la limite d'un paiement hypothécaire maximal de 1000$ par mois, le couple ne peut emprunter davantage que 140 000$, selon les calculs de la planificatrice. Cette estimation se base sur un intérêt de 6% et un amortissement de 20 ans. C'est l'âge de Jules qui détermine cette échéance: il aura alors 70 ans. «Il serait possible pour le couple d'amortir son emprunt sur 35 ans, mais cela signifierait que Jules aurait atteint 87 ans lors du paiement final du prêt!» observe la planificatrice.

Les impôts fonciers devront eux aussi s'insérer dans le budget. S'il faut les inclure dans les mensualités maximales de 1000$, l'emprunt serait alors réduit à 120 000$.

Il faudra compter en outre avec l'assurance prêt hypothécaire, dont la prime, pour une mise de fonds de 5%, attendrait 2,75% du prêt.

Pour réunir la mise de fonds minimale de 7400$, les deux conjoints auraient pu tirer profit du régime d'accession à la propriété (RAP) pour puiser chacun un maximum de 20 000$ dans ses REER. Mais ce n'est possible qu'aux acheteurs qui n'ont pas été propriétaires de leur résidence depuis cinq ans (le 1er janvier de la quatrième année avant l'année du retrait, pour être plus précis). C'est le cas de Jules, qui ne pourra donc compter que sur ses épargnes hors REER de 6000$.

Judith, par contre, n'a jamais été propriétaire et n'a pas habité avec Jules du temps où il possédait une maison. Elle pourrait donc puiser à la fois dans son REER de 13 400$ et dans ses épargnes non enregistrées de 6800$.

«Il est primordial de conserver des liquidités afin de faire face aux débours immédiats liés à l'achat de la maison»,recommande cependant notre conseillère. Et si Judith utilise le RAP, «il faut qu'elle le rembourse dans les plus brefs délais», insiste-t-elle.

Judith s'inquiète de ce qu'il adviendra de la maison lorsque Jules sera trop âgé pour l'habiter. En fait, le même problème se pose si une rupture survient. Jules et Judith n'étant ni mariés ni unis civilement, il est essentiel qu'ils rédigent un contrat de cohabitation. Le document pourra stipuler qu'un conjoint aura priorité pour racheter la part de l'autre à la valeur marchande établie par un expert. L'acte d'achat de la propriété devra indiquer la proportion de l'apport de chacun. À cet égard, il est plus simple que les mensualités soient partagées dans le même rapport que la mise de fonds.

Ces mensualités doivent par ailleurs laisser quelque place à la planification de la retraite. Grâce à son régime complémentaire, Judith s'en tire bien. Elle réussira à maintenir le minimum requis de 60% de ses revenus actuels, soit environ 40 000$ par année, si elle verse chaque année 5000$ dans un CELI.

Jules fait face à un défi plus important. Sophie Labonne a établi un programme sur la base d'un revenu de retraite de 20 000$, où Judith occupe une place essentielle.

Elle devra verser quelque 5100$ par année dans un REER de conjoint au nom de Jules. Le remboursement d'impôt de 2200$ sera ensuite déposé dans le CELI de Judith, ce qui réduira à 233$ son propre effort d'épargne mensuel.

De son côté, Jules devra contribuer pour 5000$ par année à son CELI.

Mais Sophie Labonne le répète, toutes ces stratégies nécessitent un solide contrat de cohabitation. Combler le fossé est à ce prix.

 

Les chiffres

Judith, 38 ans

Revenu: 67 000$

REER: 13 400$

Épargne hors REER: 6900$

Dette (voiture): 8500$

Jules, 52 ans

Revenu de travail autonome: 20 000$ après dépenses

REER: 17 000$

Épargne hors REER: 6100$

Marge de crédit: 3900$

«Le contrat de cohabitation constitue une bonne protection que d'autres documents juridiques viennent compléter.»

Sophie Labonne, planificatrice financière, Banque Scotia

 

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