On avait de grandes attentes envers ce projet de loi, notamment pour l’indispensable économie d’énergie. Ou encore de grandes craintes, particulièrement face à la privatisation.

En fin de compte, le projet de loi de Pierre Fitzgibbon a des allures de… pétard mouillé. Oui, bon, sa loi apporte des ajustements intéressants à certains aspects de la distribution et de la production d’énergie, voire essentiels, comme le Plan de gestion intégrée des ressources énergétiques (PGIRE).

Mais on est loin de la révolution attendue. Le ministre de l’Énergie entretenait des attentes depuis plusieurs mois, répétant l’importance d’utiliser judicieusement notre énergie en cette ère de rareté, donnant l’exemple du lave-vaisselle qu’il faut démarrer la nuit.

Le projet de loi est donc décevant sur les exigences faites aux clients résidentiels, notamment. À première vue, l’article 130 laisse entendre que les tarifs seront modulés pour forcer les Québécois à moins consommer durant les heures de pointe d’hiver extrêmement coûteuses pour Hydro-Québec.

En réalité, l’adhésion des clients sera optionnelle, comme c’est le cas, actuellement, avec le programme de tarification dynamique d’Hydro-Québec.

Ce programme permet essentiellement aux volontaires d’empocher 55 cents par kilowattheure économisé en pointe l’hiver.

« Ce sera optionnel. Hydro travaillera sur un programme plus incitatif qu’il ne l’est actuellement. Mais on ne l’imposera pas aux consommateurs », m’a dit le ministre lors d’un entretien téléphonique.

Chez Hydro, un haut placé me répond exactement la même chose.

Quand même, M. Fitzgibbon avait laissé comprendre, plus tôt dans la journée, que la porte pouvait être ouverte pour la modulation des tarifs, mais ce ne sera pas avant le 1er avril 2026, ou probablement après les élections. Au moins, l’intention sera inscrite dans la loi.

Les questions sévères demeurent : où sont les mesures pour contraindre les proprios de grosses cabanes à économiser, sinon à payer ? Pourquoi tolérer que certains chauffent leur entrée de garage extérieure… sans trop payer ?

Les faits ne manquent pas pour agir. Le Québec est parmi les moins productifs au monde en matière énergétique. Notre produit intérieur brut (PIB) par gigajoule d’énergie avoisine les 220 $ US, loin derrière la Suisse (796 $ US), l’Allemagne (442 $ US) ou même les États-Unis (314 $ US), qu’on imagine pourtant gaspiller bien davantage d’énergie.

Si les Québécois gaspillent autant leur énergie, c’est qu’elle coûte trop peu cher.

Certes, la Régie devra intégrer aux tarifs résidentiels les coûts des nouveaux projets électriques, ce qui devrait déboucher sur des hausses tarifaires plus élevées que 3 % à partir du 1er avril 2026.

Sauf qu’un mécanisme spécifique – hors du projet de loi – aura pour effet de compenser auprès d’Hydro-Québec l’écart entre la hausse calculée, par exemple 4 %, et la limite de 3 %. L’argent viendra du ministère des Finances, et donc de tous les contribuables, et pourrait coûter entre 100 et 300 millions par année.

Pourquoi plafonner les tarifs résidentiels si l’énergie coûte plus cher ? « Parce que le premier ministre a dit que c’est 3 % max. On respecte le premier ministre, c’est tout », m’a répondu Pierre Fitzgibbon.

À tout le moins, la Régie enverra le signal clair de ce que devrait être la vraie hausse tarifaire. Et un gouvernement courageux – caquiste ou autre – sera libre d’abandonner le mécanisme de compensation de 300 millions quand bon lui semblera. Voilà pour le résidentiel.

Quant à la crainte du privé, le projet de loi l’évacue, essentiellement. Certes, des entreprises pourront produire de l’énergie renouvelable et la vendre à un consommateur unique situé sur un terrain adjacent.

Mais cette flexibilité, qui sera permise « sous réserve de l’approbation du gouvernement », indique le document explicatif, doit surtout permettre de développer des projets « qui ne peuvent être raccordés au réseau d’Hydro-Québec ou de rentabiliser certaines infrastructures d’un producteur qui aurait des surplus énergétiques ».

Pour la peur du privé, on repassera, donc.

D’autant que le projet de loi aidera Hydro-Québec à presque nationaliser le développement des nouveaux grands projets éoliens au Québec, annoncé par la société d’État la semaine dernière.

De fait, la loi autorisera les achats d’énergie de gré à gré – plutôt que par appel d’offres au privé – et facilitera la constitution de partenariats avec les Autochtones et les municipalités⁠1.

Pierre Fitzgibbon juge d’ailleurs « correcte » la volonté d’Hydro de devenir l’unique maître d’œuvre des projets dans l’éolien, à laquelle il ne s’opposera pas.

En fait, le plus grand changement de cette loi touche le secteur industriel. Jusqu’ici, les industriels disposaient d’une clause particulière qui les protégeait contre l’indexation du bloc patrimonial d’Hydro-Québec (83 % de l’énergie d’Hydro).

Ce faisant, les grands industriels voyaient leurs tarifs augmenter moins que ceux des autres clients d’affaires (3,3 % cette année contre une moyenne de 5 % pour les autres clients d’affaires). Or, le projet de loi propose que ce tarif L, comme il est appelé, soit augmenté comme celui des clients d’affaires à partir du 1er avril 2026, dans deux ans.

Il est probablement là, le plus gros changement de ce projet de loi. Et il concerne le tarif d’environ le tiers de l’énergie vendue par Hydro. Quand même…

1. Le partenariat pour la ligne de transport avec les Mohawks vers les États-Unis avait nécessité une loi spéciale, ce qui ne sera plus nécessaire.