Alors que certaines municipalités ont récemment interdit l’utilisation du gaz naturel dans les nouvelles constructions résidentielles sur leur territoire afin de réduire leur empreinte carbone, Éric Lachance, PDG du distributeur gazier Énergir, souhaite rouvrir le dialogue en rappelant que le gaz naturel renouvelable fait partie du panier de solutions qui permettront de réaliser la transition énergétique.

Éric Lachance l’admet d’emblée, en 2023, les effets des changements climatiques ont ramené au premier plan l’importance d’implanter rapidement des solutions pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. L’urgence de la situation a toutefois entraîné, selon lui, une certaine polarisation du contexte environnant.

L’énergie et l’économie sont indissociables, constate le PDG d’Énergir, société détenue à 81 % par la Caisse de dépôt et placement du Québec et à 19 % par le Fonds de solidarité FTQ, qui distribue la presque totalité du gaz naturel au Québec et qui exploite un réseau de petites centrales hydroélectriques au Vermont.

Le gaz naturel est très peu présent dans le bâtiment au Québec, contrairement à ailleurs dans le monde. L’électricité bon marché produite par Hydro-Québec a ralenti la percée du gaz naturel, dont le réseau s’est principalement développé par les branchements industriels.

« Les changements climatiques nous obligent à rendre l’énergie renouvelable. Le gaz naturel représente 15 % du mixte énergétique québécois et il est responsable de 15 % des émissions de GES. »

Dans le secteur résidentiel, on s’est engagés à délaisser le gaz naturel fossile pour le gaz naturel renouvelable. Aujourd’hui, il représente 2 % de notre volume, mais on vise 10 % d’ici 2030 et 100 % de l’approvisionnement du secteur résidentiel d’ici 2040.

Éric Lachance, PDG d’Énergir

Le gaz naturel renouvelable est fabriqué à partir de résidus organiques et agricoles et il est prélevé directement des sites d’enfouissement. Le processus d’une production à grande échelle est en marche et permettra d’atteindre le seuil des 100 % de la consommation des bâtiments résidentiels d’ici 2040.

Présentement, les clients résidentiels qui paient une prime pour acheter du gaz naturel renouvelable n’ont pas la certitude de consommer le carburant le plus écologique parce que le gaz est indistinctement distribué à travers tout le réseau d’Énergir.

Le distributeur gazier s’assure toutefois de réaliser un appariement de ses livraisons, et cette procédure est soumise et vérifiée par les autorités réglementaires.

L’an dernier, les municipalités de Mont-Saint-Hilaire, de Candiac et de Prévost ont successivement adopté des règlements visant à interdire le branchement du gaz naturel fossile dans les nouvelles constructions résidentielles pour réduire leur bilan d’émissions de GES. Toutefois, la Ville de Prévost a accepté les branchements pour le gaz naturel renouvelable.

« On s’est engagés auprès de la Régie de l’énergie à distribuer du gaz naturel renouvelable pour chaque nouveau branchement résidentiel que l’on va faire, on attend [sa] décision sous peu », explique le PDG.

Un partenaire dans la transition énergétique

Éric Lachance insiste, Énergir est un partenaire de premier plan d’Hydro-Québec dans le processus de transition énergétique que le Québec amorce.

« La transition va nécessiter évidemment une plus grande efficacité énergétique, mais elle va devoir se réaliser par la complémentarité de la biénergie. Le Québec a des besoins saisonniers disproportionnés durant l’hiver et l’électricité ne se stocke pas.

« Avec la pression que va exercer la transition énergétique sur la production d’Hydro-Québec pour tous les besoins additionnels en transport et en chauffage, la biénergie va devoir prendre le relais. Plutôt que d’utiliser la fournaise au gaz 100 ou 200 heures par année, ça va être plutôt de 400 à 500 heures », anticipe le PDG d’Énergir.

Il n’y a plus d’expansion possible pour le gaz naturel fossile alors qu’Énergir prévoit diminuer de 50 % ses volumes distribués au Québec d’ici 2050.

On travaille sur la valeur plutôt que sur les volumes. Il va y avoir plus d’électricité et moins de gaz fossile, plus de gaz naturel renouvelable, plus d’hydrogène pour le secteur industriel et aussi probablement de la capture du carbone.

Éric Lachance, PDG d’Énergir

Éric Lachance rappelle qu’Énergir a mis sur pied un réseau capable de produire l’équivalent de 9000 mégawatts pour le secteur résidentiel et de 8000 mégawatts pour le secteur industriel.

« Hydro-Québec va devoir dépenser plus de 150 milliards au cours des 10 prochaines années pour ajouter 9000 mégawatts de puissance. Nous, on a les actifs installés pour produire cette puissance, il faut l’utiliser pour soulager Hydro-Québec », expose le PDG.

Plusieurs l’ignorent, mais le réseau de distribution d’Énergir totalise une puissance équivalente à 10 complexes de La Romaine.

On a la chance de travailler en collaboration avec Hydro-Québec et avec le gouvernement du Québec, il y a une vision à long terme qui est commune et une communication qui est fluide.

Éric Lachance, PDG d’Énergir

Il y a exactement un an, Énergir est redevenue une entreprise complètement québécoise lorsque la Caisse de dépôt et le Fonds de solidarité ont racheté les participations de British Columbia Investment et du régime de retraite de l’Université du Québec.

Énergir réalise 50 % de ses revenus avec le gaz naturel et l’autre 50 % avec l’électricité. L’entreprise réalise la moitié de ses revenus aux États-Unis et l’autre moitié au Québec. Énergir s’est associée avec Boralex pour développer le parc éolien de la Seigneurie de Beaupré, le plus gros parc éolien au Canada, d’une capacité totale de 1200 mégawatts.

« On regarde toujours du côté des États-Unis pour réaliser des acquisitions. On n’a rien fait récemment parce que le marché était cher, mais on souhaite que ça bouge », indique Éric Lachance.