Ce qui distingue le Québec du Canada, côté emploi ? La proportion nettement plus grande de femmes et de jeunes qui travaillent. Et le rattrapage salarial bien plus rapide des femmes.

Ces constats, frappants, j’ai pu les faire en analysant les données sur le marché du travail de Statistique Canada, dont l’année complète de 2023 a été publiée le 5 janvier. Suivez-moi, je vous en fais la démonstration en quelques mots et graphiques.

D’abord, les plus récentes données confirment le ralentissement. Le taux d’emploi, soit la proportion des Québécois qui travaillent, a littéralement fondu entre le printemps et la fin de 2023, notamment chez les 25-54 ans. Même chose en Ontario.

En mai, 87,8 % des 25-54 ans du Québec travaillaient, proportion qui est tombée à 86,2 % en décembre 2023. Visiblement, le dopage des taux d’intérêt de la Banque du Canada fait son effet.

La glissade en Ontario est semblable. Et quand on regarde à long terme, on se rend compte non seulement que les Québécois dans la force de l’âge sont plus nombreux à travailler, mais que l’écart s’accroît avec le temps depuis 10 ans. Un graphique vaut mille mots (j’ai nettoyé les données des principaux effets de la pandémie pour mieux voir les tendances).

Ce boom des 25-54 ans, on le doit notamment aux femmes, qui sont davantage encouragées à travailler avec les garderies à contribution réduite lancées par Pauline Marois en 1998.

En décembre, 85,2 % des femmes de ce groupe d’âge travaillaient au Québec, presque autant que chez les hommes (87,4 %). Ailleurs, le taux chez les femmes de 25-54 ans descend jusqu’à 78,6 % en Alberta. Il est de 80,1 % en Ontario et de 81,2 % en Colombie-Britannique.

Ce n’est pas pour rien que Chrystia Freeland, ministre des Finances au fédéral, a implanté la même mesure de garderie abordable pour l’ensemble des autres provinces en 2021.

Cela dit, on aurait tort de penser que l’Aide aux familles est la seule raison qui explique les succès québécois. Chez les jeunes de 15 à 24 ans – l’âge avant les enfants, bien souvent –, l’écart avec le reste du Canada est aussi grand sinon plus que pour les 25-54 ans.

En Ontario, en particulier, le dégonflement du taux d’emploi chez les jeunes au dernier trimestre est inquiétant. En décembre 2023, seulement 51,2 % des 15-24 ans travaillaient, la plus faible proportion depuis 11 ans (exception faite de la période pandémique). Le taux était de 57 % au début de 2023.

Au Québec, pendant ce temps, le même groupe comptait 64,3 % de travailleurs en décembre 2023, un sommet parmi les grandes provinces canadiennes. Wow !1

Le portrait du Québec est moins reluisant chez les 55 ans et plus. Pour cette tranche d’âge, nous traînons la patte par rapport aux trois autres grandes provinces, carrément. Au moins, l’écart avec l’Ontario s’est rétréci de moitié depuis 10 ans. Et à voir la tendance des deux groupes d’âge précédents ces dernières années, on peut prévoir une amélioration de la situation.

Mais revenons aux femmes. Le Québec se démarque non seulement pour la proportion qui travaille, mais aussi pour la plus grande équité salariale avec les hommes.

Depuis 20 ans, le salaire horaire des femmes rattrape progressivement celui des hommes au Québec. En 2003, les femmes gagnaient 84,6 % du salaire horaire des hommes, proportion qui est passée à 87,9 % en 2013, puis à 91,2 % en 2023.

L’utilisation du salaire horaire moyen permet d’éliminer l’effet du temps partiel sur les comparaisons, essentiellement.

Ailleurs, l’écart demeure bien plus grand. Les Ontariennes sont à 87,2 % en 2023 et les Albertaines, à seulement 81 %. Un graphique vaut mille mots.

Outre la probable discrimination salariale, l’écart entre le salaire des hommes et des femmes pourrait s’expliquer par le type d’emploi occupé et le secteur.

Entre autres, les femmes sont moins nombreuses (43,6 % du total) que les hommes dans le secteur des services professionnels, scientifiques et techniques, où les salaires dépassent 40 $ l’heure, en moyenne. C’est dans ce secteur que l’on trouve les informaticiens et les ingénieurs, entre autres.

Même chose dans l’imposante industrie de la construction (les femmes y sont 13 % du total). Les salaires y sont bons (35,85 $ de l’heure), les syndicats québécois les ayant fait grimper à un niveau aussi élevé qu’en Ontario, ce qui est exceptionnel, puisque les salaires sont généralement plus bas au Québec.

Paradoxalement, c’est dans le secteur des services professionnels scientifiques et techniques que l’écart salarial entre les femmes et les hommes est le plus grand. Au Québec et en Ontario, les femmes y ont gagné 78 % du salaire des hommes en 2023.

Impossible de dire, à ce niveau d’analyse, si l’écart s’explique par le type plus spécifique d’emploi occupé.

En terminant, un mot sur l’impact de la pandémie sur le travail des femmes. Plus présentes dans les services (54 % du total), les femmes ont effectivement été plus nombreuses à perdre leur emploi en 2020 dans toutes les grandes provinces. Au Québec, la diminution s’est chiffrée à 6,2 % en 2020, contre 4,6 % chez les hommes.

En revanche, au cours des trois années subséquentes, la création d’emplois a été plus grande chez les femmes, si bien que l’effet cumulatif des quatre années depuis le début de 2020 est pratiquement le même chez les deux sexes, avec une création nette d’emplois de 4,1 % chez les hommes au Québec, contre 4 % chez les femmes.

Voilà pour l’emploi, chers lecteurs !

1. Il faudrait voir si ce fort taux d’emploi croissant chez les jeunes a un impact sur le décrochage scolaire au Québec.