Sortez-vous encore votre carte Air Miles ? Régulièrement, comme c’était le cas il y a 15 ou 20 ans ? Je parie que non.

Après avoir connu ses heures de gloire, le programme de fidélisation a perdu presque tout son lustre et les partenaires qui le rendaient attrayant, comme Rona, Jean Coutu et IGA. Son nouveau propriétaire, la BMO, tente désormais de le réinventer en proposant de nouvelles manières d’accumuler les milles. Hélas, elles exigent une bonne dose de motivation de la part des consommateurs.

À moins de posséder une carte de crédit qui donne automatiquement des milles Air Miles en fonction du volume d’achat, je dirais même qu’il faut être un passionné de récompenses pour profiter des avantages du programme.

La plus récente manière d’obtenir gratuitement une bouilloire ou des billets de cinéma s’appelle Reçus Air Miles. Le lancement pancanadien, annoncé il y a quelques jours, suit des tests effectués dans les provinces atlantiques, l’été dernier.

Pour obtenir des milles, voici ce qu’il faut faire : se rendre sur l’application d’Air Miles pour y « consulter les offres disponibles », acheter les « produits admissibles » dans « la plupart des grandes épiceries nationales et régionales », numériser son reçu au moyen de l’application et transmettre l’image à Air Miles dans les 14 jours. Les milles apparaîtront dans notre compte « quelques jours plus tard ou même plus tôt », promet-on.

La liste des commerces inclut Costco, Walmart, Maxi, IGA, Metro, Super C, Dollarama, Tigre Géant et plusieurs autres.

Pour vous donner une idée des offres, un gros pot de yogourt Astro ou de tartinade au chocolat Nutella donne droit à 10 milles, un avocat, 4 milles, un brocoli, 3, un paquet de saucisses, 5, un carton d’œufs, 4. En tout, 16 offres étaient en vigueur pour la période du 16 au 29 novembre.

Pour les produits frais comme la viande et les œufs, aucune marque précise n’est spécifiée, ce qui est une bonne nouvelle puisqu’on peut ainsi choisir les produits qui nous plaisent vraiment et profiter des soldes en magasin.

Je ne m’attendais pas, non plus, à ce que des légumes fassent partie de la liste, puisque les offres semblent financées par les grandes entreprises de transformation alimentaire. D’ailleurs, Air Miles affirme que son programme permettra à ses partenaires de connaître une « amélioration monumentale » de leur capacité à prospérer. Rien de moins ! Spécialiste des programmes de fidélité chez Milesopedia, Caroline Tremblay suppose que les milles offerts sur les produits frais sont financés par BMO qui « pousse » beaucoup sur son programme pour qu’il survive après avoir frôlé la faillite l’hiver dernier. « La BMO est en feu avec Air Miles en ce moment et ils donnent des milles pour en diversifier la distribution », m’a-t-elle dit.

Quoi qu’il en soit, espérons que les produits frais continueront de procurer des milles, même quand Air Miles aura recruté un paquet de partenaires. Trop souvent, les promotions du genre ne s’appliquent qu’à des produits transformés.

Selon les calculs de Milesopedia, un mille Air Miles vaut 0105 $ (95 milles équivalent à 10 $).

Ainsi, les 3 milles offerts à l’achat d’un brocoli procurent une économie de 0,32 $. L’achat d’un pot de Nutella donnerait 1,05 $ en milles, ce qui n’est quand même pas négligeable, surtout si cette promotion s’ajoute à un solde.

En supposant un gain réaliste de 15 milles par semaine, on se retrouve au bout d’un an avec 780 milles valant près de 82 $. Est-ce que ça vaut la peine ? Certains répondront oui, d’autres non.

Bien entendu, il n’est pas nécessaire de consulter l’application d’Air Miles pour rédiger sa liste d’épicerie. On peut tout simplement transmettre son reçu en espérant obtenir, grâce au hasard, quelques milles. Mais la démarche demande quand même plus d’efforts et d’organisation que la simple présentation de sa carte à la caisse. Est-ce qu’une grande partie des membres prendra l’habitude de transmettre sa facture ? Caroline Tremblay s’attend, comme moi, à ce que la proportion soit « assez basse ».

En passant, Reçus Air Miles n’a rien inventé. Checkout 51 et Eclipsa proposent une formule similaire. Ces plateformes donnent des remises en argent.

Air Miles propose aussi des offres « à la carte » et temporaires dans certains commerces.

Mais comme je l’ai déjà expliqué⁠1, il ne suffit pas d’y présenter sa carte bleue. Cela serait même inutile ! Il faut plutôt se rendre sur le site d’Air Miles et y entrer le numéro de sa carte de crédit Mastercard, afin de lier ses deux comptes. Ça fonctionne avec toutes les Mastercard, peu importe l’émetteur.

Là encore, le consommateur doit être proactif et motivé, mais le processus ne doit être fait qu’une fois. On salue la créativité, mais les offres sont trop peu nombreuses pour le moment pour espérer un cadeau à moyen terme. Elles se comptent sur les doigts d’une main pour les Québécois, et dans certains cas, elles nécessitent une étape additionnelle : pour avoir droit à des milles chez Sephora, il faut d’abord prendre le temps, sur le site web d’Air Miles, de « s’inscrire à l’offre ». Ce n’est pas le cas pour obtenir des milles chez Dollarama, une offre valide jusqu’au 31 janvier 2024.

Et bonne nouvelle pour ceux qui ont des milles qui traînent dans leur compte Rêve, il sera possible de les transférer dans le compte Argent, quelque part en 2024.

Grâce à la multiplication des annonces du genre, Milesopedia constate que le programme retrouve tranquillement de son intérêt auprès des consommateurs. Il vaut peut-être mieux y penser à deux fois avant de jeter sa carte.

Lisez la chronique « Présenter sa carte Air Miles chez Dollarama ne donnera rien »