On ne sait pas toujours comment s’y prendre pour avoir accès à des conseils financiers dignes de confiance. Trouver la bonne personne semble être aussi fastidieux qu’obtenir un rendez-vous avec un psychologue dans le réseau public.

Ce n’est pas pour rien que le web foisonne de modes d’emploi en six ou sept étapes faciles pour chercher un professionnel.

Malgré tout, 73 % des Québécois n’avaient pas de conseiller financier⁠ 1, aux dernières nouvelles (moyenne de 65 % au Canada). Ce terme général regroupe toutes les personnes qui nous aident à gérer notre argent.

Certains épargnants estiment que leurs avoirs ne sont pas assez importants, d’autres craignent de ne pas comprendre le jargon utilisé ou redoutent que leurs décisions passées soient jugées. À cela s’ajoute la méfiance liée à l’indépendance, la rémunération ou la transparence du professionnel. D’autres personnes ne croient pas avoir besoin d’accompagnement, leurs connaissances étant suffisantes. Les risques de fraudes sont également évoqués dans la longue liste de craintes.

La pénurie de planificateurs financiers fait aussi partie du problème. Depuis une dizaine d’années, leur nombre est stable, à environ 5000, alors que la population et les besoins croissent.

Le fait que 40 % des planificateurs financiers ont plus de 50 ans démontre qu’il y a un enjeu de relève, fait valoir la PDG et secrétaire de l’Institut québécois de planification financière (IQPF), Chantal Lamoureux. Ses membres sont les seuls experts à se prononcer dans sept champs d’expertise liés à l’argent comme la fiscalité, la retraite, la succession et les placements.

Du côté des représentants en épargne collective et des conseillers en placement – ceux qui vendent des fonds communs et des actions –, la publication spécialisée Finance et Investissement constate que le nombre de ménages pouvant compter sur leurs services diminue d’année en année.

Ces professionnels ciblent les épargnants de plus en plus fortunés, car la tarification basée sur le total des actifs détenus gagne des adeptes, tandis que les commissions et la rémunération par transaction perdent en popularité. Il est donc plus payant pour eux de travailler avec un nombre réduit de clients ayant un patrimoine très bien garni. Ceux qui œuvrent pour un courtier de plein exercice comme Valeurs mobilières Desjardins ou la Financière Banque Nationale comptaient en moyenne 237 clients en 2018. Ce nombre est passé à 227 en 2020, et à 178 cette année2.

Ces données mettent en lumière la difficulté croissante pour la classe moyenne, celle qui ne possède pas 600 000 $ d’épargnes à investir, d’avoir accès à des services financiers plus élaborés.

Ça ne veut pas dire que les conseils donnés dans les succursales des banques et des caisses Desjardins ne sont pas de qualité. Mais la variété des produits financiers offerts est restreinte et le roulement de personnel irrite souvent les clients qui souhaitent construire une relation. « La seule fois où j’ai vu la même personne deux fois, je l’ai trouvée tellement incompétente… cela expliquait qu’elle n’avait pas bougé », m’a confié un collègue de travail, déplorant que les meilleurs soient toujours mutés grâce à une promotion.

Un autre collègue a déploré qu’à sa banque, aucun professionnel ne lui avait été attitré depuis le départ à la retraite de celle qui s’occupait de ses placements. « C’est déroutant, je trouve. De plus en plus dépersonnalisé comme service. » Rien pour lui donner le goût d’y retourner régulièrement pour demander conseil et élaborer un plan pour sa retraite.

Malheureusement, les planificateurs financiers indépendants payés à l’heure se font rares et leurs services ne sont pas à la portée de tous les budgets.

L’absence de relation avec un conseiller fiable est dommage et souvent… dommageable. Les Américains estiment d’ailleurs que leur manque de connaissances financières leur coûte 1800 $ US (2475 $ CAN) par année3.

La liste des mauvaises décisions pouvant avoir des conséquences coûteuses est facile à dresser : ne pas ouvrir de REEE à la naissance d’un enfant, ne pas avoir de testament, mal répartir ses placements entre son REER et son compte non enregistré, demander ses rentes publiques trop tôt, acheter des cryptomonnaies sans rien y connaître, alouette !

Prenez le Régime de rentes du Québec. À compter de janvier prochain, les travailleurs de 65 ans et plus qui touchent déjà leur rente pourront, ou pas, continuer à cotiser au régime4. « C’est un grand danger de prendre ce type de décision sans en connaître tous les impacts ! », fait valoir Chantal Lamoureux, avec raison.

Avoir un plan financier rédigé par un professionnel amène aussi « une meilleure résilience financière », selon une étude parue en juillet⁠5, soit une capacité accrue à composer avec des évènements imprévus comme une hausse subite des taux d’intérêt, une maladie invalidante ou la perte d’un conjoint. Pourquoi ? Grâce au fameux fonds d’urgence, bien souvent. Cela est vrai dans toutes les tranches de revenus, mais bien davantage chez les moins fortunés. Or, ce sont eux qui ont le moins accès aux experts.

Lueur d’espoir, ici : un nouvel organisme de bienfaisance voué à cette cause est né l’été dernier. La Fondation canadienne sur la planification financière espère mettre en relation des experts bénévoles avec des personnes qui n’ont pas les moyens de les embaucher. D’autres voix s’élèvent pour que les services financiers donnent droit à un crédit d’impôt.

On a effectivement besoin d’idées originales et inédites pour démocratiser les services qui touchent à nos finances comme on l’a fait, dans une certaine mesure, pour les services juridiques.

Consultez les résultats d’une étude sur le conseil financier (en anglais) 2. Lisez un texte sur l’accès aux conseillers 3. Consultez le site du National Financial Educators Council, un OBNL américain 4. Voyez les changements qui toucheront le RRQ en janvier prochain 5. Consultez l’étude sur la résilience financière des ménages