Contrairement au goût du Big Mac, les politiques de retours lors d’achats en ligne changent avec le temps. Ce qui était gratuit il y a quelques mois ne l’est peut-être plus, si bien qu’il faut chaque fois lire attentivement tous les petits caractères pour éviter les mauvaises surprises.

Le commerce en ligne devait, en théorie, nous faciliter la vie. Mais subtilement, les politiques de retour se sont compliquées et diversifiées. Surtout, il n’y a pas de règle unique, chaque détaillant faisant sa propre loi.

Certains se sont mis à facturer des frais, tandis que d’autres ont accentué les contraintes en imposant des fenêtres de remboursement plus courtes. De plus, une procédure particulière peut s’appliquer lorsque le paiement se fait en quatre versements par l’entremise d’une tierce partie comme Klarna ou PayBright. C’est sans compter que le type de marchandise (maillots, articles en solde, objets lourds, exclusivités web) ainsi que l’identité du vendeur sur une place de marché auront un impact.

C’est tellement complexe que des sites web vulgarisent les choses pour le bien commun. Le texte The H&M Return Policy (Finally... Here’s Exactly How It Works) ou La politique de retour d’H&M (voici enfin comment ça fonctionne) résume les règles du géant suédois... en 12 questions. Attention, les règles varient d’un pays à l’autre.

Le phénomène le plus récent n’est toutefois pas la complexité des retours, mais la fin de leur gratuité tous azimuts.

Une analyse de la politique de retour de 200 détaillants américains de la firme Narvar, en 2022, avait révélé que 41 % exigeaient des frais, une hausse de 9 points en seulement un an. Et la tendance se poursuit. Le président de Narvar a indiqué au journal The  Atlantic, le printemps dernier, que la proportion était rendue à 44 %.

Selon la firme Returnlogic, spécialisée dans les retours de marchandises, 60 % des plus grands détaillants américains changeront leur politique en 2023. En Europe, l’annonce de frais de retour de 1,95 euro par Zara⁠1, l’an dernier, avait été perçue comme un tournant par des experts du secteur. Pendant des années, les retours gratuits ont été au cœur de la stratégie des détaillants pour nous convaincre d’acheter en ligne. Maintenant que nous sommes accros, les règles du jeu changent.

L’un des grands responsables de ce mouvement : le bracketing, une véritable plaie pour le profit des commerçants.

Si vous avez déjà acheté en ligne plusieurs produits de tailles, de couleurs ou de modèles variés pour n’en garder qu’un seul et retourner tout le reste, vous avez fait du bracketing. La popularité de cette pratique – qui n’a pas encore de nom en français – a bondi de 50 % de 2018 à 2020, selon Narvar. Pas moins de 62 % des Américains font des achats de cette manière. Chez les moins de 30 ans, la proportion grimpe à 70 %.

S’il est plus agréable d’essayer une pile de vêtements dans l’intimité de sa chambre à coucher pendant une semaine que dans une salle d’essayage à la hâte, le phénomène est très coûteux pour les commerçants. Pendant tous ces jours où les stocks sont dans un domicile privé, ils ne peuvent être vendus à autrui. Ces pertes potentielles s’ajoutent aux frais de manutention et de livraison assumés par les commerçants.

D’autres comportements néfastes pour la rentabilité ont encouragé les détaillants à resserrer leurs politiques.

C’est le cas du « wardrobing », terme que l’Office québécois de la langue française propose depuis juin de remplacer par « porter-retourner ». Ce terme réfère au fait d’acheter un vêtement, de le porter sans enlever l’étiquette – pour une photo pour les réseaux sociaux ou lors d’un mariage – et de le retourner. La tactique n’est pas née avec le commerce en ligne, direz-vous, mais disons que c’est moins gênant d’acheter une robe de bal en ligne et de la retourner par la poste que de la ramener à la vendeuse qui nous a conseillés pendant 45 minutes.

Dans certains cas, il faut le dire, le détaillant est responsable d’une partie des retours : descriptions incomplètes, photos qui induisent en erreur, produits de mauvaise qualité. Le client perd alors temps et argent alors qu’il n’a rien à se reprocher. Quelle frustration !

Les frais de retour servent à couvrir une partie des coûts de livraison et de main-d’œuvre pour mettre les choses en état d’être revendues (ce qui n’est pas toujours le cas, comme l’a démontré CNN⁠2), mais surtout à décourager les clients d’acheter des choses qu’ils ne prévoient pas vraiment conserver.

Car les retours constituent un cauchemar logistique. Même Amazon tente de réduire les retours en identifiant sur son site les produits qui sont le plus souvent renvoyés.

Par la bande, limiter les retours amoindrit aussi l’empreinte écologique des achats en ligne, ce qu’on ne peut qu’applaudir.

  • Au Canada, Uniqlo facture des frais de 9,99 $ + taxes pour retourner par la poste un achat effectué en ligne. Ses magasins ne remboursent pas les achats sur le web, mais acceptent les échanges.
  • H&M demande 4,99 $ pour les retours par la poste en plus des coûts de livraison. En magasin, c’est gratuit. On espère qu’une fois sur place, vous trouverez autre chose à acheter.
  • La Vie en Rose exige 9 $ + taxes. Mais c’est gratuit en magasin.
  • Chez Simons, les frais de retour sont de 9,99 $ + taxes, sauf pour les membres (gratuit). Les remboursements sont possibles en magasin gratuitement, sauf s’il s’agit d’articles vendus en exclusivité web.
  • Du côté de La Baie, ça dépend. Que ce soient ses propres produits ou ceux offerts par les 900 vendeurs de son Marché, les retours sans frais en magasin sont possibles, mais le coût est généralement de 12 $. C’est du cas par cas. La Baie reprend dans ses succursales les articles vendus par de tierces parties depuis janvier, ce qui est fort pratique.

Amazon change aussi ses façons de faire. Aux États-Unis, les retours chez UPS coûtent maintenant 1 $ si un point de dépôt gratuit (dans ses épiceries Whole Food Markets, par exemple) est plus proche. Et à partir du 31 juillet, tous les Staples américains (Bureau en gros, au Québec) reprendront gratuitement tout achat conclu sur Amazon⁠3.

Pendant ce temps, Target veut devenir le roi du retour facile. L’enseigne déploie actuellement un nouveau service gratuit de retour à l’auto⁠4 dans ses stationnements.

De toute évidence, un mouvement est entamé, mais la direction suivie n’est pas unanime.

1. Lisez un texte sur le changement de politique chez Zara 2. Consultez le reportage de CNN (en anglais) 3. Lisez un texte sur le partenariat entre Staples et Amazon (en anglais) 4. Consultez le communiqué de Target (en anglais)