Une bonne nouvelle pour la Côte-Nord. L’usine de bois d’œuvre Arbec de Port-Cartier pourra bientôt recommencer à produire à sa pleine capacité grâce à l’implantation dès l’an prochain d’une nouvelle usine qui produira du biochar, un amendement de sol très demandé, à partir de ses résidus forestiers pour lesquels elle ne trouvait plus preneur.

J’ai récemment consacré une chronique à ce projet d’usine de fabrication de biochar, initiative de l’entreprise Airex Énergie, en partenariat avec le groupe français de l’environnement Suez et l’entreprise forestière Rémabec.

Le biochar est fabriqué à partir de biomasse forestière – les résidus d’une usine de sciage qui servent principalement à la fabrication de pâtes et papiers – et il a l’avantage de capter le carbone qui aurait été rejeté dans l’atmosphère lors de la décomposition de cette biomasse.

Le projet a officiellement pris forme mercredi avec l’annonce par le ministre Pierre Fitzgibbon d’un soutien financier de 16 millions du gouvernement québécois pour la construction de cette nouvelle usine qui entrera en production en 2024 à la suite d’un investissement total de 46 millions par la coentreprise baptisée Carbonity.

D’une capacité initiale de 10 000 tonnes, l’usine devrait produire d’ici trois ans 30 000 tonnes de biochar par année, ce qui en fera la plus grande en Amérique du Nord et l’une des plus importantes au monde.

Outre ses attributs pour augmenter la rétention d’eau des sols et réduire l’utilisation de fertilisants, le biochar sert aussi à la fabrication d’asphalte, de béton et à certains procédés métallurgiques pour en réduire l’empreinte carbone.

Il s’agit donc d’un produit utile qui fait l’objet d’une demande croissante et qui servira de débouché additionnel pour l’entreprise forestière Rémabec, bien implantée sur la Côte-Nord, mais qui a dû difficilement composer avec l’effondrement de la demande pour les résidus forestiers qui servent à la fabrication des pâtes et papiers.

L’usine de bois d’œuvre Arbec de Port-Cartier, qui fait partie du groupe Rémabec, avait dû fermer ses portes en décembre 2020, en raison de la mise à l’arrêt définitive six mois plus tôt de l’usine de papier journal Résolu de Baie-Comeau.

L’usine de Baie-Comeau était le principal client qui lui achetait les sous-produits de l’exploitation de la scierie : écorce, copeaux, sciures de bois. Une décision qui avait entraîné la perte de 280 emplois à l’usine et en forêt.

Il s’agissait d’un deuxième coup dur pour le producteur forestier puisqu’il avait déjà subi la fermeture une dizaine d’années plus tôt de l’usine de pâtes de Port-Cartier qui avait notamment appartenu à Cascades et qui consommait elle aussi sa biomasse forestière.

Des débouchés alternatifs

En juin de l’an dernier, Rémabec a entrepris de rouvrir son usine de bois d’œuvre de Port-Cartier parce qu’elle a développé un nouveau débouché pour ses résidus forestiers grâce à la production de biocarburant dans une toute nouvelle usine que le Groupe a implantée sur son site, mais qui a connu de gros problèmes de démarrage.

Ce qui n’est plus le cas. L’usine a commencé à produire en juillet de l’an dernier ses premiers biocarburants et va terminer sa première année d’exploitation avec une production de 16 millions de litres. On prévoit de doubler dans les 12 prochains mois la production annuelle à 33 millions de litres.

« On est en train d’implanter notre complexe intégré qui va nous permettre d’utiliser nos surplus de résidus. Notre biocarburant sert à alimenter l’usine d’ArcelorMittal qui est située à 2,5 km de notre usine. On remplace le mazout par du biocarburant », se réjouit Réjean Paré, le PDG de Rémabec.

L’entreprise en avait grandement besoin. L’an dernier, lors de vacances sur la Côte-Nord, j’ai pris le temps d’aller visiter l’usine Arbec de Port-Cartier, et tout ce qu’on voyait, c’était des montagnes de copeaux et de sciures et pas beaucoup de débouchés devant elles.

Principal entrepreneur forestier privé au Québec, avec 35 filiales, 13 usines sur la Côte-Nord, le Lac Saint-Jean et la Mauricie et qui emploient 1 800 personnes, Rémabec peut recommencer à respirer à Port-Cartier.

L’usine de biocarburant utilise principalement des résidus de fibre blanche, comme le bran de scie, tandis que la nouvelle usine de biochar va consommer principalement des écorces et des copeaux.

L’usine de biocarburant consommera 145 000 tonnes de résidus et celle de biochar en utilisera potentiellement quelque 90 000 tonnes lorsqu’elle atteindra sa pleine capacité d’opération.

De la biomasse forestière qui a toujours alimenté l’industrie des pâtes et papiers, mais dont on a, un peu plus chaque année, de moins en moins besoin…

La nouvelle usine de biochar ne créera pas beaucoup d’emplois, une trentaine, prévoit-on, mais elle permettra de consolider 300 emplois en forêt et en usine et elle contribuera à maintenir en vie des communautés de la Côte-Nord tout en participant à la décarbonation de l’économie.