Le gouvernement du Québec est-il particulièrement négligent dans la réfection de nos infrastructures ? C’est la question qu’on se pose en lisant les nombreux reportages sur la décrépitude de nos écoles et de nos routes.

Dans le cas des écoles, en particulier, 61 % sont en mauvais état, selon l’indicateur du gouvernement. François Legault remet ce taux en question, bien que la méthode pour le calculer ait été raffinée ces dernières années1.

Pour en avoir le cœur net, j’ai comparé notre situation à celle des trois autres grandes provinces que sont l’Ontario, l’Alberta et la Colombie-Britannique. Les données sont tirées du compte d’infrastructures de Statistique Canada, mis à jour à la mi-mars.

Les grandes conclusions ? Le Québec se compare plutôt avantageusement dans le secteur de l’enseignement, étonnamment, mais demeure le cancre pour la réfection des routes.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Plusieurs écoles ont subi des cures de rajeunissement.

Amélioration dans l’enseignement

Dans le secteur de l’enseignement, les investissements du Québec depuis quatre ans ont fait augmenter de 44 % la valeur des bâtiments⁠2. Ces investissements de 10,3 milliards de dollars touchent surtout les écoles primaires et secondaires, mais également les cégeps et les universités.

La hausse est très importante. À ce chapitre, le Québec devance nettement chacune des trois autres grandes provinces, dont la hausse oscille entre 25 % et 35 %. La moyenne de l’ensemble des provinces et territoires canadiens est de 31 %.

Une autre façon de juger de l’effort du Québec est de vérifier si nos investissements, par rapport au total canadien, correspondent à notre poids relatif dans la confédération (soit 22,1 % de la population et 19,3 % du produit intérieur brut ou PIB).

Depuis quatre ans, les investissements dans nos écoles représentent 27 % du total canadien, ce qui est nettement supérieur à notre poids dans l’ensemble canadien.

Cette comparaison est possible, car les données de Statistique Canada excluent la valeur des terrains. Les coûts de construction et les normes peuvent différer d’un endroit à l’autre, cela dit, et il faut donc être prudent dans l’interprétation de ce deuxième indicateur.

Il reste que les deux indicateurs pointent dans la même direction : le Québec a investi davantage qu’ailleurs dans ses bâtiments d’enseignement depuis quatre ans.

Notre parc est-il en moins bon état qu’ailleurs ? Oui et non, selon les données de Statistique Canada.

En 2018, la valeur de nos bâtiments d’enseignement représentait seulement 19,2 % du total canadien, ce qui est inférieur à notre poids relatif. Cette valeur est passée à 21,2 % en 2022, avec l’accroissement des investissements.

On peut donc penser que le gouvernement a encore un effort à faire pour se comparer aux autres grandes provinces, puisque la valeur relative de nos infrastructures d’enseignement est inférieure à notre proportion de la population (22,1 %).

Le portrait est cependant tout autre quand on compare la durée de vie restante de nos bâtiments, signe incontournable de leur état. En moyenne, nos bâtiments d’enseignement avaient une durée de vie restante de 61 ans en 2022, selon Statistique Canada, ce qui est supérieur à la moyenne canadienne (59,2 ans).

Le Québec est même la seule des quatre grandes provinces à avoir accru la durée de vie de ses infrastructures en éducation et en enseignement supérieur ces dernières années. Le rattrapage du Québec sur 20 ans est frappant, comme on peut le voir dans ce graphique.

Et que valaient nos écoles et nos autres bâtiments d’enseignement en 2022 ? Un peu plus de 31 milliards de dollars, ce qui équivaut à environ 70 000 maisons.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Les investissements dans le réseau routier sont moindres qu’ailleurs.

Gros retard dans le réseau routier

Si le gouvernement ne s’est pas traîné les pieds en enseignement, ce n’est pas le cas pour les routes.

Au cours des quatre dernières années, le Québec a investi significativement moins qu’ailleurs. Nos investissements publics (provincial et municipaux) se sont élevés à 18,9 milliards de dollars, ce qui représente un bond de 47 % par rapport à la valeur de départ (2018), alors que cette hausse est de 58 % en Colombie-Britannique et de 53 % en Ontario.

Partout, la hausse des investissements pour les routes est plus importante que celle pour les écoles, ce qui s’explique probablement par l’usure plus rapide du réseau routier.

On pourrait se consoler en constatant que nos investissements dans les infrastructures routières depuis quatre ans ont représenté 23 % du total canadien, soit davantage que notre part de la population (22 %).

Le hic, c’est que le Québec a un réseau routier beaucoup plus vaste que la plupart des provinces : 61 468 km de voies sont sous la responsabilité du ministère des Transports du Québec, soit 52 % de plus qu’en Ontario3.

Pour avoir un réseau de qualité comparable, les Québécois devraient donc investir bien davantage que les Ontariens, tout en étant presque deux fois moins nombreux et 10 % moins riches.

Les données de Statistique Canada sur la durée de vie utile de notre réseau routier et autoroutier arrivent aux mêmes constats. La durée restante moyenne était de 53 ans en 2022, la plus basse des quatre grandes provinces (la moyenne canadienne est de 56 ans). Nos ponts et tunnels ont cependant une durée de vie restante plus longue qu’ailleurs.

En 2022, le réseau de routes, ponts et tunnels du Québec avait une valeur de 47,7 milliards, selon Statistique Canada, soit l’équivalent de plus de 100 000 maisons.

PHOTO FOURNIE PAR LE CIUSSS DE L’EST-DE-L’ÎLE-DE-MONTRÉAL

Travaux à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont en 2016

Match nul en santé

Enfin, dans le cas de la santé, les infrastructures publiques au Québec ont reçu un niveau d’investissement correspondant à notre population (22 %), et leur valeur est aussi semblable (22 %). Depuis quatre ans, notre réseau a vu ses investissements grossir la valeur du parc de 31 %, comme la moyenne canadienne.

Bref, c’est match nul en santé à cet égard.

La durée de vie restante des hôpitaux ? Elle est supérieure à celles des trois autres provinces, à près de 66 ans (moyenne canadienne de 58 ans).

En 2022, nos infrastructures publiques en santé avaient une valeur de 17,7 milliards de dollars. Et si l’on prend l’ensemble des infrastructures publiques du Québec, outre ceux analysés précédemment, leur valeur atteint 196 milliards de dollars en 2022, ce qui représente 24 % du total canadien.

1. Lisez l’article « Vétusté des écoles : Québec et ses contradictions »

2. Cette valeur a bien sûr été réduite de l’amortissement, par ailleurs, mais l’objectif est de mesurer les efforts de redressement du gouvernement.

3. Consultez l’étude