Une autre mauvaise nouvelle s’abat sur l’industrie porcine du Québec. Seulement 24 heures après avoir annoncé la fermeture de deux usines de transformation, Olymel a prévenu qu’elle réduirait ses abattages de 20 % à compter de juin. Cette décision est notamment justifiée par une perte de 390 millions de dollars et par l’« attitude » des Éleveurs de porcs du Québec.

Olymel, qui abat 80 % des porcs du Québec, a signifié jeudi aux éleveurs une réduction significative de ses achats de bêtes à compter du 3 juin prochain. Sur une base annuelle, 1 055 000 porcs de moins seront abattus, soit 855 000 engraissés au Québec et 200 000 en Ontario, précise une infolettre que j’ai pu consulter.

« La panique est pognée au Québec », a commenté un membre de l’industrie qui refuse d’être identifié pour ne pas nuire à ses affaires.

Pour mettre les choses en perspective, un million de porcs, c’est ce qu’un gros abattoir comme celui de Yamachiche, en Maurice, transformait au cours d’une année entière avec ses 1000 employés, en 2019.

En deux ans, le nombre de porcs abattus par Olymel au Québec passera donc de 6,8 millions à 4,2 millions, soit une baisse de 38 %. Cette importante réduction de volume se traduira-t-elle par une fermeture d’abattoir ? Le porte-parole Richard Vigneault a répondu qu’il ne voulait pas « spéculer là-dessus ». La haute direction n’était pas disponible pour commenter.

Le problème, pour les éleveurs de porcs, c’est que les débouchés pour leurs bêtes, que ce soit au Québec, ailleurs au pays ou aux États-Unis, sont très rares. Et, bien sûr, le cycle de la vie ne s’arrête pas d’un coup sec. Les truies continuent d’accoucher, et les bêtes prennent du poids chaque jour, peu importe la rentabilité des abattoirs. Réduire une production animale prend un certain temps.

La filiale de la coopérative agricole Sollio justifie sa décision par une série de facteurs, dont les pertes financières de 390 millions enregistrées par son secteur du porc frais depuis deux ans. Mais aussi par la décision « sans préavis et de façon unilatérale » des Éleveurs de porcs du Québec de mettre fin au rabais de 25 $ par 100 kg consenti aux abattoirs depuis la mi-octobre.

Cette annonce a été faite le 31 janvier « en plein processus de conciliation », déplore Olymel qui affirme perdre 20 $ par porc abattu malgré le rabais.

Compte tenu de ses « problématiques de profitabilité récentes », Olymel dit avoir été empêchée d’investir « suffisamment dans certaines usines », ce qui a entraîné des « retards technologiques » minant sa compétitivité sur les marchés mondiaux.

Attitude en cause

Plus étonnant encore, Olymel écrit que « l’attitude des Éleveurs de porcs du Québec dans le cadre de la conciliation » fait partie des éléments pris en compte pour réduire davantage ses abattages. Un argument qui illustre bien à quel point les relations sont tendues dans l’industrie.

Depuis le mois d’août, l’ancien ministre libéral Raymond Bachand pilote un processus de conciliation entre les Éleveurs et les abattoirs pour convenir de la prochaine formule de prix.

La crise avait débuté en avril quand les agriculteurs ont été contraints d’accepter une baisse du prix du porc de 40 $ par 100 kg pour aider les abattoirs.

Fidèle à son habitude des derniers mois, le lobby qui représente 2600 éleveurs a refusé ma demande d’entrevue. Dans une infolettre transmise jeudi à ses membres, le président David Duval s’est dit « surpris que la fin du rabais soit une surprise pour Olymel », car il avait été « clair », selon lui, que la plus récente prolongation du rabais était la « dernière […] sous sa forme actuelle ».

La nouvelle s’est rendue rapidement au cabinet du ministre de l’Agriculture, André Lamontagne. Tout en reconnaissant que la décision d’Olymel « représente un défi majeur pour les producteurs de porcs du Québec qui devront ajuster leur niveau de production », l’élu souhaite que les négociations aboutissent. « J’invite vraiment les Éleveurs de porcs du Québec et les abattoirs à accélérer leurs discussions avec le conciliateur pour dénouer la situation. »

Mercredi, on apprenait qu’Olymel fermerait en avril ses usines de surtransformation de porc situées à Blainville et Laval. Leurs 170 travailleurs fabriquent les charcuteries et les jambons de marques Tour Eiffel, Nostrano et Alpina. Ces productions seront transférées dans d’autres usines du groupe. La fermeture imminente de l’usine de Saint-Hyacinthe avait été annoncée en novembre dans le cadre d’une restructuration commencée en 2021.

Plus inquiétant encore pour l’économie de la province, Olymel mentionne dans son infolettre que l’abattage de porcs présente « peu ou pas de perspective de profitabilité ». Cela devrait suffire à nous convaincre que le débat sur l’avenir de cette industrie – qui emploie 31 000 personnes et génère des recettes de 3,4 milliards – doit se tenir dans un avenir rapproché.

Lisez la chronique « Production porcine : “Ça tombe comme des mouches” » Lisez la chronique « Qui doit sauver Olymel ? »