Le coût de la vie est l’une des préoccupations de l’heure, avec raison : le boom de l’inflation gruge le budget des ménages. Mais au bout du compte, le pouvoir d’achat des Québécois s’est-il vraiment érodé si l’on considère en plus la hausse de leurs revenus ?

Surprise, la réponse est non pour la plupart des catégories de ménages, a constaté la Chaire en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke.

Dans une étude fouillée sur le sujet, les auteurs Frédérick Hallé-Rochon, Luc Godbout et Suzie St-Cerny arrivent à des conclusions surprenantes. Ils ont analysé l’évolution des revenus après impôts et cotisations sociales de 14 types de ménages québécois pour en conclure que pour 11 d’entre eux, le pouvoir d’achat s’est en fait accru ces dernières années, malgré l’inflation.

Les personnes seules, les familles monoparentales et les aînés de 70 ans et plus, entre autres, sortent gagnants de la situation.

Leurs revenus disponibles, après impôts et inflation, ont grimpé entre 1,1 % et 3,3 % depuis 2019, selon l’étude. En revanche, les personnes vivant en couple sont plus souvent perdantes, mais les pertes sont relativement modestes (1 % à 1,3 %).

Pour faire leur analyse, les chercheurs ont comparé les revenus médians que gagneront 14 types de ménages en 2023 – après la tempête inflationniste – à ceux qu’ils faisaient en 2019, soit avant la pandémie. Les revenus ont été dégonflés de l’inflation, si bien qu’ils sont comparables d’une année à l’autre.

Les auteurs ont également comparé l’évolution du pouvoir d’achat à long terme, soit depuis l’an 2000.

Résultat : le revenu disponible médian des personnes seules avoisinera les 37 222 $ en 2023, soit 1,1 % de plus qu’en 2019, une fois l’inflation effacée. Pour les couples avec enfants, ce revenu net médian sera de 109 075 $, ce qui est 1,3 % plus faible qu’en 2019 (on est loin de l’hécatombe).

Parmi les éléments favorables qui ont compensé l’inflation, il y a bien sûr les hausses salariales, relativement importantes au Québec. En 2023, le Mouvement Desjardins prévoit que l’augmentation avoisinera 4,1 %, en moyenne, après une hausse de 4,2 % en 2022 et de 2,9 % en 2021.

Outre les hausses salariales, mentionnons l’augmentation marquée de l’Allocation canadienne pour les travailleurs comme celle, plus récente, du crédit d’impôt pour les aînés de 70 ans et plus.

En fait, un grand nombre de ménages a réellement subi les impacts du boom de l’inflation en 2022, par exemple ceux qui ont dû changer de logement.

Et avec la disparition des programmes d’aide implantés pendant la pandémie, le choc fut important pour certains par rapport à 2020.

Néanmoins, les mesures ponctuelles des gouvernements pour neutraliser les effets de l’inflation, comme les chèques du gouvernement Legault, ont en partie compensé. Et l’an prochain, l’indexation des paramètres gouvernementaux à l’inflation (tables d’impôt, régime des rentes, etc.), auxquels s’ajoutent la hausse des salaires et les mesures fiscales, notamment pour les aînés, feront plus qu’annuler la montée de l’inflation, en moyenne.

Selon Luc Godbout, il y a eu une certaine enflure de la problématique. « L’effet de l’inflation a pu être exacerbé par la couverture médiatique (vox pop, prix de l’essence, etc.). Dans bien des cas, les mesures ponctuelles ont entièrement ou significativement pallié la hausse du coût de la vie », dit M. Godbout.

À ces mesures ponctuelles s’ajoutera la baisse importante d’impôt promise par le gouvernement caquiste en 2023 (l’étude a estimé ses impacts pour les 14 ménages types, mais les données de cette chronique sont toutes avant la baisse d’impôt).

Chose certaine, à long terme, le ménage médian a vu son pouvoir d’achat augmenter significativement, selon l’étude. Par exemple, la croissance réelle – soit après inflation – a été de 64 % pour les familles monoparentales entre 2000 et 2019. Il faut dire que ces ménages ont été particulièrement aidés par les gouvernements du Québec ces dernières années.

Autres gagnants : les personnes seules (+ 43 %) et les couples avec enfants (+ 40 %).

L’amélioration depuis 20 ans ne s’est pas faite de façon linéaire, fait remarquer Luc Godbout. Entre 2007 et 2012, le pouvoir d’achat a presque stagné au Québec, dans le contexte de la crise financière. Il s’est redressé par la suite, avec les effets favorables qu’on constate à long terme.

Luc Godbout convient qu’actuellement, la période est plus difficile pour l’accession à la propriété. Mais à ceux qui se plaignent des besoins plus grands aujourd’hui qu’il y a 25 ans ou 40 ans, il répond que ces besoins ont surtout changé.

Oui, il y a des dépenses pour le cellulaire, mais les frais d’interurbain ont disparu. Et aujourd’hui, la plupart des ménages, peu importe leur classe sociale, se permettent une voiture ou un voyage régulier dans le Sud, ce qui ne pouvait se faire dans les années 1970 ou 1980, par exemple.

Confrontant, non ?

Pour en savoir plus :

Consultez « Entre inflation et mesures ponctuelles : Qu’en est-il de l’évolution du pouvoir d’achat des ménages québécois ? »

Rectificatif, Churchill Falls

Dans ma chronique sur Churchill Falls, j’ai écrit que le coût de deux récentes transactions donnait un prix de marché variant entre 4650 $ et 4838 $ par mégawatt. Il aurait fallu écrire par kilowatt, bien sûr. Mea culpa.