Finances personnelles, investissement, consommation… Une fois par mois, la chroniqueuse Marie-Ève Fournier fait le tour des petites et grandes questions qui préoccupent les lecteurs de La Presse.

Chaque mois, depuis plus de 40 ans, je règle le solde de ma carte. Pendant plus ou moins 21 jours, Mastercard, Visa, Amex, etc., me “prêtent” de l’argent (supposément) sans frais. Si je multiplie par des millions d’utilisateurs, cela implique des transferts de sommes colossales. Comment ces entreprises font-elles pour supporter ces fardeaux financiers ?

Philippe D.

En plus, même quand on ne paie jamais d’intérêts, nos cartes de crédit nous versent des points, des récompenses et nous offrent même des assurances dont la valeur se calcule souvent en centaines de dollars par année !

La question de Philippe est donc légitime, et sa curiosité méritoire. D’autant plus que Mastercard et Visa « sont assez avares sur leur modèle d’affaires », constate le professeur titulaire de stratégie Yan Cimon, de l’Université Laval.

Chose certaine, il ne faut pas s’inquiéter pour la santé financière de Mastercard et de Visa. Leurs affaires vont très bien, même si 70 % des Canadiens remboursent la totalité du solde de leur carte de crédit chaque mois, selon la Banque du Canada. Cette statistique de 2017 n’a pas été mise à jour, mais cela donne une idée de la proportion.

N’allez pas croire que l’autre tiers fait vivre ces géants. Non !

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, Mastercard et Visa ne sont pas des banques. Elles ne prêtent pas d’argent aux consommateurs et ne font donc pas d’argent avec les intérêts payés. Ce sont les émetteurs des cartes (Desjardins, la BMO, la Banque Nationale ou la Scotia, par exemple) qui tiennent ce rôle.

Mastercard et Visa sont plutôt des entreprises de technologies spécialisées dans le transfert d’argent entre institutions financières. Et cette fonction d’intermédiaire entre l’institution financière du consommateur et celle du commerçant s’avère très payante. Voyez par vous-même.

En 2021, les revenus de Mastercard ont atteint 18,9 milliards US. Et ses profits nets se sont chiffrés à 8,7 milliards, ce qui représente une marge de profit net enviable de 46 %.

Du côté de Visa, les recettes du dernier exercice (clos le 30 septembre) sont bien plus élevées encore, à 29,3 milliards US, tandis que le profit net s’est établi à 15 milliards US (marge de 51 %).

À titre de comparaison, la marge nette des grandes chaînes de supermarchés oscille entre 2 et 4 % depuis une décennie.

Les personnes comme Philippe qui ne gardent aucun solde sur leur carte sont particulièrement lucratives pour Mastercard et Visa. Pourquoi ? Parce qu’elles font constamment des achats.

Les institutions financières qui émettent les cartes de crédit paient en effet Mastercard et Visa pour utiliser leur nom et leur réseau informatique. Les frais sont déterminés en fonction du volume d’achat effectué par les clients dans une période donnée, entre autres.

Ainsi, la personne qui utilise constamment sa carte et qui accumule disons 60 transactions par mois pour un total de 3500 $ sera payante pour Mastercard et Visa, possiblement davantage que celle qui n’utilise sa carte que quelques fois par mois parce que son crédit est presque entièrement utilisé.

Quant aux fameux frais d’interchange que les détaillants doivent payer sur chaque transaction, ils sont versés aux émetteurs des cartes de crédit (les institutions financières) et non pas à Mastercard ou Visa. Ce sont ces sommes, de même que les revenus tirés des cotisations annuelles et des intérêts, qui sont utilisées pour verser des points et des récompenses, comprend-on, même si cela n’est pas limpide dans les documents publics.

Du côté d’Amex, le modèle d’affaires est bien différent, l’entreprise émettant elle-même ses cartes.

À la fin septembre, un Canadien sur trois détenait un solde impayé sur une carte de crédit et le solde moyen était de 3727 $, selon Equifax.

« Ce serait trop beau pour être vrai »

PHOTO MARK BLINCH, ARCHIVES REUTERS

Une baisse de valeur de ses placements « ne crée pas de droits additionnels dans son CELI », dit David Truong, conseiller principal au Centre d’expertise de Banque Nationale Gestion privée 1859.

J’ai des placements dans un CELI qui consistent en actions boursières. À la suite de la chute de la valeur de ces placements, puis-je augmenter mes cotisations dans ce CELI ?

Jean-Guy C.

La dégringolade de votre portefeuille d’actions est bien regrettable, mais la réponse courte est non. Une baisse de valeur de ses placements « ne crée pas de droits additionnels dans son CELI. Ce serait trop beau pour être vrai », dit David Truong, conseiller principal au Centre d’expertise de Banque Nationale Gestion privée 1859.

C’est l’inverse, en quelque sorte, quand ses placements fructifient.

Par exemple, si votre CELI vaut désormais 200 000 $ et que vous retirez 175 000 $, vous pourrez remettre ces 175 000 $ dans le compte l’année suivante. Et cela, même si les droits totaux depuis la création en 2009 de ce compte libre d’impôt atteignent actuellement 81 500 $.

Attention, il est important d’attendre l’année suivante avant de renflouer son compte, sinon, vous risquez de payer un impôt de 1 % par mois sur l’excédent CELI.

Prenons une situation moins extrême. Disons que vous retirez 5000 $ pour effectuer des rénovations dans votre maison et que vos plans tombent à l’eau. Vous pourriez remettre ces 5000 $ dans le compte sur-le-champ, mais seulement s’il vous reste au moins 5000 $ de droits inutilisés. Sinon, il faudra attendre en janvier. La somme de 5000 $ s’additionnera alors aux droits de la nouvelle année qui commence.

Pour 2023, le plafond annuel du CELI sera de 6500 $. Il s’agit d’une hausse de 500 $ par rapport au montant maximal depuis 2019.

Consultez les explications d’Ottawa sur les retraits d’un CELI

Rappelons que le CELI est un compte qui peut contenir une panoplie de placements : certificats de placement garanti (CPG), obligations, actions, fonds négociés en Bourse (FNB) et fonds communs de placement.

On peut utiliser cette épargne (dont les rendements ne sont pas imposés) pour se constituer un fonds d’urgence, en prévision de sa retraite ou pour un projet spécial comme un voyage.

Impossible de revenir en arrière

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Une bonne discussion avec un conseiller financier s’impose avant d’investir dans un REEE, suggère notre chroniqueuse.

Je détiens quatre REEE pour mes petits-enfants. En janvier dernier, j’ai renouvelé les CPG de ces REEE à un taux de 1,15 % jusqu’en 2025. Je sais que trois ans, c’est long, mais c’était avant les augmentations causées par l’inflation. J’ai tenté récemment auprès de mon conseiller d’avoir un meilleur taux, mais il me dit que c’est impossible. Y a-t-il moyen d’annuler ces placements pour avoir un meilleur taux ?

Jacques J.

Le rendement des certificats de placement garanti (CPG) a bondi rapidement depuis le début de l’année, si bien que Jacques a acquis les siens à un bien mauvais moment. Mais ça, il ne pouvait pas le savoir sur le coup !

Et malheureusement, il n’est pas possible de revenir en arrière ni de déchirer le contrat signé avec l’institution financière.

Le CPG procure un rendement garanti, mais cet avantage vient avec des contraintes inscrites au contrat, comme celle d’être non rachetable avant l’échéance en échange d’un rendement supérieur aux produits rachetables.

On comprend que Jacques a choisi des CPG non rachetables pour garnir les REEE de ses petits-enfants.

Comme le fait remarquer Sophie Hould, directrice développement de marché et planificatrice financière chez Desjardins, « c’est un contrat qui marche dans les deux sens ». D’un côté, le client ne peut mettre fin au contrat si les rendements deviennent plus intéressants, et de l’autre, l’institution financière ne peut pas forcer son client à vendre un CPG si les taux baissent subitement.

Il est parfois possible de racheter un CPG avant l’échéance prévue, mais seulement lors de situations exceptionnelles.

Des exemples : la mort du détenteur, la perte d’un emploi ou une autre situation qui suggère que le client a absolument besoin de ces sommes et qu’aucun autre moyen n’existe, énumère François Martel, vice-président régional, planification financière, Québec – Est de l’Ontario – Atlantique, chez BMO. Dans ces contextes particuliers, des pénalités peuvent être applicables.

Selon Desjardins, « dans la majorité des cas, les coûts du rachat, conjugués à la perte de revenus d’intérêts, seront plus élevés que les gains potentiels dans un nouveau CPG ».

Sophie Hould rappelle qu’on investit « pour une raison et non pour une saison ». L’experte préfère donc les dépôts périodiques « pour optimiser son rendement » et profiter des aléas du marché, quand cela est possible.

Lorsqu’on investit dans un REEE, il importe aussi de prendre en compte dans sa stratégie de placement le fait que les bénéfices iront – en tout ou en partie – à un enfant qui est peut-être encore aux couches. Un investissement qu’on ne ferait pas pour soi peut donc convenir pour autrui et vice-versa. Une bonne discussion avec un conseiller financier s’impose donc.

L’histoire de votre vie financière vue différemment

PHOTO KEVIN D. LILES, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

Tout comme TransUnion, Equifax a l’obligation de rendre accessibles gratuitement aux Québécois les dossiers de crédit.

TransUnion me donne un pointage de crédit à 729 et Equifax, 859. Comment expliquer cet écart ?

Benoît D.

Si vous demandez à la mère et au père de décrire la dernière année de leur enfant, il y a fort à parier qu’ils n’utiliseront pas exactement les mêmes mots.

C’est un peu la même chose avec votre dossier de crédit. Il raconte l’histoire de votre vie financière, mais TransUnion et Equifax n’accordent pas la même importance aux mêmes évènements. Et cela, même si les deux entreprises colligent essentiellement les mêmes données : retards et assiduité des paiements, utilisation du crédit disponible, nombre de demandes de crédit, etc.

Un écart important entre les deux scores peut être le fruit d’une erreur, indique Julien Brault, PDG de Hardbacon, un site d’outils, d’informations et de conseils financiers. Aussi, dans certains cas, une information importante peut avoir été transmise par un prêteur à une seule des deux entreprises d’évaluation du crédit.

Si Benoît est préoccupé par cet écart, il pourrait faire les démarches pour obtenir gratuitement son dossier de crédit auprès d’Equifax et de TransUnion pour voir si quelque chose cloche et faire corriger l’information au besoin. « Normalement, il ne devrait pas y avoir d’écart important », affirme Julien Brault.

Rappelons que TransUnion et Equifax ont l’obligation de rendre accessibles gratuitement aux Québécois les dossiers de crédit. Il n’est pas nécessaire de souscrire un abonnement payant mis de l’avant sur leurs sites.

Demandez votre fiche de crédit à TransUnion Demandez votre dossier de crédit à Equifax

Le dossier de crédit n’influence pas seulement les taux d’intérêt qu’on paie. Il est utilisé par des employeurs avant d’accorder ou non une promotion et par les compagnies d’assurance (auto et habitation) pour déterminer le prix de la prime, notamment. D’où l’intérêt de le consulter à l’occasion pour être certain que tout y est rigoureusement exact.

Quant aux prêteurs, ils utilisent plutôt la cote de crédit FICO, aussi appelée cote Beacon, rappelle Julien Brault. Celle-ci est calculée à partir des informations recueillies par les agences de crédit.

Consultez les explications de Hardbacon sur le sujet Lisez la chronique « Votre dossier de crédit utilisé à toutes les sauces »

Des besoins qui influencent grandement le prix

PHOTO GETTY IMAGES

À 65 ans, les Québécois sont automatiquement inscrits à l’assurance médicaments de la RAMQ, ce qui peut réduire les besoins en assurance au privé, précise notre chroniqueuse.

Maintenant à la retraite, je me retrouve sans assurances maladie collective (physio, lunettes, etc.). Est-ce possible de trouver une assurance privée pas trop chère qui en vaut la peine ?

Gisèle B.

Certes, l’assurance maladie individuelle pour retraités existe. Mais il y a une raison pour laquelle ce n’est pas aussi populaire et connu que l’assurance habitation : ce n’est pas bon marché.

D’une part parce que le risque n’est pas mutualisé. Dans le cas d’une assurance collective, les jeunes en pleine santé qui font rarement des réclamations paient la même prime que les plus âgés, ce qui permet à l’assureur d’offrir un meilleur prix. De plus, le retraité a forcément un certain âge, et cet âge représente un risque accru.

Un conseiller en sécurité financière d’une grande entreprise canadienne m’a raconté ne jamais vendre d’assurance maladie individuelle aux retraités en raison du prix élevé. « C’est quelque chose que je ne recommande à aucun client. Je ne fais même plus sortir les prix », m’a-t-il avoué sans vouloir être nommé puisque son employeur ne serait pas heureux d’apprendre cela.

Cela dit, ce qui est cher pour les uns est abordable pour les autres. Et les besoins varient d’une personne à l’autre, ce qui influence grandement le prix des polices, bien sûr.

D’ailleurs, la première chose à faire est d’établir ses besoins : veut-on être couvert pour les soins dentaires ? La vue ? Les soins de santé en voyage ? Aussi faut-il savoir qu’à 65 ans, les Québécois sont automatiquement inscrits à l’assurance médicaments de la RAMQ, ce qui peut réduire les besoins en assurance au privé.

Pour avoir une idée des coûts, j’ai demandé à un courtier indépendant de me fournir des soumissions pour une femme de 65 ans en bonne santé. Il m’en a transmis cinq provenant du Groupe Financier Odyssée (produit PARAMED+) et de Manuvie (régime Emporte-moi).

Le prix de base pour le produit PARAMED+ varie de 112 à 195 $ (en fonction du niveau de couverture). Le plan dentaire est offert en option à 40 ou 55 $, tout comme l’assurance médicaments, à 44 ou 53 $. Du côté de Manuvie, les soumissions allaient de 88 à 180 $ par mois selon l’étendue de la couverture. Pour les hommes, les prix sont généralement plus faibles.

Consultez la brochure de l’assurance PARAMED+ Consultez le site de Manuvie (régime Emporte-moi)

Surtout connue pour ses assurances voyage, Croix Bleue offre aussi une police pour les retraités. « Sans même devoir passer un examen médical, vous pouvez bénéficier d’une couverture fiable et abordable », affirme l’entreprise sur son site web. Son assurance AMI aide les personnes à assumer les frais médicaux qui ne sont pas couverts par la RAMQ comme les soins paramédicaux et les soins à domicile.

Consultez le site de Croix Bleue du Québec (assurance AMI)

L’idéal est de consulter un courtier. Et il importe de bien lire ce que chaque type de police couvre ou non avant de prendre une décision. Parfois, on ne rembourse que 15 $ pour une consultation avec un thérapeute comme un chiropraticien ou un ostéopathe.

Consulter les réclamations soumises au cours des années antérieures peut aider à évaluer si les forfaits offerts seront avantageux. Le passé n’est pas toujours garant de l’avenir, mais ça donne une idée.

À l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes (ACCAP-Québec), on suggère aux futurs retraités de penser à leurs besoins avant de dire un au revoir définitif au patron. « Votre assureur vous offrira généralement un régime individuel sans passer par le processus habituel de souscription », dit sa présidente Lyne Duhaime, tout en précisant que les personnes disposent normalement de 30 jours après leur retraite pour y adhérer.

Certains assureurs donnent 60 ou 90 jours aux retraités qui viennent de perdre leur assurance collective pour souscrire leur produit sans passer un bilan de santé. De plus, si on attend un an ou deux, le prix sera plus élevé.