Est-ce une bonne idée de redonner l’argent aux contribuables, comme le fait le gouvernement Legault ?

Cette question, bien des économistes se la posent. Pourquoi ? Parce que l’injection d’argent dans l’économie par le gouvernement est de nature à stimuler la demande, donc les prix, donc l’inflation. Et l’inflation, c’est ce que tente d’étouffer la Banque du Canada, en dopant les taux d’intérêt et vos paiements hypothécaires.

Aurait-il fallu redonner 5,4 milliards aux contribuables cette année, dans ce contexte ?

J’écris « redonner » parce que c’est essentiellement ce que fait le ministre des Finances, Eric Girard. La conjoncture économique et l’inflation ont permis au gouvernement d’augmenter ses revenus de 6,4 milliards de plus que prévu. Ou 5,1 milliards si l’on retranche la hausse des frais de la dette.

Plutôt que de garder cet argent pour effacer le déficit dès cette année, Québec envoie des chèques aux familles et aux aînés à hauteur de 5,4 milliards. Bref, il redonne ce que l’inflation et la croissance économique lui ont procuré, essentiellement.

De prime abord, ces chèques risquent de contribuer à l’inflation, à moins que les ménages ne s’en servent pour rembourser leurs dettes. Vu sous cet aspect économique, ce retour aux contribuables serait mal avisé.

D’un autre côté, les décideurs politiques ne peuvent rester les bras croisés s’ils constatent que la population souffre, que ce soit pour une inondation ou parce que, comme cette fois, les prix du panier d’épicerie ont explosé. Vu sous cet aspect social, le gouvernement doit agir.

Pour le faire avec parcimonie, il doit envoyer l’argent à ceux qui en ont vraiment besoin, soit les ménages moins fortunés. Selon la mise à jour économique, 75 % des 3,5 milliards de dollars de chèques du bouclier anti-inflation visent les ménages qui gagnent moins de 54 000 $.

Et pour les aînés de 70 ans et plus, 65 % de l’aide annuelle récurrente de 1,6 milliard ira à ceux qui gagnent moins de 25 000 $ de revenus.

0,1 % d’inflation additionnelle

Inflationnistes, les chèques ? Pour le savoir, Eric Girard a fait calculer par son équipe de fonctionnaires l’impact de ses mesures d’aide sur l’indice des prix à la consommation (IPC), l’indicateur phare de l’inflation. Les chèques de 400 $ à 600 $ ont été additionnés aux versements aux aînés, desquels ont été retranchés les effets du plafonnement des hausses de tarifs du gouvernement, entre autres.

Résultat ? En 2023, le bouclier anti-inflation et les autres mesures auront pour effet de faire croître le taux d’inflation au Québec de… 0,1 point de pourcentage, selon la mise à jour.

Autrement dit, au lieu d’un taux d’inflation moyen de 3,6 % en 2023, comme prévu, les mesures du gouvernement hausseront plutôt l’inflation à 3,7 %. Bref, l’effet est peu significatif.

Cela dit, les chèques aux contribuables ne sont pas les seules sources d’inflation venant du gouvernement. Dès que l’État injecte de l’argent dans l’économie, il stimule la demande et fait pression à la hausse sur les prix.

Or, à ce chapitre, le boom des dépenses d’infrastructures du gouvernement peut avoir un effet, d’autant que le secteur de la construction qu’il concerne roule à plein régime, du moins cette année.

Dans le dernier budget, le gouvernement du Québec a haussé de 5,5 % son Plan québécois des infrastructures (PQI), pour un total de 142,5 milliards sur 10 ans (soit une moyenne de 14,2 milliards par année).

Si on ajoute les autres gouvernements (municipal, fédéral), les dépenses annuelles d’infrastructures sont passées de 20 milliards, niveau où elles étaient annuellement depuis trois ans, à 23,1 milliards en 2022, puis à une prévision de 24 milliards en 2023.

En somme, ces investissements en croissance stimulent l’économie et sont de nature à alimenter l’inflation. Oups…

Sauf qu’encore une fois, on peut difficilement demander aux décideurs politiques de rester les bras croisés devant nos écoles qui tombent en ruine, entre autres.

Voilà pour l’inflation.

La mise à jour nous apprend par ailleurs que le Québec est plutôt bien pourvu pour faire face au ralentissement de 2023, voire à une récession plus sévère.

Le gouvernement estime que la croissance réelle du PIB sera de 0,7 % en 2023, comparativement à 3,1 % cette année. Malgré ce ralentissement, le déficit devrait osciller entre 2,3 et 3,1 milliards au cours des quatre prochaines années, comparativement à 4,8 milliards cette année.

Ce niveau est somme toute gérable, d’autant que le gouvernement a inscrit des provisions pour risques économiques de 1,5 à 2 milliards par année, provisions qui viendront dégonfler les déficits si elles ne sont pas utilisées.

La situation ne serait pas catastrophique même si le Québec tombait dans une récession semblable aux trois dernières récessions, qui se traduirait par un recul de 1 % du PIB en 2023. Selon les estimations du ministère des Finances, il faudrait alors s’attendre à un déficit plus élevé de 1 milliard de dollars par année pendant cinq ans, en moyenne.

On est bien loin des déficits monstrueux qu’on nous annonçait durant la pandémie…