Bien des consommateurs auraient préféré que la Banque du Canada module ses hausses de taux d’intérêt de façon moins draconienne qu’elle ne l’a fait depuis le mois de mars. La banque centrale aurait-elle dû étaler ses hausses de taux dans le temps pour épargner le choc dévastateur que subissent ceux qui doivent renouveler leur prêt hypothécaire ?

C’est la question qu’on entend beaucoup depuis que le taux directeur de la Banque du Canada est passé de façon assez subite de 0,25 % en mars dernier à 3,75 % depuis le 26 octobre. Il faut quand même souligner que les six hausses successives des taux d’intérêt que l’on vient d’absorber constituent l’un des cycles haussiers les plus rapides depuis les années 1970.

Ce qui n’est pas anodin et qui touche de façon assez frontale de nombreux ménages qui doivent renouveler leur prêt hypothécaire ou ceux qui ont contracté des prêts à taux variable qui subissent de façon régulière des augmentations costaudes de leurs mensualités, comme nous le démontrent les témoignages recueillis par ma collègue Stéphanie Bérubé.

On le sait — le sujet fait constamment la manchette depuis un an maintenant —, la forte inflation qui s’est incrustée durablement dans l’activité économique a elle aussi des effets dévastateurs dans la vie de tous les jours des citoyens et des entreprises.

Avec un taux d’inflation qui s’établissait à plus de 5 % en début d’année et qui a franchi le seuil des 8 % à l’été, du jamais vu depuis des décennies, les autorités monétaires canadiennes devaient s’attaquer résolument au problème pour empêcher le gonflement d’une spirale incontrôlée des prix et des salaires.

Pour réduire cette inflation, il fallait donc agir de façon frontale et utiliser la technique du diachylon. Tout le monde sait que quand il faut retirer un pansement collé à la peau, la technique la plus efficace, même si elle est douloureuse, est de le retirer brutalement d’un seul coup.

Zip, ça fait mal, mais après on n’y pense plus. Le retirer graduellement, millimètre par millimètre, est une technique complètement nulle et inefficace. On prolonge la douleur et le pansement reste toujours collé à la peau…

L’inflation débridée que l’on connaît depuis un an méritait donc une action musclée à la hauteur du mal à combattre. En décrétant des hausses importantes de 75 ou 100 points de base, la Banque du Canada a entrepris de ramener le plus rapidement possible au sol la courbe inflationniste tout en espérant que le ralentissement économique se fasse en douceur.

Une stratégie d’emprunt

On voit toutefois que les autorités monétaires commencent à vouloir tempérer l’amplitude des hausses à venir, comme en témoigne la dernière majoration de 50 points du taux directeur de la Banque du Canada.

Mercredi dernier, la Réserve fédérale américaine a pour sa part relevé son taux directeur de 75 points de base supplémentaires, mais son président, Jerome Powell, a clairement indiqué que la banque centrale des États-Unis allait fort probablement réduire la cadence et l’amplitude des prochaines augmentations, et ce, dès la prochaine rencontre de son comité de la politique monétaire en décembre.

La technique diachylon semble donc sur le point d’arriver au terme de son processus, mais les taux d’intérêt ne sont pas pour autant près de commencer à baisser. On en a pour un bon bout de temps avant d’espérer un premier relâchement de la politique monétaire tant au Canada qu’aux États-Unis.

Quand on sait que l’effet des hausses de taux prend au moins de 12 à 18 mois avant d’avoir un plein impact sur l’activité économique, on voit bien que la situation de taux relativement élevés va demeurer tant que l’inflation ne reviendra pas dans la fourchette de 2 à 3 % escomptée par les autorités monétaires.

Les hausses de taux des neuf derniers mois affectent toutefois directement les ménages qui ont malencontreusement contracté un emprunt hypothécaire à taux variable. Ceux qui l’ont fait au cours des dernières années ont été, selon moi, mal conseillés par leur institution financière.

Depuis 2020, les taux d’intérêt étaient à des niveaux exceptionnellement bas en raison du contexte de la pandémie qui a forcé les banques centrales à être particulièrement accommodantes.

C’était, selon moi, le temps idéal de contracter un prêt hypothécaire à taux fixe de longue durée, parce que les taux n’allaient pas rester éternellement à leur niveau qui était historiquement parmi les plus avantageux jamais offerts.

Pour bien des propriétaires de maison qui ont contracté leur premier prêt hypothécaire à la fin des années 1980, le taux d’intérêt moyen était de l’ordre de 11 %. Les prix n’étaient pas les mêmes, on s’entend, mais la charge financière en paiement d’intérêt restait quand même beaucoup plus élevée qu’elle ne l’est avec les taux « élevés » que l’on connaît aujourd’hui.