Ç’a été un mardi après-midi hors de l’ordinaire à Sorel-Tracy, alors que l’entreprise Rio Tinto Fer et Titane a annoncé un investissement commun avec le gouvernement fédéral de 737 millions sur huit ans pour accélérer la décarbonation de ses activités industrielles et la transformation de métaux critiques au Québec. Un investissement majeur dans l’économie du XXIsiècle.

Une annonce de cette envergure, dans un secteur aussi critique que celui des mines et métaux, il n’en pleut pas des tonnes au Québec. On souhaiterait pourtant que des initiatives semblables se multiplient sur tout le territoire et dans tous les secteurs d’activité.

Imaginez si la multinationale Glencore décidait elle aussi d’ouvrir de façon aussi importante ses coffres milliardaires pour redonner une qualité de vie acceptable aux citoyens de Rouyn-Noranda…

C’était donc jour de célébrations à Sorel-Tracy, comme en a témoigné la présence du premier ministre Justin Trudeau et de son ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne, qui sont venus confirmer une contribution fédérale de 220 millions au vaste chantier dans lequel s’est engagée Rio Tinto Fer et Titane (RTFT).

Le PDG de la multinationale Rio Tinto, le Danois Jakob Strausholm, s’était lui aussi déplacé pour l’évènement qu’il a qualifié d’historique pour l’usine de transformation de Sorel-Tracy. Le PDG n’avait que de bons mots pour l’équipe du Centre de technologie de RTFT qui a réussi au fil des ans à obtenir le maximum possible du minerai récolté.

En plus des 220 millions du fédéral, puisés dans le Fonds stratégique pour l’innovation, RTFT injectera 517 millions au cours des huit prochaines années dans la décarbonation de ses processus de transformation et dans de nouvelles productions de minéraux critiques.

Outre la poudre de titane, qui sert notamment à la fabrication de peintures, l’usine de Sorel-Tracy fabrique du titane métal – destiné au marché de l’aéronautique et de l’automobile – et de l’acier.

Depuis deux ans, le Centre de technologie et de minéraux critiques de RTFT a réussi à produire dans une usine pilote du scandium, un minerai critique, à partir des résidus de la transformation du titane. Le scandium permet d’augmenter la résistance de certains métaux, dont l’aluminium, et sert aussi à la fabrication de piles combustibles.

C’est un minerai critique très convoité par l’industrie aérospatiale et automobile parce qu’il réduit le poids de leurs produits et augmente leur résistance mécanique et thermique, m’avait déjà expliqué Stéphane Leblanc, ex-directeur exécutif de RTFT, qui vient tout juste de prendre sa retraite.

Fait à signaler, RTFT est le seul producteur de scandium en Amérique et son usine-pilote est capable de produire 3 tonnes de ce minerai critique. Avec les investissements annoncés mardi, on vise à quadrupler la production dans les prochaines années.

Usine-pilote et lithium

Les trois quarts de milliard qui seront investis au cours des huit prochaines années vont aussi permettre de réduire de moitié les gaz à effet de serre générés par RTFT d’ici 2030 et d’atteindre le cap net zéro neutralité carbone d’ici 2050.

Dès l’an prochain, RTFT amorcera la production de titane dans une usine-pilote où seront transformées 40 000 tonnes d’ilménite avec un nouveau procédé où on éliminera l’utilisation du gaz naturel.

« Une fois pleinement opérationnel, le projet BlueSmelting va nous permettre de réduire de 670 000 tonnes nos émissions de CO2, l’équivalent de retirer 145 000 automobiles de la circulation », m’a expliqué Didier Arseguel, vice-président Technologies chez RTFT.

Parallèlement à ces initiatives, RTFT vient tout juste de mettre en activité une autre usine-pilote où le groupe de recherche a été en mesure de mettre au point un nouveau procédé de concentration de spodumène qui offre des teneurs en lithium nettement plus élevées que la moyenne de l’industrie.

Ce nouveau procédé n’utilise pas de produits chimiques et va bientôt tester des minerais du producteur local Sayona.

Ce n’est pas pour rien que le PDG de Rio Tinto a fait mardi le déplacement de Londres à Sorel-Tracy. L’expertise québécoise en matière d’innovation et de réduction des gaz à effet de serre est la plus importante du groupe dans le monde.

Il y a le Centre de technologie et de minéraux critiques Rio Tinto Fer et Titane qui propose des solutions révolutionnaires et il y a la technologie développée par Elysis au Saguenay, une coentreprise détenue par Rio Tinto et Alcoa, qui permettra d’ici deux ans la production commerciale d’aluminium complètement vert.

Le mouvement de décarbonation de l’économie part de loin et si ses débuts ont été lents et chaotiques, il commence à prendre bonne allure et à donner des résultats qui nous permettent d’espérer y croire.