On peut présumer que Pierre Fitzgibbon retrouvera rapidement ses fonctions de ministre de l’Économie et de l’Innovation au sein du prochain gouvernement caquiste et on peut aussi espérer qu’il assumera le leadership politique nécessaire pour s’attaquer de façon cohérente au problème de pénurie de main-d’œuvre qui risque de gangréner davantage le développement économique du Québec.

Au lendemain du 3 octobre, les grandes associations patronales québécoises ont toutes félicité le premier ministre François Legault et la Coalition avenir Québec pour leur réélection, mais elles ont aussi dans la foulée toutes insisté pour que le prochain gouvernement place le problème de la pénurie de main-d’œuvre en tête de liste de ses priorités.

Que ce soit la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, Manufacturiers et Exportateurs du Québec (MEQ) ou la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ), les organismes qui représentent les entreprises québécoises implorent le prochain gouvernement de s’attaquer prioritairement à la pénurie de main-d’œuvre.

Dans ses mots de félicitations, le président de la FCCQ, Charles Milliard, rappelle à François Legault qu’il y a, selon les dernières données disponibles, 271 000 postes à pourvoir au Québec.

Dans son message au prochain gouvernement, Véronique Proulx, PDG de MEQ, précise que ce sont 31 985 emplois manufacturiers qui sont actuellement vacants, une pénurie qui a un impact direct sur les retombées économiques en région, sur le report des investissements et sur les perturbations dans les chaînes d’approvisionnement.

Pour répondre à ces besoins criants, il n’y a pas 36 solutions, le Québec doit hausser – au moins temporairement – l’accueil de nouveaux immigrants au-delà du seuil des 50 000 prescrit de façon extrêmement rigide par François Legault.

Si le premier ministre Legault est resté inflexible au sujet de ce seuil absolu de 50 000 nouveaux immigrants par année au cours des derniers mois, c’était, peut-on comprendre, pour ne pas éroder sa base électorale et ne pas inquiéter certains électeurs qui persistent à croire que l’étranger constitue une menace pour eux et leur mode de vie.

Or, de la même façon que François Legault a ignoré durant son premier mandat sa promesse de revoir le mode de scrutin au Québec et ne se sent plus du tout attaché par cet engagement aujourd’hui, le premier ministre devra élargir ses vues sur l’immigration ainsi que sur le seuil de nouveaux arrivants qui permettra aux entreprises de retrouver un peu de main-d’œuvre disponible.

Fitzgibbon le sait et il le peut

S’il y en a un qui sait combien le Québec a un besoin criant de sang neuf pour régénérer sa base de travailleurs, c’est bien Pierre Fitzgibbon. Durant les quatre dernières années, il a quotidiennement côtoyé, à titre de ministre de l’Économie et de l’Innovation, des dizaines d’entrepreneurs qui lui ont dit et répété les enjeux et les menaces auxquels ils font face.

Chaque fois qu’il a été appelé depuis quatre ans à commenter la pénurie de main-d’œuvre, le visage du ministre Fitzgibbon avait tendance à se crisper un peu avant qu’il ne réponde en suivant la ligne du chef : l’automatisation et la numérisation des procédés industriels vont permettre d’accroître la productivité des entreprises, réduire ses besoins de main-d’œuvre et augmenter le niveau de richesse.

Ultimement, cette équation devient possible lorsqu’une entreprise ou un secteur d’activité atteint un niveau de maturité qui va lui permettre de faire ce saut quantitatif, mais pour y arriver, il faut maintenir un niveau d’emploi qui ne fait que s’éroder avec le départ à la retraite de plus 150 000 travailleurs par année.

Pierre Fitzgibbon dispose d’un ascendant certain sur François Legault qui lui a moult fois pardonné la très grande permissivité avec laquelle il a interprété certains codes de conduite auxquels un élu doit se conformer. Je rencontre toutes les semaines des chefs d’entreprise et ils me disent tous la même chose qu’ils doivent aussi dire au ministre : « On manque de monde, on a un besoin urgent de sang neuf. »

Récemment, dans le nord du Québec, le maire de Matagami est même allé plus loin en affirmant que la région était tout simplement en pénurie d’humains, qu’il fallait rapidement qu’au moins 400 familles aillent s’y établir afin de pouvoir maintenir les infrastructures en vie.

Le prochain ministre de l’Économie et de l’Innovation doit donc absolument tenir compte dans sa vision du développement l’élargissement du bassin de talents disponibles si le Québec veut réaliser son plein potentiel de croissance.

Le ministre devra faire preuve de leadership pour convaincre le premier ministre et le caucus caquiste de l’urgence de l’enjeu pour rehausser rapidement le nombre de personnes disponibles et disposées à travailler afin d’éviter que l’économie québécoise subisse plus longtemps encore les effets délétères de la pénurie de talents qui l’afflige.