En cette ère de pénurie de main-d’œuvre, l’immigration est devenue un enjeu majeur au cœur du débat public et, bien évidemment, de la campagne électorale. Si les partis politiques ne s’entendent pas sur le nombre exact de nouveaux arrivants que la société québécoise est capable d’intégrer chaque année, un constat émerge cependant quant aux nombreuses dysfonctions que le partage des responsabilités en matière d’immigration peut induire dans le processus.

L’immigration a été un thème important jeudi lors du premier débat télévisé des chefs de parti, qui se sont disputés tout au long de la soirée sur les seuils acceptables du nombre d’immigrants que le Québec est en mesure d’accueillir chaque année pour combler le manque de main-d’œuvre disponible sans pour autant contribuer au déclin du français.

Qu’il s’agisse des 35 000 du Parti québécois, des 50 000 de la Coalition avenir Québec (CAQ) ou des 60 000 et plus que jugent acceptables les trois autres partis, une chose est sûre, le Québec manque cruellement de bras et de cerveaux pour pourvoir les centaines de milliers de postes qui sont toujours en quête de candidats partout sur le territoire québécois.

Ce n’est pas pour rien que cette année encore, le gouvernement du Québec organise, en collaboration avec Montréal International, Québec International et d’autres organismes de développement économique, 17 missions de recrutement à l’étranger, principalement — mais pas exclusivement – dans des pays francophones, pour aller dénicher 3000 nouveaux travailleurs.

Les entreprises de 49 employés et moins qui veulent recruter à l’étranger lors de ces Journées du Québec doivent payer 1500 $ et celles de plus de 50 employés, 3000 $.

Alors qu’on dépense des millions pour aller aux quatre coins du monde chercher du sang neuf, néanmoins essentiel pour faire fonctionner correctement notre économie, il existe chez nous des citoyens issus de l’immigration temporaire qui se sont intégrés à leur société d’accueil, mais qui doivent partir au terme de la durée de leur séjour prescrit par leur statut.

C’est le cas de David Balme, un travailleur français, arrivé à Québec en 2019 avec le statut de visiteur d’affaires. La société parisienne pour laquelle il était employé voulait vérifier la possibilité de réaliser du développement informatique par l’entremise de ses deux filiales de Montréal et de Québec.

Ce qu’il a fait jusqu’à ce que sa société décide de transférer ses activités de développement de contenu au Québec et qu’il devienne officiellement employé de cette division québécoise en décembre 2020.

M. Balme a obtenu le statut de travailleur étranger temporaire avec un permis de travail fermé de développeur informatique, dans le cadre du programme fédéral de mobilité internationale. Son permis est valide jusqu’en décembre 2022.

Forcé de partir

Le problème, c’est que David Balme arrive au terme de son statut d’employé temporaire et qu’il ne souhaite plus poursuivre sa carrière avec son employeur québécois.

« Avant la pandémie, tout allait bien, dit-il. Mais avec la COVID, ma société a décidé de fermer nos bureaux, et après deux ans de télétravail, je ne suis plus capable de rester seul chez moi. J’ai besoin de voir du monde, de socialiser. »

« J’aurais voulu faire autre chose, mais le permis de travail fermé ne permet pas d’avoir plusieurs emplois ou de suivre une formation. Si mon entreprise ferme, je ne peux avoir un autre employeur, mais des emplois, il y en a partout et je pourrais faire autre chose », déplore David Balme.

On le sait, la situation de l’emploi est critique dans la ville de Québec, qui affiche un taux de chômage de 2,8 %, le plus bas au Canada. Des postes disponibles dans le développement informatique, il y en a des tonnes et des tonnes.

Il y a plus de 100 000 travailleurs étrangers temporaires au Québec et personne ne prend la place d’un travailleur québécois, il en manque partout.

David Balme

Pour pouvoir rester au Québec, David Balme doit trouver un employeur qui serait prêt à faire les démarches administratives pour régulariser sa situation, mais il ne peut se qualifier pour obtenir un Certificat de sélection du Québec parce qu’il n’a pas terminé deux années complètes au sein d’un même emploi.

« C’était un an, avant, mais la CAQ a compliqué les règles pour hausser à deux ans ce critère de sélection », soulève-t-il.

C’est après avoir lu ma chronique du 14 septembre, où j’expliquais que la réduction de la paperasserie administrative figurait en tête de liste des priorités électorales des dirigeants d’entreprises au Québec, que Davis Balme m’a contacté.

Ce ressortissant français, spécialisé en sécurité incendie et en développement informatique, est le candidat à l’immigration type que François Legault souhaite recruter pour le Québec. Il est ici, chez nous, ça n’a rien coûté pour l’attirer, mais les dysfonctions de l’immigration québécoise le forceront à quitter le pays en décembre si on ne trouve pas un moyen de rationaliser la paperasserie. Il est temps de migrer au XXIsiècle.

Lisez la chronique « Les PME en marge de la campagne »