La protéine alimente la division dans les discussions ces temps-ci, surtout parce qu’on la politise. Prioriser l’alimentation est une chose, mais imposer des choix alimentaires n’est pas digne d’une démocratie qui respecte ses citoyens.

Durant la campagne électorale du Québec, Québec solidaire proposait dernièrement un virage dans les assiettes des cafétérias du secteur public en offrant un menu constitué à 50 % de repas à base de protéines végétales. L’objectif premier est d’inciter les institutions publiques à offrir des choix. Dans la même veine, le parti suggérait aussi que 70 % des produits alimentaires servis dans les institutions publiques devraient provenir d’une production locale. Consommer des produits locaux représente l’une des meilleures façons de permettre à l’État de stimuler l’économie locale, mais politiser la protéine relève d’un autre défi.

De même, certains groupes partout au pays ces temps-ci vont même suggérer qu’il faut adopter le nouveau guide alimentaire canadien pour sauver la planète puisque celui-ci encourage une diète à base de protéines végétales. Or, le guide alimentaire, qui date de 2019, n’a rien à voir avec nos priorités environnementales. Rien.

Qu’on le veuille ou non, la protéine animale joue un rôle très important dans notre culture alimentaire, surtout au Québec. La dinde à Noël, l’agneau à Pâques, le BBQ durant l’été avec une pièce de viande ou deux, ces protéines animales nous ont toujours rassemblés. Bœuf, porc, poulet, agneau, fruits de mer, fromages et autres produits laitiers font partie du patrimoine gastronomique québécois.

Avec l’arrivée massive des produits à base de protéines végétales, le végétalisme et le végétarisme ne cessent d’alimenter les débats. Ainsi, les consommateurs en ressortent gagnants sur plusieurs aspects et profitent d’une plus grande panoplie de produits qu’auparavant. Avant d’assister à l’invasion de Beyond Meat, le comptoir des viandes, qui comprend généralement le bœuf, le poulet et le porc, manquait un peu de dynamisme. Notre littératie sur la protéine a grandement progressé depuis quelques années. Nous comprenons mieux les valeurs nutritives de chacune des sources offertes. Le mouvement végane, qui était complètement marginalisé il y a quelques années, se voit maintenant socialement normalisé. Un gain important pour notre société.

La protéine est politisée au maximum et dans le but de sauver la planète, divers groupes politiques et apolitiques encouragent les citoyens à adopter une diète comportant moins de viande ou pas de viande du tout.

Certains de ces groupes sanctionnent diverses recherches qui abondent dans le même sens. Il y a même certaines études qui accusent l’humain pour les changements climatiques puisqu’il mange plus de viande. Tout cela va un peu loin. De plus en plus, on utilise la protéine comme un instrument politique pour lutter contre les changements climatiques.

Ce mouvement se perçoit autant à Québec qu’à Ottawa. L’Institut climatique du Canada, un centre qui a reçu 20 millions de dollars d’Ottawa pour effectuer de la recherche sur les changements climatiques, a publié un rapport en août sur les protéines. Le rapport suggère une transition d’un régime alimentaire à forte consommation de viande vers un régime plus végétal, ce qui aiderait le Canada à atteindre ses objectifs de 2030 et de 2050. Cette étude, financée partiellement ou totalement par le fédéral, en est une parmi tant d’autres à l’image de cette vague.

Il faut admettre que la science est assez claire en disant que la production de protéine animale émet beaucoup de gaz à effet de serre. Pour le lait, le bœuf, le porc et le poulet, les constats des dernières années sont assez manifestes. Mais ces filières s’ajustent et estiment atteindre des cibles ambitieuses d’émission d’ici 2030 ou 2040, et certaines entrevoient même devenir carboneutres. Maple Leaf Foods, le plus grand transformateur de porc au pays, a déjà atteint sa cible de carboneutralité. L’industrie reconnaît qu’il y a du travail à faire. Mais il y a fort à parier que nos choix animaliers deviendront plus écologiques d’ici 10 ou 20 ans. Il faut leur donner du temps pour s’ajuster.

Manger implique des choix personnels et culturels. Voir un parti politique utiliser la protéine et l’alimentation comme un outil pour lutter contre les changements climatiques crée un malaise chez certains électeurs. Présentement, plus de 90 % des Québécois mangent de la viande de façon régulière. L’humain mange de la viande depuis des millénaires. Avec le temps, en Occident, pendant que nous adoptions de nouveaux régimes comportant des niveaux plus faibles de ceci ou plus élevés de cela, nous n’avons jamais poussé des institutions publiques à interdire la consommation d’un aliment, surtout pas la viande. L’approche a toujours suivi une attitude inclusive. Jouer avec nos mœurs culinaires devient un jeu extrêmement dangereux.

L’alimentation demeure un choix intrinsèquement personnel. En 1967, Pierre E. Trudeau avait déclaré qu’il n’y a pas de place pour l’État dans les chambres à coucher de la nation. Il avait raison, mais ses paroles devraient aussi s’appliquer pour nos cuisines.

L’État a le droit de nous guider dans nos choix alimentaires par l’éducation et des campagnes de sensibilisation. Néanmoins, l’alimentation doit être priorisée, et non politisée. Imposer des choix dans nos assiettes dépasse les limites d’une démocratie qui respecte sa population.