Ce n’est pas d’hier que la qualité déficiente du service à la clientèle irrite. Mais quand cela s’accompagne d’une facture qui grimpe, comme c’est présentement le cas, la pilule ne passe plus. Vos témoignages en réaction à ma chronique de mardi sur la skimpflation – un phénomène pour lequel vous m’avez transmis des centaines de traductions – évoquent beaucoup le sentiment d’être arnaqué.

Lisez « Skimpflation: même facture, mais moins de service »

Camouflation, impostflation, tricheflation, mesquinflation, appaflation… Bien des lecteurs de La Presse sentent qu’ils sont les dindons de la farce. Les arguments avancés par les entreprises qui réduisent la qualité de leur service à la clientèle n’émeuvent guère. Bien souvent, vous ne les croyez tout simplement pas.

« Certains secteurs d’activité me semblent profiter de la situation pour réduire volontairement leurs services afin d’augmenter leur rentabilité tout en mettant la faute sur le contexte post-pandémique, alors qu’il n’en est rien. Je fais allusion au service à la clientèle du secteur bancaire, qui n’a vu aucune baisse de ses revenus pendant la pandémie et dans lequel, à ma connaissance, il n’y a pas eu d’élagage ni de départs massifs d’employés », écrit Alain Durocher.

Le temps d’attente au téléphone que nous imposent les banques en général, et les émetteurs de cartes de crédit en particulier, suscite beaucoup de mécontentement.

Il n’est pas rare que l’on doive attendre une heure, deux heures, voire plus, avec de la musique d’ascenseur à l’oreille. Certaines entreprises ne répondent même plus au téléphone. D’autres cachent leur numéro.

Pour l’expert en service à la clientèle Marc Gordon, qui conseille des entreprises depuis 25 ans, attendre en ligne 20 minutes est déjà inacceptable. « La banque devrait prendre votre numéro de téléphone et vous rappeler », tranche-t-il. Certaines entreprises comme Hydro-Québec et Desjardins utilisent cette méthode appréciée de leur clientèle.

Mariette, qui habite une résidence privée pour aînés, déplore que la skimpflation fasse maintenant partie de son quotidien sans même qu’elle ait à quitter l’endroit. « Moins de services dans tout, que ce soit dans les soins ou à la salle à manger [diminution dans les assiettes, moins de serveurs]. » Ce qui n’empêche pas les prix de grimper, témoigne-t-elle.

Maude Jetté déplore la réduction des plages d’ouverture dans les commerces et tous ces employés qui ne mettent plus les achats dans les sacs. Gilles Hudon ajoute l’exemple des livreurs qui ne prennent même plus la peine de sonner lorsqu’ils déposent un colis sur le pas de la porte, Louise M. Hébert celui du temps d’attente en pharmacie pour les médicaments d’ordonnance.

La multiplication des caisses libre-service dans les supermarchés, les pharmacies, les Dollarama et les grandes surfaces (Home Depot, Costco et Walmart) irrite au plus haut point les consommateurs.

Particulièrement lorsqu’il s’agit de la seule option offerte. « Chez Metro et IGA, je paie encore le plein prix, mais je dois, en plus, emballer mon épicerie et parfois, scanner moi-même mes articles. La caissière est remplacée par des caisses libre-service, les emballeurs ont disparu. Alors vive Super C, moins cher pour le même “pas de service” », m’écrit Marc Richard.

Il y a de la frustration dans l’air, mais aussi de la résignation.

« Depuis deux ans, j’ai tellement diminué mes attentes envers les entreprises que je m’émerveille quand un commis me sourit, est moindrement sympathique ou me fait sentir importante comme cliente », raconte Véronique Dion.

« Moi, j’appellerais ça de la résiflation, car je ne crois pas que la qualité des services ira en s’améliorant au fil du temps. On n’aura pas le choix de s’en accommoder, de s’y faire, de prendre ça du bon côté autant que possible et de ne pas rechigner. Donc, être résilient tout en étant résigné », propose Pierre Lamarre.

Marc Gordon, lui, ne croit pas que les consommateurs devraient subir les problèmes de gestion ou d’exploitation des entreprises.

La pénurie de main-d’œuvre n’est pas une bonne excuse. Ça ne concerne pas les clients, ils s’en balancent. C’est une affaire interne. Je comprends que les entreprises aient des problèmes, mais elles ne peuvent pas utiliser ça comme excuse.

Marc Gordon, expert en service à la clientèle

Des solutions existent, plaide-t-il, comme l’amélioration des processus et le recours à la technologie. Jean-Luc Geha, directeur de l’Institut de vente HEC Montréal et professeur, abonde dans le même sens. Il suggère en outre aux entreprises de « prendre le temps de bien comprendre les problèmes des clients », pour trouver des solutions à faible coût.

Comme consommateur, que peut-on faire ? Marc Gordon y va de ces quelques conseils : soyez gentil avec ceux qui vous servent, faites preuve d’empathie, ne considérez pas l’employé comme un adversaire, mais comme un partenaire dont le but est d’arranger les choses, laissez-le vous proposer une solution et soyez raisonnable dans vos demandes.

En terminant, voici un aperçu des autres suggestions que vous m’avez transmises pour traduire le mot skimpflation. Les deux plus populaires sont sans conteste lésineflation et éconoflation, tandis que Séraphinflation remporte la troisième place. Mais vous en avez trouvé beaucoup d’autres, pleines d’humour, d’esprit et d’imagination.

Insatisflation, frustflation, chicheflation, radinflation, nerflation, parciflation, dégraflation, grogneflation, écrémaflation, rogneflation, grugeflation, ireflation, anémiflation, délestflation, rognuflation, coinrondflation, coupeflation, aminciflation, ampuflation, pudeserviceflation et échoflation, car « à toutes nos demandes au bout du fil, on n’entend que le son de sa propre voix », dit André Senécal.

Natalie Clairoux propose cliabandon, car « le client est littéralement laissé à lui-même ».