(Londres) L’industrie aéronautique est résolument engagée à vouloir réduire son empreinte environnementale et à verdir son image d’ici 2050. C’est le thème récurrent qui émerge de la première journée du Salon international de l’aéronautique de Farnborough, où plusieurs initiatives sont mises de l’avant pour atteindre l’objectif de la carboneutralité.

Et l’entreprise montréalaise CAE, active dans la fabrication de simulateurs de vols et dans les centres de formation de pilotes, n’est pas en reste dans cet effort de décarbonation de l’aviation civile puisqu’elle annoncera mardi une offensive visant à convertir les moteurs des deux tiers de sa flotte de 200 avions d’entraînement Piper à l’électricité.

« On va mettre sur pied, en collaboration avec le fabricant suisse de batteries H55 et le fabricant de moteurs Safran Electrical & Power, des trousses de conversion des moteurs d’avions Piper. On va le faire avec nos propres avions et par la suite on va pouvoir l’offrir aux clients de Piper » m’a expliqué lundi Marc Parent, PDG de CAE.

Une initiative qui pourrait prendre une ampleur considérable quand on sait qu’il y a actuellement plus de 28 000 avions Piper en service dans le monde. Le PDG de l’entreprise américaine s’est d’ailleurs dit totalement emballé par cette initiative de CAE.

C’est nous qui allons mettre au point cette trousse de conversion qui sera certifiée. On va faire ça dans notre centre de recherche et développement de Saint-Laurent avec nos équipes et en collaboration avec l’École nationale de l’aéronautique.

Marc Parent

CAE utilise les avions Piper dans ses centres de formation pour les nouveaux pilotes et aussi pour les cadets de l’armée américaine. D’ici cinq ans, Marc Parent souhaite avoir converti les deux tiers de sa flotte de 200 avions.

« On cherche une autonomie de vol d’une heure et une capacité excédentaire de 30 minutes pour parer aux éventualités, c’est parfait pour nos besoins », renchérit le PDG de CAE.

Cette initiative de l’entreprise aéronautique montréalaise qui compte 13 000 employés dans le monde s’inscrit dans le vaste programme d’investissements en recherche et développement de 1 milliard de dollars sur cinq ans qui a été annoncé en juillet de l’an dernier.

« On est déjà carboneutres, mais on veut aller plus loin et on développe un nouveau métier », résume sur un ton enthousiaste Marc Parent.

Une préoccupation dominante

CAE n’est pas la seule entreprise qui affiche ainsi fièrement ses couleurs vertes au Salon international de l’aéronautique de Farnborough. Partout dans les quatre grands halls d’exposition du Salon, on est témoin des efforts de transformation que l’industrie veut mettre en œuvre pour se rapprocher le plus rapidement possible de la carboneutralité et retrouver une légitimité auprès des citoyens inquiets des changements climatiques.

Avions électriques, taxis urbains électriques, carburants alternatifs produits avec de la biomasse, hydrogène vert, toutes les solutions sont exposées sous différentes déclinaisons à Farnborough, et même le géant Boeing a lancé lundi son nouveau programme d’algorithmes pour réduire substantiellement et de façon systématique ses émissions de carbone.

Ce qui tombe bien, parce que les changements climatiques, on les vit en direct à Londres qui subit une vague de chaleur sans précédent et où on prévoit que le mercure va atteindre mardi la marque des 40 degrés.

Sur le tarmac du Salon de Farnborough, où il n’y a aucune parcelle d’ombre pour obtenir une protection minimale des rayons du soleil, on a tout simplement l’impression d’être au cœur d’une fournaise infernale.

Steeve Lavoie, PDG de Bell Helicopter, la division d’appareils civils de Textron, qui construit quatre modèles d’hélicoptère à son usine de Mirabel, est lui aussi à l’œuvre pour développer de nouveaux outils de propulsion qui remplaceront d’ici la fin des années 2020 les moteurs à combustibles.

Rencontré au chalet de Bell/Textron, Steeve Lavoie m’a montré le nouveau drone électrique APT-70, capable de transporter une charge de 75 livres, que son équipe a développé à Mirabel et qui pourrait bientôt être commercialisé.

PHOTO JEAN-PHILIPPE DÉCARIE, LA PRESSE

Steeve Lavoie, PDG de Bell Helicopter

« On est dans la transformation. On a lancé le projet HEAD qui vise le développement d’un moteur électrique capable de propulser un de nos hélicoptères commerciaux. L’enjeu, c’est de réduire considérablement le poids des batteries et d’augmenter leur capacité.

« À l’heure actuelle, une batterie de 1000 livres ne peut déplacer un appareil que durant 20 minutes. On cherche une autonomie de vol de cinq à six heures », souligne le président et chef des opérations de Bell.

L’entreprise a obtenu 200 millions du gouvernement fédéral dans un projet d’investissement de 800 millions pour développer un hélicoptère vert, qu’il soit électrique ou propulsé à l’hydrogène.

« On va réussir quand même à livrer 200 appareils cette année. On compte embaucher 200 nouveaux employés et on prévoit en engager 150 de plus l’an prochain pour se rapprocher des 1500 travailleurs à Mirabel », évalue le président de Bell.

Le développement durable et responsable est au cœur des préoccupations de l’industrie aéronautique qui a été brutalement ébranlée par les violentes secousses de la pandémie, elle-même induite par une surexploitation des ressources et de leurs capacités.

Cette industrie ne veut plus revivre pareille catastrophe, et le meilleur moyen d’y arriver, c’est de changer radicalement ses façons de faire.

Le bout du tunnel pour Boeing ?

Des accidents du 737 MAX aux mésaventures de ses gros porteurs, Boeing peine à émerger de la plus grave crise de son histoire. Au premier jour du Salon aéronautique de Farnborough (Royaume-Uni) lundi, le géant américain a cherché à marquer les esprits en signant de gros contrats. Delta a d’abord passé une commande ferme de 100 modèles du 737 MAX 10, le moyen-courrier de Boeing, ce qui représente une somme de 13,5 milliards US au prix catalogue. L’accord prévoit aussi une option pour l’achat de 30 appareils supplémentaires. Le transporteur japonais ANA a confirmé l’acquisition de 20 MAX 8 (2,4 milliards US au prix catalogue) avec une option pour 10 avions de plus. Le contrat figurait déjà dans le carnet de commandes de Boeing, mais l’acheteur n’avait pas été dévoilé. Pour le patron de Boeing, Dave Calhoun, la commande de Delta, dernière grande compagnie américaine à acheter des MAX, est le signe de la confiance retrouvée envers le modèle phare de Boeing.

Agence France-Presse