Finances personnelles, investissements, consommation, retraite… Notre chroniqueuse Marie-Eve Fournier fait le tour des petites et grandes questions qui préoccupent les lecteurs de La Presse.

De l’argent qui expire en toute légalité

Pourquoi Canadian Tire ne rembourse plus nos retours de marchandises, mais nous donne une carte applicable sur un achat dans ses magasins ? Cette carte est bonne pour un an. Cela est-il légal ? – Jacques M.

Rien n’oblige un commerçant à reprendre un bien si le consommateur n’en veut tout simplement plus.

Les entreprises qui permettent les échanges, les retours et les remboursements le font de leur plein gré, essentiellement pour des raisons de marketing, pour se différencier de la concurrence ou avoir bonne réputation. Et elles ne sont même pas contraintes de divulguer leur politique avant l’achat ni de l’afficher, sauf dans le cas d’un contrat conclu à distance, explique le porte-parole de l’Office de la protection du consommateur, Charles Tanguay.

Or, si les commerçants sont libres de créer la politique de leur choix, ils sont toutefois tenus par la loi de la respecter.

Lorsqu’un détaillant accepte les retours de marchandise, c’est aussi lui qui décide de la manière dont il le fera. Souvent, le remboursement se fait de la même manière que le paiement (carte de crédit, débit, comptant).

D’autres entreprises remboursent plutôt leurs clients en déposant la somme sur une carte-cadeau, ce qui leur assure de revoir la personne un jour.

Ce type de carte, qui n’a pas été payé directement par le client, n’est pas soumis à la Loi sur la protection du consommateur. En conséquence, la carte peut porter une date d’expiration, contrairement aux cartes-cadeaux achetées. Un truc pour s’en souvenir : « La loi édicte les règles qui encadrent les cartes prépayées. Les règles ne s’appliquent donc que si quelqu’un a payé pour avoir la carte », dit Charles Tanguay.

Ainsi, les cartes données en récompense, dans le cadre d’un concours, d’une promotion, en compensation d’un achat antérieur ou pour une autre raison, ne sont donc pas soumises aux règles sur les cartes prépayées.

Revenons au cas précis de Canadian Tire. La responsable des relations avec les médias n’a pas répondu directement à mes questions. Mais des employés de deux magasins m’ont expliqué que les retours sont encore remboursés en argent comptant, sur la carte de crédit ou de débit, selon le mode de paiement d’origine, si la personne a sa facture en main et que le bien est revendable (boîte en bon état).

Dans les autres cas (pas de facture, boîte en piètre état, achat effectué au moyen d’une carte-cadeau), la somme est remise sur « une carte de remboursement valide un an ».

Aussi, si vous achetez un bien qui tombe en solde la semaine suivante, vous pouvez réclamer la différence. Qui vous sera alors donnée sur ce type de carte.

Comptes conjoints lors d’une mort

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Cimetière Notre-Dame-des-Neiges à Montréal

Au Québec, le compte bancaire conjoint est gelé temporairement en cas de mort d’un codétenteur. Cela peut devenir problématique si toutes les sources de revenus (PSV, RRQ, pension) y sont versées et que les dépenses y sont prélevées automatiquement. Dans les autres provinces, le détenteur survivant devient l’unique propriétaire. Pourquoi est-ce différent au Québec ?

Martin L.

De fait, les règles entourant les comptes conjoints ne sont pas les mêmes au Québec et dans le reste du pays.

« Dans les autres provinces, la common law prévoit que le codétenteur survivant conserve le solde du compte et continue de le gérer, car on présume que les codétenteurs poursuivent un but commun », explique le porte-parole de la Banque Nationale, Jean-François Cadieux.

Ainsi, à la mort d’un des codétenteurs, le survivant peut encore effectuer des retraits, et les prélèvements automatiques (électricité, assurances, télécommunications) s’effectuent sans problème.

Au Québec, où le Code civil dicte les règles, c’est différent.

Les comptes bancaires conjoints sont assujettis au principe de l’indivision. Cela signifie qu’on ne peut déterminer la part détenue par chacun des cotitulaires.

Quand une personne meurt, ses biens sont dévolus à ses héritiers et un liquidateur devra les distribuer. Donc, l’argent du compte conjoint ne peut pas appartenir directement au cotitulaire du compte. Il appartient peut-être à quelqu’un d’autre.

Thierry L. Martel, avocat du cabinet Martel Cantin

Pour protéger la succession, les comptes d’un défunt sont donc gelés temporairement.

Mais les institutions financières jouissent d’une petite marge de manœuvre. « On laisse passer les demandes qui ont trait à la subsistance et aux frais funéraires. Donc, il y a une analyse qui est faite au cas par cas, selon la situation du client. […] Il y a toujours une question de jugement », résume Timia Di Pietro, directrice principale, affaires juridiques, à la Banque Nationale.

Un codétenteur qui a besoin de liquidités doit se présenter en succursale pour en faire la demande, avec le testament en main. S’il est le seul héritier du défunt, cela facilitera et accélérera évidemment les choses.

Les prélèvements automatiques, cependant, ne fonctionnent plus. « On ouvre donc un autre compte au codétenteur », relate Timia Di Pietro.

Les choses sont cependant sur le point de changer.

Québec a adopté, au début de juin, le projet de loi 2 qui crée une nouvelle loi portant spécifiquement sur les comptes conjoints lors de mort.

Les institutions financières devront présumer que les sommes détenues dans un compte conjoint appartiennent également (50-50) aux deux personnes, « sauf si les codétenteurs ont précisé des pourcentages différents à leur banque », souligne Jean-François Cadieux.

Ainsi, un codétenteur pourra retirer les fonds qui lui reviennent après une mort et les déposer dans un autre compte, notamment pour les prélèvements automatiques. L’autre portion demeurera gelée en attendant que la succession soit réglée.

Les institutions financières bénéficient de six mois pour se conformer aux dispositions de la nouvelle loi québécoise.

Une résidence principale hors Canada ?

PHOTO SEAN KILPATRICK, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Une résidence à l’extérieur du Canada est bel et bien admissible au titre de résidence principale d’un contribuable.

Si on loue un appartement au Canada et que l’on possède une résidence aux États-Unis, la résidence aux États-Unis peut-elle être considérée comme une résidence principale sur le plan fiscal canadien ?

Réjean L.

En matière d’impôt, le principe de base est le suivant : les Canadiens qui habitent au Canada sont imposés sur tous leurs revenus, peu importe leur provenance dans le monde. Ainsi, lors de la vente d’un condo en Floride, par exemple, le profit (gain en capital) sera imposé à 50 %.

Réjean pourrait éviter cet impôt : une résidence à l’extérieur du Canada est bel et bien admissible au titre de résidence principale d’un contribuable. Ainsi, lors de la vente, le gain ne sera pas imposé, comme si le bien immobilier était en territoire canadien.

Cependant, lors de la transaction, 15 % du prix de vente devra être retenu et transmis au fisc américain. « C’est sa sécurité », explique David Truong, conseiller au Centre d’expertise de Banque Nationale Gestion privée 1859. Par exemple, si la propriété est vendue 500 000 $ US, la somme de 75 000 $ US sera retenue… même si cela est supérieur au profit réalisé.

En fonction des règles fiscales américaines assez complexes, il faudra ensuite déterminer si un impôt doit être versé aux États-Unis en consultant un fiscaliste qui connaît bien la législation locale. La retenue de 75 000 $ US pourra ensuite être récupérée en tout ou en partie, selon le cas. Notez que si l’acheteur acquiert la propriété à des fins résidentielles, aucune retenue n’est exigée si le prix de vente est inférieur à 300 000 $ US.

Rappelons qu’un couple marié ou des conjoints de fait ne peuvent avoir qu’une seule résidence principale.

Par ailleurs, le nombre de jours dans une année où l’on habite dans une propriété n’a aucun impact sur son statut (principal ou secondaire). Le fisc ne vous demandera pas de faire des calculs avec un calendrier ou de fournir de preuves.

Pour déterminer laquelle de ses propriétés est sa principale, on utilise plutôt le gain annuel moyen, précise David Truong.

Par exemple, si l’on possède une maison à la campagne depuis 20 ans dont le prix s’est apprécié de 200 000 $ (10 000 $/an) et un condo en ville depuis 10 ans dont le prix a augmenté de 150 000 $ (15 000 $/an), il est plus avantageux fiscalement de déclarer le condo comme résidence principale. Même si on n’y habite que trois mois par année.

Attention, une résidence principale doit toutefois être « normalement habitée » par son propriétaire, note David Truong. Un condo destiné à la location sur Airbnb, par exemple, ne pourrait donc pas se qualifier.

Du filage en aluminium

PHOTO IVANOH DEMERS, ARCHIVES LA PRESSE

Pour avoir l’esprit tranquille avant la mise en vente de sa propriété, on suggère d’en faire vérifier le filage par un maître électricien.

Ma maison est construite avec du filage en aluminium. Lorsque je dois renouveler mes assurances habitation, aussitôt que l’assureur constate cette situation, il refuse de me donner un prix. Dois-je vendre au rabais ma maison pour la mettre à terre, car un nouvel acheteur ne trouvera jamais à l’assurer ?

Maria V.

Avant de laisser partir votre maison pour une bouchée de pain, voyons d’abord quel est l’impact sur son prix du filage en aluminium.

L’évaluateur agréé Simon Beauchemin, de la firme montréalaise PCG Carmon, assure qu’il ne réduit pas d’office la valeur des propriétés dont les murs cachent de l’aluminium, « si tout est fonctionnel et que la maison est assurable ». Et surtout, « on ne met pas une maison à terre pour du filage ! », insiste-t-il.

Pour avoir l’esprit tranquille avant la mise en vente de sa propriété, il suggère d’en faire vérifier le filage par un maître électricien. Ce dernier pourra déterminer si des correctifs doivent être apportés et estimer le coût éventuel d’une telle opération. Une fois les soumissions en main, on peut entamer les travaux, ce qui pourrait être un avantage au moment de la vente. Sinon, on peut déduire le prix des travaux du prix de vente.

En ce qui concerne les assurances, il n’y a pas de mot d’ordre dans l’industrie pour ne pas assurer les maisons dont le filage est en aluminium. Chaque compagnie est libre d’assumer les risques qu’elle souhaite.

Mais il s’avère que ces propriétés présentent « des risques d’incendie accrus qui amènent des dégâts importants », indique Anne Morin, responsable des affaires publiques au Bureau d’assurance du Canada (BAC).

Cela réduit le nombre de compagnies qui acceptent d’assurer ces propriétés, confirme Louis-Thomas Labbé, président du conseil de la firme indépendante de courtage Gallagher GPL. « Il y en a trois, à notre connaissance, et elles acceptent seulement si un maître électricien a fait une inspection. » Il s’agit d’Intact, d’Economical et de Definity.

« Un assureur n’a aucune obligation d’assurer une habitation ou de renouveler un contrat. Il pourrait décider de ne plus assurer de maisons au filage d’aluminium. Selon leur expérience de sinistres et l’évaluation des risques qu’ils font, les assureurs révisent leurs politiques de souscription et de tarification », poursuit Mme Morin.

Si un propriétaire immobilier peine à trouver un assureur malgré toutes ses démarches, il peut demander l’aide d’un courtier indépendant. Ou l’intervention du BAC. Pour ce faire, il faut remplir un formulaire disponible en ligne. Le BAC veillera à garantir l’accès à une assurance, mais n’interviendra pas en matière de tarification.

Cela dit, la difficulté à assurer une maison pourrait théoriquement avoir un certain impact sur l’attrait de la propriété. Car lors de la vente, la Déclaration du vendeur, un formulaire obligatoire, contient la question suivante : « Une compagnie d’assurance a-t-elle déjà refusé d’assurer l’immeuble en tout ou en partie ? » Il reste à voir si une réponse positive refroidira les ardeurs d’un acquéreur potentiel dans le contexte actuel du marché.

Ce document ne contient par ailleurs aucune question précise sur le type de filage. Mais si un électricien nous a fait part de problèmes potentiels, vaut mieux ne pas se risquer à cacher l’information, bien entendu.