Cela fait des années que l’on espère un jour se rendre en avion dans une destination éloignée du Québec sans payer le prix d’un aller-retour pour l’Europe ou même l’Asie. Depuis mercredi, c’est maintenant chose possible pour près de 100 000 voyageurs qui pourront profiter d’un tarif réduit, généreusement subventionné par le gouvernement québécois.

Allez-vous profiter du Programme d’accès aérien aux régions (PAAR) pour vous acheter un billet d’avion aller-retour à 500 $ afin d’aller visiter les Îles-de-la-Madeleine, la Gaspésie ou les vastes forêts de l’Abitibi ou du Lac-Saint-Jean ?

La question se pose, parce que ce nouveau programme qui a été mis sur pied pour soutenir six transporteurs aériens régionaux, dont Air Canada, vise essentiellement à inciter les voyageurs à prendre l’avion seulement à des fins récréatives à partir des aéroports de Montréal, de Saint-Hubert et de Québec.

Devant la multitude de restrictions dont le PAAR est assorti, il peut être difficile de s’y retrouver, et on peut aussi se demander comment le gouvernement va arriver à exercer quelque contrôle que ce soit pour gérer les nombreux cas potentiels d’abus.

Les travailleurs autonomes qui se déplacent dans le cadre de leur emploi, les employés d’entreprises qui peuvent se faire rembourser le prix du billet à 500 $, les organismes, les centres de santé ou les fonctionnaires n’ont pas le droit de réclamer le tarif réduit offert par le PAAR.

Mais qui ira vérifier si le billet payé 500 $ ne sera pas remboursé par un employeur ou s’il sera comptabilisé dans la liste des dépenses d’un travailleur autonome ?

Le gouvernement mise sur la bonne foi des usagers qui se prévaudront des tarifs réduits et qui auront à signer une déclaration sur l’honneur pour confirmer qu’ils voyagent à des fins strictement personnelles et non professionnelles. Pour les fraudeurs, une déclaration d’honneur, ça vaut ce que ça vaut…

Chaque voyageur aura la possibilité de réaliser trois allers-retours au cours de la même année, ou six allers simples.

Les transporteurs aériens régionaux pourront toutefois difficilement savoir si un passager a déjà exercé ses droits de trois voyages aller-retour chez un concurrent ou s’il s’enregistre chez lui avec une adresse différente.

Notez que les gens des régions éloignées ne pourront pas profiter de ces tarifs fixes à 500 $, puisqu’ils continueront d’être admissibles au volet 1 du programme, qui prévoit un remboursement de 30 à 60 % du plein tarif du transporteur aérien régional, selon le niveau d’isolement ou d’éloignement de leur région d’origine.

Cette distinction vient d’ailleurs confirmer l’aspect incitatif au tourisme du Programme d’accès aérien aux régions, puisque même les touristes de l’étranger pourront bénéficier des tarifs à 500 $ s’ils veulent partir de Montréal pour aller visiter Chibougamau ou Gaspé.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Îles-de-la-Madeleine

Voyager à pied ?

Le but ultime du PAAR est donc de stimuler l’achalandage sur les lignes aériennes intérieures québécoises en incitant les voyageurs à prendre l’avion plutôt que de se rendre à destination en voiture, grâce aux rabais substantiels consentis sur le prix des billets.

Ce qui ne règle en rien les déplacements une fois à destination. Personnellement, quand je me déplace en Gaspésie, sur la Côte-Nord, au Saguenay–Lac-Saint-Jean, en Abitibi-Témiscamingue ou dans le Nord-du-Québec, je préfère nettement prendre ma voiture et découvrir tous les coins et recoins d’une région, ceux qui font leur charme et qui m’incitent à les visiter.

Les touristes montréalais, québécois ou de l’étranger qui vont prendre l’avion pour atterrir à Gaspé vont certainement vouloir découvrir autre chose que la seule baie de Gaspé, ils aimeront certainement pousser une pointe à Rivière-au-Renard tout autant qu’ils voudront contempler le rocher à Percé.

Trouver une voiture de location, en région, peut rapidement devenir tout un défi, compte tenu de leur nombre limité et aussi de la folle inflation qui a gagné le marché de la location d’autos et qui a fait exploser les prix partout au pays.

Même constat et autre questionnement concernant le nombre important de billets à 500 $ qui seront exclusivement réservés pour la destination des Îles-de-la-Madeleine.

Le ministère des Transports a prévu accorder 30 % des 100 000 billets à 500 $ pour les trajets aller-retour aux Îles, parce que c’est la destination privilégiée des touristes urbains de Montréal, de Québec et de l’étranger.

Pourtant, les touristes qui fréquentent les Îles-de-la-Madeleine et qui s’y rendent déjà par avion ont les moyens financiers de se payer pareille aventure.

Alors, pourquoi offrir un rabais à des gens fortunés qui auraient pris l’avion de toute façon pour s’y rendre ?

Phénomène qu’a pu observer le transporteur régional Pascan, qui a enregistré cinq fois plus de réservations au cours de la journée de mercredi qu’à l’habitude.

« La première réservation en ligne a été faite à minuit et quatre dans la nuit de mercredi et nos téléphonistes ont été débordés d’appels toute la journée. Beaucoup de voyageurs voulaient réserver un vol pour les Îles en juillet, mais c’est déjà complet. Il faut s’y prendre six mois à l’avance, ils vont donc revenir l’an prochain », m’a expliqué Yani Gagnon, vice-président exécutif du transporteur aérien.

Le Québec affiche un retard considérable par rapport aux autres provinces canadiennes quant à l’utilisation du transport aérien pour se déplacer de façon interrégionale.

Le PAAR vient apporter une solution temporaire à un problème structurel beaucoup plus profond, celui du faible peuplement de plusieurs de nos plus beaux coins de pays, qui empêche une desserte aérienne conséquente et économiquement viable, 12 mois par année.

Appel à tous La formule des billets d’avion plafonnés à 500 $ va-t-elle vous inciter à voyager davantage au Québec ?