Un nouvel acronyme fera son entrée dans notre vocabulaire et la publicité des banques : CELIAPP. Ces sept lettres désignent un compte d’épargne pour aider les jeunes « à obtenir plus facilement les clés de leur première maison ». Particulièrement généreux, il combine les avantages du CELI et du REER.

Toutes les règles entourant le compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété (CELIAPP) ne sont pas encore connues. Mais il ne serait pas étonnant que cette mesure phare du deuxième budget Freeland signe l’arrêt de mort du RAP, le fameux régime d’accession à la propriété.

Pourquoi ? Parce que le CELIAPP est moins contraignant. Plus payant aussi.

Voyons comment ça fonctionne.

Dès 2023, il sera possible d’ouvrir ce type de compte et d’y verser 8000 $ par année afin d’accumuler la mise de fonds nécessaire à l’achat de sa première propriété. La beauté de l’affaire, c’est que les cotisations sont entièrement déductibles d’impôt, comme celles versées dans un REER.

Vous gagnez 70 000 $ par année, vous mettez le maximum dans votre CELIAPP et hop, votre revenu imposable vient de tomber à 62 000 $. Cela accroît réellement la capacité d’épargne puisque le remboursement d’impôt (1370 $ ou 2970 $ si jamais Québec embarque) pourra être versé illico dans le compte.

Ce n’est pas tout. Un deuxième cadeau est offert au moment du retrait. Aucun impôt ne sera exigé sur le rendement obtenu, comme si c’était un CELI. « Du point de vue d’un contribuable, c’est un rêve », m’a dit Luc Godbout, titulaire de la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke.

Toute bonne chose a des limites. Par exemple, les cotisations inutilisées ne sont pas transférables à l’année suivante et un plafond de 40 000 $ à vie est imposé.

Le grand avantage du CELIAPP, par rapport au RAP, c’est qu’il n’y a rien à rembourser au fil des ans.

Ce fardeau de moins pourra permettre aux premiers acheteurs de souffler un peu dans le contexte où le prix des maisons a explosé depuis deux ans. Une tendance qui ne ralentit pas. En mars, le prix médian des unifamiliales au Québec a atteint 430 000 $, un bond de 21 % en 12 mois, selon l’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec (APCIQ).

Bien sûr, même les meilleurs plans de vie changent. Ottawa a prévu le coup en permettant le transfert des sommes accumulées dans un CELIAPP vers un REER ou même un FEER. La flexibilité est considérable (voir encadré ci-dessous).

Le CELIAPP permet aussi aux nouveaux acheteurs d’éviter un curieux mélange des genres. L’argent mis de côté pour la retraite devrait servir… à la retraite.

Cela dit, ce nouveau compte n’augmente pas la richesse des ménages. Ceux qui peinent à mettre de l’argent dans un REER ou un CELI n’auront pas les moyens de remplir un CELIAPP. Dans bien des cas, ceux qui rêvent d’être propriétaires devront prioriser un compte ou deux sur les trois, ou même les quatre, si on ajoute le REEE, pour les études.

Ne soyez pas étonné si cette question revient souvent : REER, REEE, CELI ou CELIAPP en premier ?

Seuls les plus nantis pourront profiter de tous ces véhicules de placements, et les conseillers financiers ne tarderont assurément pas à élaborer des stratégies pour en faire profiter leurs clients au maximum. « On vient ajouter de la complexité dans les planifications », dit Stéphane Leblanc, fiscaliste et associé chez Ernst & Young. Un constat partagé par Luc Godbout.

À Ottawa, on est parfaitement conscient que cette nouvelle mesure profitera davantage aux plus riches.

« La combinaison de cotisations déductibles et de retraits non imposables signifie que la mesure procure les avantages les plus importants aux acheteurs d’une première propriété à revenu élevé, car ils font face à des taux d’imposition marginaux plus élevés et ont une plus grande capacité d’épargner en vue de se constituer une mise de fonds », peut-on lire dans un document fourni aux médias.

En même temps, serait-il sain de pousser des personnes qui n’ont pas les moyens d’entretenir une maison à devenir propriétaires ?

Ce qui est particulier, c’est qu’en 1974, alors que le père de Justin Trudeau dirigeait le Canada, un régime d’épargne similaire avait été créé, rappelle Luc Godbout. On voulait, comme aujourd’hui, aider les jeunes à acquérir une première propriété et ralentir la hausse fulgurante des prix de l’immobilier. Le régime enregistré d’épargne-logement (REEL) a été amélioré au fil des ans, mais aboli une dizaine d’années plus tard.

Ses détracteurs de l’époque ne voyaient pas comment un tel incitatif à l’épargne pourrait freiner l’inflation immobilière. Encore aujourd’hui, le CELIAPP risque d’alimenter le marché en y amenant un plus grand nombre d’acheteurs.

Ce qu’il faut savoir

Critères d’admissibilité :

  • Être un résidant du Canada et être âgé d’au moins 18 ans
  • Ne pas avoir vécu dans une propriété qui nous appartient dans l’année de l’ouverture du compte ni lors des quatre années civiles précédentes

Début : 2023

Cotisation maximale de 8000 $ par année, plafond de 40 000 $ à vie

Les droits annuels de cotisation inutilisés ne peuvent pas être reportés à une année ultérieure.

Les cotisations sont déductibles d’impôt et les retraits pour l’achat d’une première maison, y compris le revenu de placement, sont non imposables.

Les particuliers n’auront pas le droit d’effectuer à la fois un retrait du CELIAPP et un retrait au titre du RAP pour l’achat d’une même propriété.

Un transfert du CELIAPP vers le REER ne réduira pas les droits de cotisation futurs et ne sera pas limité par les droits déjà acquis.

Les particuliers seront limités à faire des retraits non imposables relativement à une seule propriété au cours de leur vie.