Malgré une année 2021 record, tant au chapitre des excédents réalisés de près de 3 milliards que des ristournes aux membres et à la collectivité qui ont dépassé les 500 millions, Guy Cormier, le président du Mouvement Desjardins, ne cache pas une certaine inquiétude quant aux perspectives économiques des dix prochaines années, qui risquent d’être obscurcies par des nuages gris et de possibles turbulences.

Le Mouvement Desjardins tiendra samedi son assemblée générale annuelle, qui se déroulera pour la première fois en trois ans en mode hybride, alors qu’on s’attend à ce que de 500 à 600 membres y assistent en personne au Palais des congrès de Québec.

Guy Cormier aura évidemment de bonnes nouvelles à donner aux quelque 4,4 millions de membres du mouvement coopératif, puisque Desjardins vient de boucler une solide année financière et opérationnelle.

Mais sur un horizon plus large, le PDG dit craindre une détérioration du contexte économique qui a été particulièrement résilient au cours des deux dernières années.

« On est partis de loin et on se retrouve beaucoup mieux placés aujourd’hui qu’il y a deux ans lorsqu’on faisait face à une pandémie, une récession, des entreprises qui fermaient leurs portes. Les finances publiques sont en bon état, et c’est ce qui me réconforte du dernier budget », souligne Guy Cormier.

Le PDG de Desjardins accueille favorablement la distribution d’un chèque de 500 $ aux contribuables québécois pour les soulager des répercussions de l’inflation « parce que les cibles d’investissement en santé et en éducation ont été préservées », estime-t-il.

Il partage néanmoins les craintes formulées par Jimmy Jean, l’économiste en chef du Mouvement Desjardins, qui est d’avis que cette mesure pourrait aussi alimenter la hausse du coût de la vie.

« Chose certaine, l’inflation va rester forte tout au long de 2022 et on pense maintenant qu’elle va le demeurer jusqu’au deuxième semestre de 2023 », anticipe Guy Cormier.

Si la pandémie a mis à mal les chaînes d’approvisionnement et entraîné des pénuries, la guerre en Ukraine est venue fragiliser encore davantage l’équilibre mondial en amplifiant les facteurs de turbulences.

On s’en va vers dix années de plus grandes turbulences économiques. On assiste à la fin de l’élan de mondialisation qui a pris naissance dans les années 1970 et 1980. On voit de plus en plus de zones de protectionnisme s’élever.

Guy Cormier, président du Mouvement Desjardins

« On vient de clore un cycle de dix belles années de croissance économique mondiale. Là, le contexte va être différent », observe Guy Cormier.

Une année occupée

Le PDG de Desjardins n’entrevoit pas pour autant de chocs économiques dans l’avenir immédiat. Les hausses de taux d’intérêt attendues au cours des prochains mois ne devraient pas bouleverser l’environnement des Québécois.

« On parle de hausses de taux qui vont nous amener à 3 ou 4 %. Ce n’est pas comme passer de 5 à 10 %. Les banques centrales ont appris à être plus mesurées.

« L’autre facteur positif, c’est que les ménages ont davantage épargné au cours des trois dernières années. Les dépôts de nos membres chez Desjardins ont été en hausse de 16 % en 2020 et de 6 % l’an dernier alors que le solde de leur carte de crédit a été réduit de 5 % durant cette période », souligne Guy Cormier.

L’année 2021 a permis au Mouvement Desjardins de réaliser plusieurs avancées dans des indicateurs de performance clés, comme le taux de satisfaction de la clientèle et la hausse marquée de 82 000 nouveaux membres, particuliers et entreprises, et 150 000 nouveaux clients dans le secteur de l’assurance.

« On a réussi à dégager des excédents de près de 3 milliards même si on a investi 2 milliards en technologies de l’information et 2 milliards dans de nouveaux projets numériques dans tous nos secteurs d’activités », insiste le PDG.

Et autre indicateur de performance qui illustre, selon moi, une force d’attraction peu commune et incroyable en cette période de pénurie de main-d’œuvre extrême, le Mouvement Desjardins a réussi à embaucher pas moins de 20 000 personnes durant les deux dernières années !

« On a eu à combler beaucoup de départs à la retraite et on a embauché 4000 personnes additionnelles pour faire passer nos effectifs totaux de 45 000 à 49 000 employés dans toutes nos divisions au Québec et à l’extérieur », précise Guy Cormier.

Dans la foulée du vol massif d’identités de plus de 2,9 millions de membres de Desjardins en 2019, l’institution a mis sur pied un bureau de la sécurité informatique qui regroupe à lui seul 1200 employés.

« Nos employés scrutent systématiquement tout ce qui se passe sur le web, on est en relation constante avec les corps de police, toutes les mesures de sécurité ont été renforcées. On investit 375 millions dans la sécurité chaque année », indique Guy Cormier.

Le PDG qui amorce la deuxième portion de son second et dernier mandat de quatre ans à la présidence de Desjardins souhaite mener de front plusieurs objectifs, dont deux prioritaires, soit la poursuite de la transformation numérique du Mouvement et son implication grandissante dans la relance économique verte.

« On est partenaires de nombreux projets d’économie circulaire partout au Québec, on est aussi très actifs via notre Fonds du Grand Mouvement qui a été bonifié de 150 millions. On est au cœur de toutes les régions du Québec, et c’est pourquoi on participe au développement de la chaîne d’approvisionnement local. Ça fait partie de la relance verte », affirme avec ferveur le PDG de Desjardins.