Charles Emond est le premier à en convenir. Les deux dernières années ont été hors norme, et 2022 ne coulera pas de source non plus, alors que la conjonction d’une forte inflation à une hausse marquée des taux d’intérêt et le déclenchement de la guerre en Ukraine vont venir compliquer davantage ce qui s’annonçait déjà comme une année de transition.

Après une année 2020 atypique pour la Caisse de dépôt, qui avait enregistré un rendement de 7,7 %, en dessous des 9,2 % réalisés par son indice de référence, l’institution a rebondi en 2021 en générant un rendement de 13,5 %, nettement au-dessus de son indice de référence à 10,7 %.

« Il s’agit de notre meilleur rendement en 10 ans. On a ajouté 49 milliards à nos actifs et on a produit une valeur ajoutée de 10 milliards par rapport à notre indice de référence.

« On entre par ailleurs dans une année de transition qui sera marquée par l’inflation, la hausse des taux d’intérêt et l’atterrissage des politiques monétaires des banques centrales. Et le conflit en Ukraine majeur vient s’ajouter, ce qui risque de faire davantage pression sur l’inflation.

« On vit depuis deux ans dans un contexte hors norme et il y aura en 2022 encore plus de volatilité, d’incertitude et d’ambiguïté. En gestion de placements, chaque année, on remet le compteur à zéro et on repart. Il s’agit simplement de s’ajuster au contexte et de faire de son mieux », évalue le PDG de la Caisse de dépôt, en entrevue jeudi.

En 2021, les gestionnaires responsables du portefeuille boursier de la Caisse ont été en mesure de battre par un cheveu leur indice de référence, en générant un rendement de 16,2 %, contre 16,1 % pour l’indice.

Mais, depuis cinq ans, la Caisse traîne de la patte avec un rendement annualisé de 10,7 % contre un rendement de 11,5 % pour son indice de référence, alors qu’historiquement, l’institution avait pratiquement toujours réussi à faire mieux que l’indice.

« Sur la période de cinq ans, c’est notre sous-exposition au marché américain et aux titres de croissance qui nous a pénalisés. On a réglé cette lacune l’an dernier », souligne-t-il.

Pour la seconde année de suite, la grande catégorie d’actifs vedettes a été celle des placements privés, qui a généré un retentissant rendement de 39,2 %, plus élevé que le surprenant 32,1 % enregistré par son indice de référence. Il s’agit du meilleur rendement en 20 ans pour la Caisse depuis que cette catégorie existe et cela porte à 83 milliards la valeur des actifs des placements privés.

Est-ce que la cherté des grands titres technologiques a détourné l’argent des investisseurs vers des voies d’enrichissement alternatives comme les placements privés ?

« Cette classe d’actifs s’est beaucoup développée depuis 10 ans. Ça va peut-être baisser un jour, mais nous, on investit dans des sociétés que l’on connaît, avec lesquelles il existe une proximité alors qu’on parle à la direction chaque semaine et où on a une place au conseil d’administration. »

« Les placements privés offrent une plus grande diversité de secteurs que les marchés boursiers. Nous, on privilégie les services, les technologies, les fintechs, l’assurance, l’industriel durable », précise Charles Emond.

Le PDG de la Caisse insiste sur le fait que les évaluations qui sont faites sur la majorité de ses investissements ont été établies à la suite de transactions subséquentes à celles qu’elle a réalisées, ce qui leur assure une juste valorisation.

Une partie des 39,2 % de rendements obtenus par le portefeuille de participations privées en 2021 est d’ailleurs attribuable à des dispositions de placements qui ont totalisé 13 milliards en cours d’année, dont les ventes des participations dans Spie, une entreprise du secteur de l’énergie et des communications, et dans la multinationale indienne TVS Logistics.

Enfin, l’autre avancée notable que l’on peut constater dans les derniers résultats de la Caisse, c’est celle de ses participations dans les entreprises québécoises, qui ont progressé de 10 milliards au cours de l’année 2021, pour passer de 50 à 60 milliards, c’est une hausse considérable de 20 %.

« On a réalisé pour 6,5 milliards de nouveaux investissements dans des entreprises comme Énergir, CAE, Solmax ou Vision 7 International. On continue comme jamais de travailler avec nos entreprises pour qu’elles deviennent des chefs de file mondiales. L’autre 3,5 milliards provient du rendement obtenu durant l’année », souligne Charles Emond.

Ce n’est pas une simple question d’opportunités, insiste le PDG. C’est une volonté bien assumée de vouloir contribuer davantage au développement économique du Québec.

« On connaît tout le monde, on se parle et on peut aller au-delà des besoins des entreprises grâce à nos contacts à l’échelle mondiale.

« Un gestionnaire qui cumule comme nous des actifs de 80 milliards [en incluant ses placements en revenus fixes, dont les obligations du Québec] dans une économie où le PIB du pays est de 450 milliards, c’est unique au monde », insiste le PDG de la Caisse, un argument que l’institution va sûrement rappeler à tout le monde lorsqu’elle aura notamment à défendre les prochaines étapes de son projet de Réseau express métropolitain.