Les leggings vendus par l’entreprise Quebecvibes ont vraiment tout pour plaire en ce glacial mois de janvier. Avec leur épaisse doublure en peluche, ils assurent « une douceur et un confort incomparables ». En plus, ils sont fabriqués dans une usine à Granby, la livraison est gratuite et ils sont remboursables.

Si vous n’êtes pas encore convaincue, sachez que ces jours-ci, ses leggings hivernaux SLIMEA sont « en solde » à 50 $ la pièce. Et que leur achat permet d’encourager « des Québécois remplis d’ambition » dont le but est « de changer le quotidien des Québécois et Québécoises en offrant des produits exclusifs et de haute qualité à un meilleur prix ».

Dépêchez-vous de cliquer sur le bouton « ajouter au panier », prévient Quebecvibes, car la demande est « forte », et la rupture de stock serait imminente.

Si seulement tout cela était vrai…

Mais non.

Les clientes qui ont acheté ces leggings qu’on voit partout sur Facebook depuis quelques semaines (la publicité avait accumulé plus de 670 000 vues dimanche soir) ont reçu un paquet… de Chine. Celles qui se plaignent de cette fausse représentation sur les réseaux sociaux ajoutent que les grandeurs n’ont aucun sens. L’extralarge habille une fillette de 8 ans.

« J’ai reçu la commande trois semaines plus tard. Trop petit ! On dirait un vêtement pour enfant, écrit l’une d’elles, fâchée. Pas d’étiquette d’entretien ou de provenance et ils ne m’ont pas chargé de taxes sur ma facture. »

CAPTURE D’ÉCRAN DE FACEBOOK

En ligne, les clientes se plaignent de ne pouvoir récupérer leur argent, car les leggings sont toujours vendus en solde et seuls les articles à prix courant sont remboursables. En plus, les frais d’expédition – jusqu’en Chine – ne sont pas payés par le détaillant.

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Vérification faite, l’adresse fournie par Quebecvibes sur son site web (164, rue Cowie, suite 303, à Granby) est celle de Noburo, un espace de travail partagé. Ses propriétaires savent que le détaillant en ligne utilise son adresse et que des consommateurs se sont fait avoir.

La photo de groupe n’est assurément pas celle de ses dirigeants québécois « remplis d’ambition » puisqu’on la trouve aussi sur une poignée d’autres sites dans le monde.

J’ai tenté de parler à Manon Poirier, qui serait la présidente et fondatrice de Quebecvibes. Personne ne répond au numéro de téléphone indiqué tout près des mots « excellent service clientèle » et « soutien amical 24/7 ». Un répondeur nous invite, en anglais, à laisser un message. Mon courriel est demeuré sans réponse.

  • Quebecvibes mise sur ses « racines » québécoises pour séduire la clientèle.

    PHOTO TIRÉE DU SITE DE QUEBECVIBES

    Quebecvibes mise sur ses « racines » québécoises pour séduire la clientèle.

  • L’adresse à Granby indiquée sur le site de Quebecvibes est celle d’une autre entreprise, Noburo.

    PHOTO TIRÉE DU SITE DE QUEBECVIBES

    L’adresse à Granby indiquée sur le site de Quebecvibes est celle d’une autre entreprise, Noburo.

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Sur Facebook et son site web, Quebecvibes joue à fond la carte du nationalisme avec la photo d’un homme tenant des drapeaux du Québec devant le château Frontenac. Une femme est même drapée d’un fleurdelisé.

Qui se cache derrière cette mise en scène ? Mystère. La réponse ne se trouve pas dans le Registraire des entreprises du Québec. L’entreprise « de Granby » n’y figure pas. Une entreprise portant le nom de Mode Vibes Québec a déjà existé, à Montréal. Mais elle a été radiée en 2017.

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Josée Taillefer s’est récemment procuré un legging doublé. En le payant avec PayPal, elle a été étonnée que le receveur soit un certain Mohamed Abdoulaye, plutôt qu’une entreprise. C’est là qu’elle a commencé à avoir des doutes. « Trois jours plus tard, je reçois un numéro de tracking de la Chine. Donc pas fait au Québec du tout. Je fulminais. J’ai indiqué ma déception dans les commentaires de la pub, qui ont été effacés, bien évidemment. »

CAPTURE D’ÉCRAN FOURNIE PAR JOSÉE TAILLEFER

Le colis contenant le legging n’est pas expédié de Granby, mais de Changsha, en Chine.

Son colis est parti de Changsha, en Chine, le 18 janvier. Elle l’attend encore. Il serait actuellement aux douanes canadiennes. « Je n’ai aucun espoir que ça ait de l’allure », déplore-t-elle, déjà décidée à demander une rétrofacturation à PayPal.

La Montréalaise qualifie l’affaire de « legginggate » !

Jusqu’ici, l’Office de la protection du consommateur (OPC) a reçu sept plaintes au sujet de Quebecvibes, qui vend par ailleurs une foule d’autres produits. C’est bien peu.

Il faut dire qu’on n’a pas le réflexe de joindre l’OPC quand le détaillant est à l’autre bout du monde. Mais quand les appels au sujet d’une même entreprise se multiplient, cela peut permettre à l’OPC d’alerter la population, de lancer une enquête et même de sévir, explique son porte-parole Charles Tanguay.

Surtout, l’OPC peut expliquer aux consommateurs floués comment récupérer leur argent, notamment au moyen de la rétrofacturation.

Il reste à voir si la demande de Josée Taillefer fonctionnera. Le fait que le legging provienne de Chine plutôt que de Granby sera-t-il un argument suffisant pour obtenir une réponse positive de PayPal ?

  • CAPTURE D’ÉCRAN TIRÉE DE FACEBOOK

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C’est impressionnant de voir à quel point il est devenu difficile de démêler le vrai du faux en ligne, même quand on fait ses devoirs. Sur Facebook, des femmes sceptiques ont demandé à Quebecvibes si ses leggings étaient bel et bien fabriqués au Québec, et on leur répondait oui. Voilà une bonne raison de plus pour encourager les magasins qu’on connaît. D’autant qu’on peut trouver des leggings doublés cinq fois moins chers dans un commerce véritablement établi à Québec depuis 1840.

Consultez la chronique « Le Petit Écolier vous fait enrager » Consultez les conseils de l’OPC avant de faire un achat en ligne Consultez un texte d’Éducaloi sur l’annulation d’un achat en ligne Consultez un texte de la Banque Nationale sur la rétrofacturation