Le premier ministre François Legault n’y est pas allé avec le dos de la cuillère pour exposer les perspectives qu’il entrevoit pour l’économie québécoise dans son discours d’ouverture de la nouvelle session parlementaire. Il a plutôt décidé de servir une pleine pelletée d’objectifs extrêmement ambitieux pour les prochains mois en promettant même la création de 100 000 travailleurs qualifiés pour répondre aux besoins de main-d’œuvre et à la pénurie qui paralyse des milliers d’entreprises au Québec.

En citant la promesse de créer 100 000 emplois que Robert Bourassa avait formulée lors des élections de 1970, le premier ministre Legault a adapté le slogan de l’époque à la conjoncture d’aujourd’hui pour s’engager à créer plutôt 100 000 candidats à des postes qualifiés dans les secteurs de la construction, des technologies de l’information et du génie.

Rien de moins. Visiblement fouetté par la forte robustesse qu’affiche l’économie québécoise, François Legault pense qu’il sera possible de trouver des travailleurs qualifiés pour pourvoir les 100 000 emplois présentement disponibles dans ces trois secteurs d’activité stratégiques et névralgiques pour assurer la croissance souhaitée.

Si Robert Bourassa avait promis « 100 000 jobs » alors que le Québec vivait une période de chômage endémique, François Legault promet de trouver 100 000 travailleurs qualifiés alors qu’on vit une situation de pénurie de main-d’œuvre elle aussi endémique.

Si l’ambition du premier ministre est noble et belle, elle ne tient pas compte pour autant du contexte de déséquilibre démographique dans lequel le Québec est plongé, une situation qui affligera l’économie québécoise pour de nombreuses années encore.

Et ce n’est pas dans les Tim Hortons que le premier ministre va trouver des candidats et des candidates à former rapidement parce que plusieurs Tim Hortons sont tout simplement fermés ou doivent fonctionner au ralenti en raison d’un manque chronique de personnel.

Oui, le Québec enregistre l’une des plus fortes croissances économiques au Canada, mais cette croissance n’atteint pas son plein potentiel parce qu’elle est ralentie par les problèmes de main-d’œuvre que l’on constate dans à peu près tous les secteurs d’activité.

C’est la réalité que l’on observe sur le terrain et avec laquelle il faut apprendre à vivre et à composer. Il manque de monde, et on ne peut pas inventer des travailleurs spécialisés s’il n’y a pas d’individus pour les incarner.

Les pôles mondiaux

Qui trop embrasse mal étreint, dit-on. À cet égard, le premier ministre Legault a embrassé assez large lorsqu’il a évoqué que le Québec était en voie de s’imposer comme le prochain pôle mondial dans les domaines du transport électrique, des batteries vertes et de l’hydrogène vert.

Encore là, oui, le Québec a le potentiel et les attributs pour développer de solides et redoutables filières dans ces trois secteurs d’avenir, mais il reste beaucoup, beaucoup de travail à faire pour bien ancrer ce potentiel dans la réalité économique et encore bien plus avant d’aspirer au rang de pôle mondial.

Hydro-Québec est un atout indéniable et incontournable dans la mise sur pied de filières structurantes dans les domaines du transport électrique, des batteries et de l’hydrogène vert, mais les initiatives industrielles qui peuvent en découler se déploient encore bien timidement.

Hydro-Québec a annoncé le projet d’une usine de production d’hydrogène vert à Varennes, mais on amorce seulement le développement d’une expertise québécoise dans ce type d’énergie renouvelable.

Dans le domaine du transport, on a bien sûr le fabricant de camions et d’autobus électriques Lion qui émerge et qui affine ses habiletés de fabrication à plus grande échelle, mais on est encore loin de la mise sur pied d’une filière intégrée.

La grande promesse des dernières années, qui porte aussi un grand potentiel de réalisation, reste celle de la batterie verte où le Québec a tous les ingrédients à portée de main pour se démarquer à l’échelle mondiale, des minéraux critiques aux capacités logistiques.

Mais plusieurs projets de développement minier, notamment celui de Nemaska Lithium, ont connu leur lot de ratés alors que l’arrimage de partenaires industriels d’envergure pour réaliser la fabrication de produits finis tarde à se matérialiser.

Bref, il reste énormément de travail à abattre avant qu’un début de pôle mondial ne se profile à l’horizon dans les trois domaines que François Legault a ciblés.

Dans son discours inaugural, le premier ministre a voulu se faire rassembleur et a cherché à exalter tout le potentiel et la richesse verte dont le Québec dispose et qu’il peut – et doit – développer.

Il a peut-être fixé des objectifs démesurément ambitieux, mais sur le fond, il reste maintenant à structurer de façon cohérente et profitable l’exploitation de cette richesse verte.