La PCU a beau avoir été abolie il y a plus d’un an, elle continue d’avoir des conséquences fâcheuses. Imaginez, certains aînés se retrouvent aujourd’hui privés d’une partie ou même de l’entièreté de leur Supplément de revenu garanti (SRG) à cause des prestations reçues l’an dernier. Il existe bel et bien une façon de corriger cette situation… Mais pour la découvrir, il faut pratiquement être devin. Et pour y avoir droit, il est nécessaire de prendre le taureau par les cornes.

Bien des aînés à faibles revenus arrondissent leurs fins de mois avec un boulot à temps partiel. On les en remercie. C’est exactement ce que l’on souhaite en cette ère de pénurie de main-d’œuvre. En plus, leur longue expérience est souvent un atout.

L’an dernier, quand bon nombre d’entreprises ont été forcées de fermer à cause de la pandémie, des aînés ont pu réclamer la PCU, cette fameuse Prestation canadienne d’urgence.

Mais voilà, 10 000 $ de PCU et 10 000 $ de salaire, ce n’est pas du tout la même chose ! Du moins pour Ottawa, quand vient le temps de calculer le total de SRG qu’il versera à un aîné.

Je vous rappelle que le montant de SRG varie en fonction des revenus gagnés l’année précédente. Le calcul est donc effectué après la réception de la déclaration de revenus, au cours de l’été.

Dès le mois de juin 2020, les associations coopératives d’économie familiale (ACEF) avaient commencé à talonner Ottawa pour savoir quel impact la PCU aurait sur les versements de SRG, me raconte la coordonnatrice de celle de l’Estrie, Sylvie Bonin. Pendant des mois, on leur a dit que la question était à l’étude. En novembre, un webinaire auquel ont participé Service Canada, l’Agence du revenu du Canada (ARC) et toutes les ACEF de l’Union des consommateurs n’a pas permis d’obtenir de réponse. La ministre du Revenu et des députés ont été contactés. Mais les ACEF n’ont jamais reçu le verdict d’Ottawa.

Les aînés, si. Directement dans leur compte de banque. En août dernier.

Certains ont vu leurs versements de SRG fondre comme neige au soleil, car la somme reçue en PCU compte à 100 % dans le calcul de la prestation. Ce qui n’est pas le cas du salaire : la première tranche de 5000 $ en est totalement exclue, tandis que les 10 000 $ suivants ne comptent qu’à 50 %. Chaque dollar de revenu entraîne une diminution de 0,50 $ du SRG de l’année suivante.

C’est ainsi que D. L. a perdu son SRG au complet, ce qui fait un trou dans son budget mensuel de 674 $. Cela la force à réduire ses dépenses et à puiser dans ses petites économies, m’a-t-elle raconté. Ayant perdu son emploi pendant sept mois, elle a touché 14 000 $ de PCU.

Elle n’est évidemment pas la seule dans cette situation. « Les gens venaient nous voir pour nous dire qu’ils avaient un problème avec leur pension. Ils ne faisaient pas le lien avec la PCU », rapporte Sylvie Bonin.

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Pour compliquer l’affaire, il s’avère que la PCU avait une double personnalité. De fait, elle pouvait être versée par Service Canada ou par l’ARC. Et ça aussi, ça a créé une iniquité dont ont été victimes des aînés.

Car Ottawa accepte d’envoyer un formulaire à ceux qui avaient reçu leur PCU de Service Canada afin qu’un recalcul de leur SRG basé sur leurs revenus de 2021, plutôt que sur ceux de 2020, soit effectué. Les autres aînés — ceux qui recevaient la PCU de l’ARC — n’y ont pas droit.

Seul point en commun : les aînés doivent tout simplement deviner que ce formulaire existe ! Ce n’est pas sur le web qu’ils pourront le trouver, il n’y est pas. Même si vous entrez son numéro (ISP-3041) dans la bibliothèque de formulaires du gouvernement canadien, vous ne tomberez pas dessus. Il faut se présenter dans un bureau de Service Canada pour l’obtenir, ou appeler Service Canada.

Ottawa explique qu’il « filtre » ainsi les demandes afin que celles qu’on lui transmet soient « appropriées et bénéfiques pour les personnes âgées ».

Quoi qu’il en soit, tous les aînés lésés devraient pouvoir mettre la main dessus.

« Ça n’a aucun sens, les gens ne choisissaient pas de qui ils recevaient la PCU », s’indigne Sylvie Bonin.

Informée de l’existence de ce formulaire par l’ACEF de sa région, D. L. a pris le téléphone. « Ils m’ont dit que je n’y avais pas droit. » Après qu’elle eut contredit l’agente au service à la clientèle, on lui a promis qu’elle le recevrait par la poste. « Ne pas avoir été bien informée, je l’aurais crue ! », dénonce la dame. C’était il y a deux semaines. Elle attend encore.

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Ce n’est pas tout. Le temps de traitement des formulaires reçus est actuellement de 150 à 180 jours. « L’examen du formulaire et l’ajustement des prestations qui en résulte est un processus qui requiert une analyse avancée des sources de revenus », justifie une porte-parole d’Emploi et Développement social Canada.

Même si l’ajustement sera rétroactif, une réduction de prestation qui dure quelques mois, c’est très long pour une personne à faible revenu. Pour avoir droit au SRG, un célibataire ne peut gagner plus de 19 248 $ par année.

L’Union des consommateurs, la Coalition des associations de consommateurs et Option consommateurs, trois organisations qui représentent plus de 30 associations de consommateurs au Québec, souhaitent que tous les aînés lésés par la PCU reçoivent le formulaire ISP-3041 et que le délai de traitement soit accéléré.

Cette iniquité est d’autant plus déplorable qu’elle touche des personnes parmi les plus vulnérables de la société.

*La première version de ce texte indiquait à tord que certains aînés avaient obtenu une lettre d’Ottawa leur indiquant l’existence du formulaire ISP-3041, ce qui n’est pas le cas. Nos excuses.