On ne cessera jamais de découvrir des particularités étonnantes dans les contrats d’assurances auto et maison. En voici une en apparence anodine… jusqu’à ce qu’un bête accident froisse la portière d’un véhicule de 11 ans.

N’étant ni une habituée des collisions ni une experte des assurances auto, ma collègue Josée a récemment découvert avec indignation qu’un peu de tôle endommagée par autrui pouvait lui faire perdre sa voiture. Car non, les bris ne sont pas systématiquement réparés. La valeur du véhicule au moment de l’accident entre dans l’équation.

« Desjardins nous dit que non seulement ce ne sont pas les assurances du responsable qui vont payer, mais que les coûts de réparation sont trop élevés par rapport à la valeur de l’auto, qui est de 4500 $ », résume Josée. En conséquence, sa Kia Rondo a été déclarée perte totale… quelques jours après qu’elle eut fait un aller-retour Montréal-Sherbrooke déjà prévu dans l’agenda familial qu’il n’était pas question d’annuler.

Josée déplore cette décision pour des raisons tant financières qu’écologiques, puisque de toute évidence, l’état de la portière n’empêche pas le véhicule de rouler.

PHOTO FOURNIE PAR JOSÉE LAPOINTE

La Kia Rondo de Josée a été déclarée perte totale en raison de la tôle endommagée.

« Ils me donnent 3800 $ et reprennent la voiture. Ils ne veulent même pas qu’on paie le solde pour faire les réparations ! Ils me forcent littéralement à me débarrasser de mon auto, alors que les dommages sont essentiellement cosmétiques et que nous avons mis beaucoup d’argent sur son entretien depuis 10 ans, des milliers de dollars, ce qui ne les intéresse pas une miette », s’insurge la Montréalaise.

Le CAA et le Bureau d’assurances du Canada (BAC) lui ont confirmé que Desjardins était dans son droit, puisque c’est ainsi que sont rédigées les polices d’assurance.

Avec trois enfants à transporter, la famille ne pouvait attendre des lunes pour remplacer son véhicule. Le petit accrochage a donc entraîné une séance de magasinage imprévue et urgente à un bien mauvais moment. Car, comble de malchance, la pénurie a fait bondir le prix des modèles d’occasion ces derniers mois.

Inutile de dire que le nouvel achat a coûté beaucoup plus que 3800 $. Et qu’un emprunt sur quelques années, imprévu dans le budget familial, a été nécessaire.

Ce scénario est bien connu du grand patron de l’Association pour la protection des automobilistes (APA), George Iny. Ce sont surtout des personnes âgées qui roulent depuis une décennie en berline intermédiaire qui en font les frais, observe-t-il depuis longtemps. Leurs voitures ont peu roulé, elles ont été bien entretenues, ont souvent été entreposées l’hiver (dans le cas des snowbirds), mais ne valent en théorie qu’entre 3000 et 6000 $. Au moindre accrochage, l’assureur voudra les déclarer perte totale.

La valeur marchande étant déterminée par l’assureur, il est toujours possible de la contester aux petites créances si on la juge trop basse. Mais encore faut-il avoir l’énergie pour se lancer dans une telle procédure.

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Le grand principe des assurances auto, c’est qu’elles couvrent la valeur de l’auto, résume le BAC. Ainsi, une réparation de 5000 $ sera remboursée sur un véhicule qui en vaut 15 000 $, mais pas forcément sur celui qui se vendrait 4500 $. Même si c’est exactement la même somme qui sort des poches de l’assureur. « Ce n’est pas le montant des dommages qui importe, mais la comparaison entre ce montant et la valeur marchande du véhicule », explique la porte-parole du BAC, Pauline Triplet.

Celle-ci explique que cette norme de l’industrie est essentiellement justifiée par la sécurité routière. « Dès que les dommages touchent la structure du véhicule ou la technologie, la sécurité prévaudra toujours. L’assureur doit veiller à remettre sur la route un véhicule qui soit sécuritaire pour son assuré et pour les autres conducteurs. »

Puisque les dossiers de pertes totales « sont tous uniques », Mme Triplet suggère aux conducteurs de discuter avec leur assureur pour trouver un terrain d’entente et note que les cas de « dommages purement esthétiques seront sans doute plus sujets à négociation ».

Josée a-t-elle eu l’infortune de tomber sur un employé zélé ? On ne le saura jamais. Mais rien n’interdit à un assuré de payer une partie des réparations s’il tient à garder son véhicule, jure le BAC. On peut d’ailleurs choisir le garagiste soi-même si on pense obtenir une soumission plus basse.

Il existe une autre façon de conserver sa voiture, avance M. Iny, de l’APA : insister (très fort) pour faire respecter le paragraphe 2.2 de la police F.P.Q. N° 1. Celui-ci stipule que l’assureur doit remettre le véhicule accidenté dans son état d’origine si les coûts sont « raisonnables ». C’est très subjectif, donc pas gagné d’avance, mais ce critère devrait prendre en compte la très faible probabilité de trouver un équivalent dans le marché, juge M. Iny.

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Pour ce qui est du volet écologique de l’affaire, le BAC précise que les véhicules déclarés perte totale sont vendus par un réseau d’encanteurs et rachetés par des commerçants titulaires d’un permis. Certaines voitures réparables auront ainsi droit à une deuxième vie. D’autres seront vendues en pièces détachées.

En attribuant l’étiquette « perte totale » à un véhicule âgé, l’assureur se retrouve donc avec une facture moins élevée que celle du garagiste, en plus de profiter du fruit de la vente. Bref, d’un point de vue financier, c’est avantageux sur toute la ligne.

Ouvre l’œil, Josée, tu pourrais recroiser ta Kia Rondo 2010 pour un dernier adieu !

Consultez la police F.P.Q. No 1 (paragraphe 2.2 à la page 47)