Vous votez pour qui vous voulez, c’est votre droit le plus légitime.

Vous pouvez voter parce que le prix des aliments augmente, parce que le logement coûte cher, parce que vous avez perdu un emploi, parce que les finances publiques sont hors de contrôle, parce que vous voulez plus d’autonomie pour le Québec, parce que vous payez trop d’impôts, parce qu’il y a trop d’inégalités, parce que notre système de santé mérite mieux, parce que vous défendez la diversité, les femmes, les autochtones, la laïcité, la culture.

Tout ça peut se défendre.

Pour ma part, j’estime que l’enjeu qui est de loin le plus important, et qui supplante tout le reste, est l’environnement, et plus encore la lutte contre le réchauffement climatique. Surtout au gouvernement fédéral.

Malheureusement, l’environnement est toujours passé et passera toujours au second plan. Jeudi, à TVA, le réchauffement climatique n’a été abordé que brièvement après 95 minutes de débats, quand bien des téléspectateurs avaient déjà zappé. Et au diable les manifestants verts qui se démenaient à l’extérieur des studios de TVA, au diable le demi-million de jeunes manifestants en 2019 à Montréal.

Nous ne sommes plus en 1990, mais en 2021. Les scientifiques démontrent aujourd’hui que les températures extrêmes comme en Colombie-Britannique cet été (49,5 °C, 486 morts) sont concrètement liées aux émissions de gaz à effet de serre (GES), pas au hasard.

Consultez les études de la World Weather Attribution Initiative (en anglais)

Que nos inactions du dernier quart de siècle ont des impacts concrets. Que ce n’est qu’un début, que le réchauffement aura des conséquences « cataclysmiques ».

Lisez l’article « L’humanité à la veille de conséquences cataclysmiques »

Dans quelques années, notre léthargie climatique d’aujourd’hui se répercutera sur les finances publiques, les taxes, les flux migratoires, l’alimentation, la santé, les emplois, l’habitation, le désir d’avoir une famille et tout le reste. Bref, tous les aspects de nos vies qui nous font voter aujourd’hui.

Dans ces élections, deux seuls partis peuvent aspirer à prendre le pouvoir, et donc à agir concrètement sur cet enjeu crucial : les libéraux et les conservateurs. Et parmi ces deux partis, un seul prend l’environnement au sérieux, avec un plan crédible : le Parti libéral.

PHOTO CARLOS OSORIO, REUTERS

Justin Trudeau, chef du Parti libéral du Canada

Ce n’est pas seulement moi qui le pense. Vendredi, l’expert Mark Jaccard, de l’Université Simon Fraser, en Colombie-Britannique, a attribué un score de 5 sur 10 au plan vert des conservateurs pour sa sincérité et son honnêteté, contre 8 sur 10 pour celui des libéraux. Les deux autres partis nationaux – le Parti vert et le NPD – obtiennent 4 sur 10 et 2 sur 10 pour la vraisemblance de leur plan vert.

Lisez l’article « Assessing Climate Sincerity in the Canadian 2021 Election » (en anglais)

Les libéraux ont certes financé le pipeline Trans Mountain, en Alberta, mais les conservateurs promettent de faire avancer non pas un, mais deux projets d’oléoduc, soit Trans Mountain et Northern Gateway. Et ce, même si l’Agence internationale de l’énergie juge que les investissements dans les énergies fossiles doivent cesser immédiatement si l’on veut atteindre la cible de zéro émission nette de GES en 2050.

Les conservateurs aboliraient la « taxe carbone » des libéraux, qui doit grimper de 40 $ la tonne aujourd’hui à 170 $ en 2030. Ce genre de taxe est pourtant encensé par les plus grands économistes comme le meilleur moyen d’infléchir la production de GES sans tuer l’économie.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Erin O’Toole, chef du Parti conservateur du Canada

À la place, les bleus remplaceraient la taxe par un système de contribution des consommateurs allant de 20 $ à 50 $ la tonne, mais qui serait compensée par une récompense de valeur égale, versée dans une sorte de compte CELI.

Bien sûr, les conservateurs appuient le troisième lien à Québec, au grand plaisir des automobilistes de la région.

Enfin, ils réduiraient à 30 % les nouvelles cibles de diminution des émissions de GES exigées par l’accord de Paris pour 2030 – maintenant de 40-45 % au Canada –, alors que les États-Unis et l’Europe sont à 50 % et plus.

Le comportement parlementaire des bleus ces derniers mois démontre que leur plan environnemental n’est qu’un leurre, destiné à apaiser les verts modérés.

Ainsi, le printemps dernier, quand les libéraux ont présenté le projet de loi destiné à mettre de la viande autour de la cible de 40-45 % (loi C-12), les conservateurs ont fait de l’obstruction systématique pour en bloquer l’adoption.

La loi, finalement adoptée en juin, n’est pourtant pas très contraignante. Elle exige notamment un plan de réduction des émissions ainsi que des rapports d’étape, tous les deux ans, pour mesurer les progrès réalisés en vue de l’atteinte de la carboneutralité d’ici 2050. Or, si la cible d’étape n’est pas atteinte, la loi n’impose aucune conséquence. Rien. Nada.

Bref, c’est comme présenter un plan d’entraînement pour courir le marathon sans forcer le coureur à finir la course, ni même à y participer. Pour l’équipe d’Erin O’Toole, ce minimum est encore trop contraignant.

Selon les conservateurs, la protection de l’environnement est louable, mais elle ne doit causer aucun souci aux Canadiens, comme le disaient tous les politiciens il y a 30 ans, quand le réchauffement n’était qu’un lointain problème. Pas question de casser des œufs pour faire l’omelette.

« Nous allons lutter contre le changement climatique et protéger l’environnement, mais nous n’allons pas le faire au détriment des travailleurs canadiens », souligne d’ailleurs la première phrase du plan vert des conservateurs.

Dit autrement, le Parti conservateur n’est pas contre l’avortement, sauf s’il nuit au fœtus…