Le Québec recense quelque 28 000 fermes de tailles et de productions diverses. Si on assiste à l’émergence de nombreuses petites exploitations agricoles bios ou de proximité, la réalité économique est que ce sont moins de 30 % des fermes québécoises qui produisent près de 80 % des denrées que l’on retrouve en épicerie. On vous propose de découvrir quelques-unes de ces grandes entreprises agricoles intégrées et diversifiées du Québec.

(Saint-Ludger) Tout a commencé au début des années 1970, sur la terre familiale, lorsque Donald Lapierre a voulu aider son père à optimiser sa production de sirop d’érable. De façon successive, l’entrepreneur acéricole mettra au point un extracteur de sève mécanique, puis un concentrateur d’eau d’érable, avant de se mettre à fabriquer des évaporateurs pour cabane à sucre. Parallèlement à la création d’Équipements Lapierre, l’entrepreneur est aussi devenu le plus gros producteur de sirop d’érable certifié bio au Canada, avec ses 170 000 entailles, en Beauce et dans les Cantons-de-l’Est.

J’ai rencontré la famille Lapierre dans le cadre de ma série de chroniques sur le Québec agricole au tout début de l’été, mais j’ai décidé de retarder la publication parce que je voulais garder cette histoire de sirop d’érable pour le dessert, comme il se doit.

Le père de Donald Lapierre, donc, un producteur laitier de Saint-Ludger, a été l’un des premiers agriculteurs au Québec à utiliser un système de tubulures pour extraire l’eau d’érable au printemps, mais ça ne coulait pas comme le souhaitait Donald.

« J’étais un jeune professeur de mécanique automobile à Saint-Georges et j’ai décidé de connecter la tubulure à un extracteur à lait, mais ça ne donnait pas de bons résultats. J’ai finalement développé et fabriqué un extracteur mécanique en polymère beaucoup plus efficace. Certains producteurs de la région m’ont demandé de leur en fabriquer, tout est parti comme ça », relate Donald Lapierre, dans la cabane à sucre familiale à Saint-Ludger.

Depuis le milieu des années 1970, Équipements Lapierre a vendu des milliers de ces extracteurs, tous fabriqués dans l’un des bâtiments que le groupe industriel occupe au centre de la petite municipalité de Saint-Ludger et où travaillent aujourd’hui 165 personnes.

Après les extracteurs, Donald Lapierre s’est attaqué au développement et à la fabrication d’un concentrateur qui allait permettre d’aller chercher le maximum de sucre dans l’eau d’érable et de réduire considérablement la durée de l’opération d’évaporation.

Dans le temps, ça prenait 4 gallons d’huile pour évaporer l’eau et produire 1 litre de sirop d’érable. En concentrant l’eau d’érable, on peut maintenant produire 1 litre de sirop avec un cinquième de litre de mazout. C’est une solution beaucoup plus écologique qui réduit de façon importante la consommation d’énergie.

Donald Lapierre, au sujet du concentrateur d’Équipements Lapierre

Aujourd’hui, Équipements Lapierre propose une gamme complète de concentrateurs et d’extracteurs pour toutes les tailles d’érablières. Le groupe fabrique aussi les systèmes de tubes qui relient les entailles des arbres des érablières et vend pas moins de 40 millions de pieds de tubulures chaque année.

L’entreprise de Saint-Ludger est un important fournisseur pour les producteurs québécois, mais compte beaucoup de clients aux États-Unis, en Russie et même au Mexique !

« On vend de nos concentrateurs aux îles Canaries pour la production de sirop de palme, au Mexique pour l’aloès et même en Haïti pour le sucre de canne », m’explique Chantal Lapierre, directrice générale d’Équipements Lapierre.

Lapierre fabrique également des évaporateurs, ces immenses bassins où l’on fait bouillir l’eau d’érable, depuis qu’elle a racheté l’entreprise Waterloo Small, de Waterloo, en 2001.

« On est le leader dans la fabrication d’évaporateurs que l’on vend au Canada et aux États-Unis. On a une cinquantaine d’employés qui travaillent à notre usine de Waterloo », précise la directrice générale.

Du sirop à l’année

Toute cette activité industrielle qu’a développée le groupe Lapierre au fil des ans n’a pas mis entre parenthèses la production de sirop d’érable, qui reste au cœur de la mission de l’entreprise.

  • La famille Lapierre dans l’érablière de Saint-Ludger. Donald, Chantal, Anick et Carl Lapierre sont tous actifs dans l’entreprise.

    PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

    La famille Lapierre dans l’érablière de Saint-Ludger. Donald, Chantal, Anick et Carl Lapierre sont tous actifs dans l’entreprise.

  • La « cannerie », ou l’usine d’embouteillage, où l’on verse, bon an, mal an, quelque 170 000 litres de sirop dans des contenants de tailles diverses.

    PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

    La « cannerie », ou l’usine d’embouteillage, où l’on verse, bon an, mal an, quelque 170 000 litres de sirop dans des contenants de tailles diverses.

  • Donald Lapierre devant un des concentrateurs qu’il a conçus dans son usine de Saint-Ludger et qui permet de concentrer le sucre d’érable et de réduire considérablement le processus d’évaporation.

    PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

    Donald Lapierre devant un des concentrateurs qu’il a conçus dans son usine de Saint-Ludger et qui permet de concentrer le sucre d’érable et de réduire considérablement le processus d’évaporation.

  • Des employés s’activent à l’assemblage d’extracteurs à eau d’érable.

    PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

    Des employés s’activent à l’assemblage d’extracteurs à eau d’érable.

  • Les bouilloires Lapierre faites d’acier inoxydable à l’usine de Waterloo ont de quoi faire rougir les bouilloires de nos ancêtres.

    PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

    Les bouilloires Lapierre faites d’acier inoxydable à l’usine de Waterloo ont de quoi faire rougir les bouilloires de nos ancêtres.

1/5
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

Outre l’érablière familiale de Saint-Ludger, qui s’étend sur plus de 400 acres de forêt d’érables, et deux autres sites qui totalisent 300 acres dans des localités voisines, Donald Lapierre exploite depuis 1992 une immense forêt publique de 1200 acres à Milan, en Estrie.

« Au total, on a plus de 170 000 entailles et on produit autant de litres de sirop d’érable. On en produirait plus, mais on est soumis à des quotas. La totalité de notre production est vendue à l’exportation, principalement aux États-Unis, mais aussi en Australie, en Chine, en Russie et au Chili », souligne Donald Lapierre.

Sa fille Chantal précise que toute la production est mise en contenants sur le site familial de Saint-Ludger dans ce qu’on appelle la « cannerie », mais tout le sirop est en fait embouteillé dans de petites bouteilles en verre ou en plastique pour le marché de l’exportation.

Lors de notre passage à Saint-Ludger, au mois de juin, des employés s’affairaient sur la chaîne d’embouteillage alors que des barils de sirop conservés dans un entrepôt frigorifié attendaient patiemment leur tour.

Les activités de production de sirop occupent 25 personnes en haute saison, durant six mois, et 18 de façon permanente toute l’année pour pouvoir réaliser l’embouteillage et la distribution.

La cabane à sucre où l’on fabrique le sirop à l’érablière de Milan fait pour sa part 260 pieds de longueur. On est loin de la petite cabane familiale perchée en forêt.

« Je viens d’acheter une nouvelle terre de 400 acres à Milan, mais on n’a pas les quotas pour l’exploiter. On va attendre, mais on a encore du potentiel à exploiter », souligne Donald Lapierre.

La relève chez Équipements Lapierre est bien en place. Outre sa fille Chantal, qui agit comme directrice générale du groupe, Donald Lapierre est secondé par son fils Carl, qui est vice-président, et son autre fille Anick, directrice de l’usine de Saint-Ludger.