Des questions qu’on croyait réglées depuis des décennies refont parfois surface à la surprise générale. Cet été, le débat sur les heures d’ouverture a été ravivé pour toutes sortes de raisons. Et il s’avère que les consommateurs sont majoritairement favorables (71 %) à une fermeture des commerces non essentiels le dimanche, révèle un sondage effectué par La Presse auprès de ses lecteurs.

Il suffit parfois d’une étincelle. Et le feu prend !

En discutant de pénurie de main-d’œuvre avec le président de l’Association québécoise de la quincaillerie et des matériaux de construction (AQMAT), Richard Darveau, il a été question de la solution ultime de certains de ses membres : fermer le dimanche. Quand j’ai fouillé dans les archives de 1992, l’ironie de l’affaire m’a sauté au visage. À l’époque, l’un des principaux arguments pour l’ouverture les dimanches était… la création d’emplois. C’est ainsi que j’ai écrit une première chronique sur le sujet. Et une deuxième. On a alors découvert qu’il existait une réelle hétérogénéité au Québec en matière d’heures d’ouverture des commerces, et que celle-ci prenait de l’ampleur. Pas seulement du côté des quincailleries.

Des bouchers du Saguenay ont convenu de laisser la porte de leur commerce verrouillée le dimanche. Depuis juin, plus de la moitié des 42 Club Piscine de la province sont fermés le dimanche. J’ai reçu des messages d’épiciers qui rêvent d’un jour de repos par semaine. Des lettres ouvertes ont été publiées dans les médias, il y a eu des lignes ouvertes à la radio, et le Conseil québécois du commerce de détail (CQCD) sonde actuellement ses membres sur la question.

Le directeur des ressources humaines d’Équipements Brossard (location d’outils) a pour sa part écrit sur LinkedIn qu’il n’y avait pas de débat sur cette question chez son employeur. « Les dimanches, c’est en #famille. Nous voulons que nos employés puissent passer du temps avec leurs proches. C’est pourquoi nos succursales sont fermées. » Frédérik Mailloux ajoute : « Vous êtes à la recherche d’un nouveau défi qui vous offre un bon équilibre travail/famille ? Cela tombe bien, car nous avons des postes ouverts. »

Cela illustre bien un phénomène intéressant. Tandis que les entreprises s’efforcent d’offrir de meilleurs horaires pour faciliter le recrutement et la rétention de personnel, leurs clients se montrent disposés à ce que tous les commerces ne soient pas ouverts sept jours sur sept.

Bref, on rame davantage dans la même direction. Ce qui est de bon augure pour ceux qui rêvent de changements dans la société.

La pandémie y est forcément pour quelque chose. Elle nous a donné l’occasion de réfléchir à nos valeurs, elle nous a forcés à consommer différemment, à expérimenter la fermeture des commerces essentiels pendant des semaines et même à (re)composer avec des supermarchés inaccessibles le dimanche.

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À La Presse, on a voulu prendre le pouls de nos lecteurs sur ces questions avec un sondage en bonne et due forme. Parmi les 864 répondants qui affirment faire du magasinage (les autres ont été exclus des résultats), 70,9 % sont assez ou tout à fait favorables à la fermeture des commerces non essentiels le dimanche. La réduction des heures d’ouverture en semaine obtient des résultats similaires. Notez que notre échantillon n’est pas nécessairement représentatif de la population québécoise dans son ensemble.

Une majorité des personnes défavorables à la fermeture les dimanches (66,8 %) ont justifié leur position par le fait qu’elles ne planifiaient pas leurs achats et préféraient ainsi avoir la liberté de magasiner tous les jours.

En ce qui concerne les commerces essentiels comme les épiceries et les pharmacies, 30,5 % des répondants sont favorables à leur fermeture le dimanche. Une personne sur trois, ou presque, ce n’est quand même pas négligeable.

Évidemment, tous les types de magasins ne sont pas égaux. Si Québec forçait les commerces à fermer le dimanche, on ne voudrait pas que les pharmacies soient visées, comme vous pouvez le constater dans le prochain tableau.

La fermeture les dimanches est particulièrement populaire auprès des 65 ans et plus, avec un taux supérieur à 80 %. Le résultat le plus faible est obtenu chez les 35-54 ans, mais une majorité (63 %) y sont quand même favorables.

Malgré un engouement certain des consommateurs pour une réduction des heures d’ouverture, le ministre du Travail, Jean Boulet, ne semble pas avoir l’intention de bouger. « Moi, je préfère qu’on laisse le choix aux propriétaires de déterminer leurs heures d’affaires. C’est ce qui se fait actuellement de manière à répondre tant à leurs intérêts qu’à l’intérêt des consommateurs », a-t-il dit au Journal de Montréal.

Quoi qu’il en soit, des brindilles de réflexion s’enflamment un peu partout dans la province et provoquent des décisions d’affaires improbables il y a deux ans à peine.

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