Vous êtes sur le point de prendre votre retraite et vous faites votre budget en utilisant l’espérance de vie moyenne des Québécois, qui est de 81 ans pour les hommes et de 84,7 ans pour les femmes ? Si c’est le cas, vos décisions risquent d’être les mauvaises.

L’espérance de vie est un concept simple, mais parfois mal utilisé.

Une fois qu’on a atteint l’âge de la retraite, notre espérance de vie est déjà supérieure à la moyenne, puisque les morts précoces (accidents, maladies) tirent forcément la moyenne vers le bas.

En réalité, une retraitée de 65 ans a une chance sur deux de vivre jusqu’à 91 ans. Et un homme du même âge jouit d’une espérance de vie de 89 ans.

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Maude Leclerc, de l’Équipe Chartier, Grandmaison

Les professionnels des finances sont encore plus prudents lorsqu’ils font des calculs. « En projections, on utilise une probabilité à 25 % », précise la planificatrice financière Maude Leclerc, de l’Équipe Chartier, Grandmaison (Financière Banque Nationale). « Il y a 25 % des femmes qui vivent au-delà de 96 ans et 25 % des hommes qui vivre au-delà de 94 ans. »

Ces notions statistiques sont essentielles pour déterminer adéquatement quel est le meilleur moment, par exemple, pour réclamer sa rente du Régime de rentes du Québec (RRQ). Plus on attend, plus la somme mensuelle qui nous sera versée sera élevée. Mais le jeu en vaut-il la chandelle ? se demandent plusieurs cotisants.

« Je crois que 20 ans de prestations à compter de 60 ans valent mieux que 10 ans à compter de 70 ans. Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras », m’écrit Hughes R.

Pour sa part, Jean-Pierre M. voudrait savoir à partir de quel âge il devient avantageux d’avoir attendu jusqu’à 65 ans pour retirer sa rente, plutôt que d’y toucher dès 60 ans, compte tenu des « sommes d’argent significatives » qui seront puisées dans ses épargnes dans l’intervalle.

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François Chartier, conseiller en gestion de patrimoine et gestionnaire de portefeuille chez Équipe Chartier, Grandmaison

De façon générale, c’est plus avantageux et parfois très avantageux de reporter le début des prestations. Surtout que des centenaires, il va y en avoir de plus en plus.

François Chartier, conseiller en gestion de patrimoine et gestionnaire de portefeuille chez Équipe Chartier, Grandmaison (FBN)

D’ailleurs, il est clairement indiqué dans l’analyse actuarielle du RRQ que les coûts du programme augmentent quand les rentiers optent pour le report, ajoute l’expert.

Voici trois scénarios qui illustrent bien à quel moment dans la vie il devient plus payant d’attendre cinq ans. Le point de bascule peut sembler tard, surtout dans le troisième graphique, mais il faut garder en tête que 50 % de ceux qui tombent à la retraite vont vivre jusqu’à 90 ans environ. Et que 25 % des femmes vont vivre jusqu’à 96 ans !

  • RRQ à 65 ans plutôt qu’à 60 ans

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    RRQ à 65 ans plutôt qu’à 60 ans

  • RRQ à 70 ans plutôt qu’à 65 ans

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    RRQ à 70 ans plutôt qu’à 65 ans

  • RRQ à 70 ans plutôt qu’à 60 ans

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    RRQ à 70 ans plutôt qu’à 60 ans

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« Le plus grand risque qui nous guette, ce n’est pas celui des cycles financiers avec des périodes baissières. C’est le risque de survivre à ses investissements ! », fait valoir Maude Leclerc. Alors mieux vaut, plaide-t-elle, augmenter sa proportion de revenus provenant d’« une rente garantie et indexée » comme celles du RRQ et d’Ottawa (pension de la Sécurité de la vieillesse).

Bien sûr, il faut avoir les moyens d’attendre, me direz-vous. Avoir l’épargne nécessaire pour vivre sans sa rente du RRQ est effectivement une condition sine qua non. Si c’est votre cas, et que vous n’avez pas de diagnostic médical vous laissant croire que la fin est proche, le report est plus payant. C’est statistiquement prouvé.

Il y a les calculs mathématiques, et la vraie vie. Pleine d’émotions et de croyances.

Maude Leclerc et François Chartier ont rencontré des personnes qui tiennent à profiter au plus vite du fruit de leurs cotisations. D’autres clients veulent leur part de la cagnotte du RRQ avant qu’elle ne se vide. Une préoccupation qui n’est pas justifiée : la plus récente évaluation actuarielle conclut que les entrées de fonds seront suffisantes pour financer les sorties pendant les 50 prochaines années sans qu’il soit nécessaire de puiser dans la réserve de 73 milliards de dollars.

Certains retraités affirment vouloir « penser à eux » et prendre tous les chèques qui leur sont offerts. « Même si ça peut paraître contre-intuitif, le choix égoïste est d’opter pour le report, pas le contraire ! », affirme François Chartier. Pourquoi ? Parce que le retraité peut seulement gagner plus d’argent en étant patient. Seuls ses héritiers pourront déplorer une rente réclamée tardivement (à 70 ans par exemple) en cas de décès précoce.

De fait, si le décès se produit à 95 ans, par exemple, notre rentier aura touché une rente bonifiée pendant 25 ans. Et s’il meurt tôt, disons à 74 ans, c’est vrai qu’il aura puisé « inutilement » dans ses épargnes de 65 à 70 ans pour vivre. Mais seuls les héritiers pourront s’en plaindre.

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Quelques mots, maintenant, sur l’ampleur de cette fameuse bonification offerte par le RRQ.

Certaines pages sur son site parlent d’un « boni » de 48 %, exemple à l’appui, lorsqu’on réclame la rente à 70 ans plutôt qu’à 65 ans. D’autres pages font plutôt état d’« un maximum de 42 % à 70 ans ». Ce n’est vraiment pas facile de s’y retrouver, comme me l’a fait remarquer un lecteur curieux qui a fouillé le site de Retraite Québec. « Je déplore vivement le manque de clarté dans les exemples fournis par le RRQ et la confusion dans les données », m’écrit Gilles B.

  • Tableau fourni par Retraite Québec

    IMAGE TIRÉE DU SITE DE RETRAITE QUÉBEC

    Tableau fourni par Retraite Québec

  • Tableau fourni par Retraite Québec

    IMAGE TIRÉE DU SITE DE RETRAITE QUÉBEC

    Tableau fourni par Retraite Québec

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Quel pourcentage est le bon ? Les Québécois peuvent-ils véritablement espérer la bonification de 48 % qu’on leur fait miroiter ? Réponse de l’actuaire en chef du RRQ, Jean-François Therrien : « Il n’y a pas d’erreur, le 42 % tient uniquement compte du facteur d’ajustement du régime [prime de 0,7 % pour chaque mois écoulé depuis votre 65anniversaire] tandis que le 48 % tient aussi compte de la hausse salariale et de l’inflation. »

En fonction de la moyenne des salaires au pays, le RRQ ajuste annuellement le salaire (gain) maximal admissible. Ainsi, on pourrait même obtenir davantage que 48 % de « prime » et c’est « rarement moins de 35 % », selon M. Therrien. Une fois la rente demandée, elle n’est indexée qu’en fonction de l’inflation.

On ne connaît pas d’avance les salaires futurs, mais il est possible de faire des simulations sur le site de Retraite Québec. Et un planificateur financier pourra vous éclairer sur votre propre situation.