Les poules n’ont jamais été aussi nombreuses à picorer et à pondre sur des terrains privés en pleine ville.

D’ailleurs, la liste des municipalités où les poules urbaines sont permises ne cesse de s’allonger. Saint-Hyacinthe s’y est ajouté en avril, Lévis suivra en août. Saint-Eustache a promis au printemps de légiférer rapidement.

Tandis qu’une quarantaine de groupes militent pour que leur ville autorise la garde de quelques poules urbaines, une soixantaine de villes du Québec le permettent déjà. Bref, la popularité de ce nouveau phénomène est sans équivoque.

« Des poules, il s’en vend des centaines de milliers par année qui sont vaccinées et prêtes à pondre », rapporte Louise Arbour, fondatrice de Poules en Ville. Son entreprise vend des poulaillers, éduque les consommateurs et accompagne les citoyens qui veulent faire légaliser la garde de poules. Personne ne sait exactement combien de Québécois possèdent un poulailler dans leur cour arrière. Mais « on sait que c’est beaucoup », dit l’experte.

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Louise Arbour, fondatrice de Poules en Ville

Le poulailler de base de Poules en Ville est vendu 5450 $. Mais la facture peut grimper à 8000 $ pour les modèles plus sophistiqués. C’est beaucoup plus qu’un simple cabanon ! L’installation doit être adaptée aux besoins des poules, répondre à certaines exigences en matière de biosécurité et être munie d’un système de chauffage.

D’autres préfèrent évidemment construire ou acheter pour quelques centaines de dollars un abri rudimentaire pour l’été et retourner leurs oiseaux à la ferme avant l’hiver.

Josée, qui s’est acheté l’an dernier trois belles poules et tout ce qu’il faut pour leur bonheur, se demande si elle devrait prévenir son assureur. Elle craint d’« ouvrir une boîte de Pandore » si elle s’exécute, tout en étant consciente qu’il vaudrait mieux que ses biens (maison et poulailler) soient protégés. « Je risque de devoir changer d’assureur si l’augmentation [de ma prime] est exorbitante ou si, ultimement, il refuse de nous assurer », m’écrit-elle.

« J’ai lu dans un groupe Facebook que certains assureurs refusaient d’assurer les poulaillers urbains même si c’est autorisé par la municipalité… Y a-t-il des règles de base ou chaque assureur fait ses lois ? demande-t-elle. Comme c’est très populaire en ce moment, j’imagine qu’ils sont plus conciliants. »

Au Bureau d’assurance du Canada (BAC), on rappelle que la règle est claire : les consommateurs ont l’obligation de divulguer à leur assureur toute information susceptible d’influencer le risque. Et un poulailler, indique la porte-parole Anne Morin, « est clairement un ajout à une habitation qui va influer sur le risque ».

À défaut d’avoir été transparent avec son assureur, un client pourrait ne pas être indemnisé ou l’être partiellement en cas de sinistre provoqué par le système électrique du poulailler, par exemple.

La poule, comme le pitbull

Ce qu’on oublie souvent, c’est que notre police habitation couvre aussi notre responsabilité civile. C’est pourquoi les animaux doivent être déclarés aux assureurs.

D’ailleurs, certaines entreprises refusent carrément d’assurer un client possédant un chien considéré comme dangereux.

Les risques avec une poule sont moindres qu’avec un pitbull, mais pas nuls. « Si une poule blesse un enfant ou s’échappe de son enclos et cause la chute d’un cycliste dans la rue, advenant une poursuite, notre assuré serait couvert », précise la porte-parole de Desjardins, Valérie Lamarre.

« La préoccupation principale de l’assureur est de savoir si c’est pour un usage commercial ou personnel. Il veut savoir si des œufs seront vendus », observe pour sa part Maxime Poulin, vice-président directeur et associé du cabinet de courtage Ostiguy & Gendron. Une fois cette question réglée, il n’y a aucun enjeu, assure-t-il.

Quant à la poule elle-même, elle sera assurée comme tout autre animal le serait en cas de sinistre (incendie, tornade, vol). C’est un peu curieux, mais les animaux sont considérés comme des « biens meubles » assujettis à une couverture maximale comme les bijoux et les caves à vin, donne en exemple Mme Morin, du BAC. Aucun risque de dépasser ce montant : une poule coûte normalement entre 15 et 25 $.

Par ailleurs, des propriétaires de poules urbaines pourraient être réticents à contacter leur assureur parce que leur municipalité n’en autorise pas la garde. « À Laval, il y a des milliers et des milliers de poulaillers, mais ce n’est pas permis. Alors tout ça est clandestin », observe Louise Arbour. Il faut quand même prendre le téléphone, insiste le BAC, en jurant que « les assureurs ne sont pas là pour faire de la délation ».

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Poule pondeuse de Louise Arbour

Le prix, maintenant. Combien coûte l’assurance poules et poulailler ? Généralement pas un sou, m’ont dit Desjardins, La Capitale et trois courtiers. Et cela, peu importe la valeur de l’installation. Le raccordement ou non au réseau électrique n’a pas davantage d’impact. Cette « dépendance », dans le jargon des assureurs, est tout simplement couverte dans les contrats de base en habitation, comme le sont les cabanons.

Bonne nouvelle pour Josée et les autres aviculteurs urbains, donc, y’a pas de quoi se faire du sang de cochon.