La dégradation majeure de nos finances publiques est l’une des questions qui préoccupent grandement les économistes. Combien de temps faudra-t-il pour les ramener au niveau prépandémique ? se demandent-ils.

Cette réponse, elle se trouve en quelque sorte dans un rapport rendu public la semaine dernière, qui a trouvé peu d’échos dans les médias. Il a été produit par le Directeur parlementaire du budget (DPB), à Ottawa, dont l’équipe multiplie les analyses financières intéressantes.

Le DPB fait une projection des finances publiques des provinces et du fédéral sur 75 ans. Vous me direz que de telles projections sont peu réalistes tellement les choses peuvent changer d’ici là et vous aurez raison. Tout de même, l’exercice nous permet de voir comment les plans actuels de nos gouvernements se traduiraient dans l’avenir compte tenu de certains paramètres comme la démographie, la productivité et les taux d’intérêt.

Les résultats sont très réjouissants pour le Québec, pas mal moins pour le fédéral et le reste du Canada. Ainsi, selon le DPB, il faudra 4 ans au Québec pour se remettre de la pandémie, 11 ans à l’Ontario et 48 ans au gouvernement fédéral, rien de moins.

Pire encore : au rythme où vont les choses, l’endettement de l’Alberta empirera sans cesse au point de devenir intenable. La situation financière de la Colombie-Britannique, sans être aussi dramatique, n’est pas viable à long terme, comme celles de 7 des 10 provinces. Ouch !

Essentiellement, le DPB mesure l’effet des plans budgétaires de nos gouvernements sur leur dette nette, exprimée en pourcentage de leur PIB. Des déficits se traduisent évidemment par une croissance de la dette, tandis que des surplus budgétaires viennent la diminuer.

Premier volet : le fédéral. Pour garder l’économie canadienne à flot, la pandémie a incité la ministre Chrystia Freeland à faire un déficit historique de 314 milliards pour l’année 2020-2021. Les gestes du fédéral ont fait passer sa dette nette de 27 % du PIB en 2019 à 41,5 % du PIB en 2021, selon les données du DPB1.

Selon l’organisme, cette dette nette restera autour de 40 % du PIB pendant de nombreuses années, avant de finalement revenir progressivement à 27 % du PIB, en 2068. Il faudrait donc 48 ans pour digérer les effets financiers de la COVID-19 au fédéral. Un demi-siècle.

Sur l’ensemble des provinces, seules trois ont une situation financière jugée viable à long terme, soit la Nouvelle-Écosse, l’Ontario, mais surtout le Québec.

Ainsi, après le sommet de 2020, à 43,8 % du PIB, la dette nette du Québec diminuerait constamment au fil des années. Elle passerait même sous le niveau albertain – qui sera en hausse constante – dès 2029. Au rythme où vont les choses, le Québec aurait même la plus petite dette nette de l’ensemble des provinces en 2047, avant qu’elle disparaisse totalement en 2060, selon le DPB. Toute une révolution en 40 ans !

Cela dit, pour bien comprendre l’étude, il faut expliquer comment le DPB arrive à de tels chiffres. Et faire part de ses limites, outre celle liée à la grande incertitude des projections à long terme.

D’abord, l’analyse du DPB englobe pour chaque province non seulement les finances du gouvernement, mais aussi celles des administrations locales, comme les municipalités. Cette inclusion est justifiée par le fait que le partage de responsabilités entre les gouvernements et les municipalités varie selon les provinces.

Deuxièmement, le DPB ne joue pas avec les paramètres financiers fixés par les gouvernements. Pour l’Alberta, par exemple, le DPB conclut que la dette augmentera sans cesse, mais c’est dans un contexte où les impôts demeureraient beaucoup plus bas qu’ailleurs, et donc que le gouvernement ne comblerait pas ses déficits par une hausse de ses recettes.

Troisièmement, le DPB tient compte des effets dynamiques des finances publiques sur l’économie seulement pour les cinq premières années, et pas par la suite. Dit autrement, une province qui s’endetterait sans cesse devrait réduire ses dépenses à long terme et donc les salaires de ses employés, ce qui aurait un effet sur le marché immobilier.

Un tel impact diminuerait éventuellement la capacité fiscale d’un gouvernement. Et qui dit recul de la capacité fiscale dit augmentation éventuelle des versements de péréquation venant du fédéral. Cet aspect complexe n’est pas pris en compte à long terme.

Quatrièmement, l’analyse du DPB fait l’hypothèse que les dépenses de santé, pour le Québec, augmenteraient de 3,8 % par année à long terme. Or, ces dépenses de santé – très imposantes dans le budget – ont crû à un rythme plus rapide ces dernières années (environ 5 %). À long terme, une telle croissance rendrait les projections bien moins favorables.

La Chaire en fiscalité et en finances publiques (CFFP) de l’Université de Sherbrooke a aussi fait des projections pour le Québec, sans inclure les municipalités. Et elle conclut que nos finances publiques ne sont pas soutenables à long terme sans changement de politiques.

Pour le Québec, le défi est essentiellement d’ici 2041, selon le CFFP. La situation deviendrait soutenable pour les 20 années suivantes, dans le contexte d’un changement de la pyramide démographique, avec le décès des nombreux boomers.

Malgré ces observations, les projections du DPB ont l’avantage de pouvoir comparer la situation des provinces entre elles, ainsi que celle du fédéral. Et à cet égard, les finances publiques du Québec sont, de très loin, en meilleure posture à très long terme que celles des autres provinces.

Le DPB conclut d’ailleurs que si l’on analyse les gouvernements canadiens pris ensemble (fédéral, provincial et municipalités), la situation à long terme n’est pas viable. Il faudra donc donner un coup de barre, notamment dans les provinces pétrolières de l’Alberta, de la Saskatchewan et de Terre-Neuve-et-Labrador, ainsi qu’au Manitoba.

Consultez le site du Directeur parlementaire du budget

1. Dans son rapport, le DPB exclut du calcul de la dette nette, entre autres, les obligations du gouvernement fédéral au titre du régime de retraite des employés du secteur public, ainsi que les obligations pour les avantages sociaux futurs. Ces exclusions expliquent en partie la différence avec les estimations du ministère fédéral des Finances (49 % du PIB en 2021).

Précision sur les médecins d’urgence

Dans ma chronique du lundi 5 juillet, je m’interrogeais sur la faible proportion de médecins d’urgence parmi les médecins spécialistes du Québec, en comparaison avec le reste du Canada.

Mes chiffres sont exacts pour les médecins spécialistes (136 médecins d’urgence en équivalent temps plein). Et bien que j’aie indiqué que le dénombrement des médecins d’urgence était sous-estimé du fait de la participation des omnipraticiens à la médecine d’urgence, j’aurais dû être plus précis.

À cet égard, la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) m’indique que plus de 2400 omnipraticiens (médecins de famille) pratiquent aux urgences au Québec, dont le tiers à temps plein. La FMOQ n’a pas de chiffre sur le nombre d’omnipraticiens qui pratiquent aux urgences dans le reste du Canada.

Fait à noter, les omnipraticiens qui font de la médecine d’urgence ne peuvent porter le titre d’urgentologue, réservé aux spécialistes.