Un nouveau chapitre est en train de s’écrire au sujet de ces entreprises qui offrent des Régimes enregistrés d’épargne-études (REEE) collectifs. Et encore une fois, elles n’ont pas le beau rôle dans l’histoire.

La Cour supérieure du Québec a autorisé une action collective contre six distributeurs et leurs fondations, ai-je appris. L’action porte essentiellement sur les frais d’adhésion (parfois appelés de souscription) jugés « illégaux » ou « abusifs ». En réalité, ces frais sont des commissions versées aux vendeurs.

La plus connue des organisations visées est Kaleido, qui s’appelait Universitas jusqu’à l’automne 2019. Les autres sont : Consultants CST (Fondation fiduciaire canadienne de bourses d’études), La Première financière du savoir, le Fonds d’éducation Héritage, le Fonds d’études pour les enfants et la Corporation REEE Global.

L’avocat Joey Zukran, du cabinet montréalais LPC Avocat, allègue que leurs frais ne respectent pas le Règlement C-15 sur les conditions préalables à l’acceptation du prospectus des fondations de bourses d’études, en étant supérieurs à 200 $ par plan (par enfant, en essence). Les 200 $ sont plutôt facturés par « unité » (j’y reviendrai).

Les entreprises visées plaident notamment que la règle C-15 a été « remplacée » par d’autres règlements, nous apprend la décision du juge Martin F. Sheehan.

Joey Zukran souhaite le remboursement de tous les frais payés au-delà de 200 $.

PHOTO PATRICK SANFAÇON ARCHIVES LA PRESSE

MJoey Zukran, du cabinet LPC Avocat

Tout résidant du Québec qui a signé un contrat avec l’une des six entreprises visées depuis le 19 juillet 2013 et qui a payé ces frais pourrait être dédommagé si LPC Avocat a gain de cause. Les clients qui ont annulé leur REEE depuis cette date et perdu plus de 20 % de leurs cotisations en raison des frais en font également partie.

Si c’est votre cas, aucune action n’est requise de votre part ; vous faites automatiquement partie de l’action collective.

Vous pouvez toutefois vous inscrire sur le site de LPC Avocat afin d’être tenu informé des faits nouveaux concernant le dossier. Pour le moment, la plupart des documents sont en anglais, mais leur traduction est en cours, m’assure-t-on.

Consultez le site de LPC pour plus d’information

* * *

Pour comprendre l’affaire, le fonctionnement complexe des REEE collectifs basé sur un système d’unités doit nous être familier.

En gros, les parents qui choisissent ce type de REEE achètent des unités d’un fonds qui sera éventuellement partagé entre les enfants qui poursuivent des études postsecondaires. Le prix des unités varie en fonction de l’âge de l’enfant. Plus il est vieux, plus c’est cher.

Le hic, c’est que chacune de ces unités est assortie de frais d’adhésion de 200 $. Et au départ, 100 % des cotisations versées servent à les payer. Après un certain temps, la proportion tombe à 50 %, puis à zéro quand la facture est acquittée.

Si les parents cessent leurs contributions ou transfèrent leur argent ailleurs, les frais sont perdus.

C’est arrivé à Quin Wang, le requérant de l’action collective. Il a investi 5000 $ par année dans le REEE de chacun de ses deux enfants souscrit chez CST. Au bout de deux ans, il a transféré son argent à la Banque CIBC. Or, il n’a récupéré que 9500 $ sur 20 000 $.

Prenons maintenant l’exemple de parents qui veulent profiter des subventions maximales offertes par le gouvernement et qui s’engagent donc à verser 2500 $ par année dans le REEE de leur enfant dès sa naissance. Chez Kaleido, cela leur donnera droit à 19,84 unités… assorties de 200 $ chacune en frais d’adhésion.

Autrement dit, le couple se retrouve en partant avec une dette de près de 4000 $ à rembourser, illustre MZukran.

Chez Kaleido, on affirme ne rien faire « d’illégal ». « Kaleido respecte tout le cadre réglementaire imposé et les choix ont toujours été clairement spécifiés dans le prospectus qui est visé par l’Autorité des marchés financiers », m’a dit le conseiller en marketing de la marque Patrick Pedneault.

Du côté de C. S. T. Consultants, une firme de relations publiques m’a transmis une citation de Claude Gauthier, directeur de succursale à Montréal. « Notre entreprise adhère aux normes réglementaires et éthiques les plus rigoureuses, soutenues par une gouvernance d’entreprise et une surveillance financière solides […]. Nous espérons pouvoir répondre à ces accusations non fondées. »

* * *

Ce n’est pas la première fois que Kaleido et d’autres fournisseurs de REEE sont sur la sellette.

En 2018, la façon de distribuer l’argent de Kaleido avait été modifiée à la suite d’un vote, et ce, rétroactivement. L’affaire a fait grand bruit. L’Autorité des marchés financiers (AMF) l’a forcée à atténuer les effets de la réforme sur les perdants. L’entreprise a débloqué 1,5 million. Un juge a déterminé des règles de distribution qui n’ont pas fait que des heureux.

Un peu partout au Canada, des reportages ont fait état de la frustration et de la déception de parents qui épargnaient au moyen d’un REEE collectif. Et ce, depuis longtemps.

Dès 2004, la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario avait énuméré dans un rapport de nombreux exemples de fausses déclarations de la part de vendeurs, de tactiques de vente sous pression et de « calculs créatifs » dans certains documents de marketing d’entreprise de REEE collectifs.

Les Affaires a pour sa part maintes fois dénoncé les frais de souscription.

Le Toronto Star, Global News et la CBC ont fait de même. Au fil des ans, leurs reportages ont mis en scène des parents sous le choc de découvrir qu’une partie ou l’entièreté de leur épargne avait disparu.

Une histoire à suivre.

Lisez la chronique de Stéphanie Grammond « Ça brasse chez Universitas » Lisez le texte « Le dernier tour de passe-passe d’Universitas », sur le site des Affaires