(Ottawa) Le ministre du Logement, Sean Fraser, exhorte les provinces à mettre de côté les querelles de compétences pour s’attaquer « avec ambition » à la crise du logement. La vitalité économique de l’ensemble des régions du pays en dépend, soutient M. Fraser, qui vient de dévoiler un plan ambitieux visant à accélérer la construction de logements.

Dans une entrevue accordée à La Presse, M. Fraser a souligné que la crise du logement non seulement a de graves conséquences pour les Canadiens qui n’arrivent pas à se loger, mais nuit aussi de plus en plus à la capacité des entreprises établies dans les villes, grandes et petites, à attirer et à retenir la main-d’œuvre qualifiée.

D’où l’importance, selon lui, de voir Ottawa, les provinces et les municipalités travailler de manière concertée pour venir à bout de cette crise qui a créé « un déficit d’espoir » parmi les milléniaux et la génération Z, a-t-il insisté.

« La crise du logement nous frappe sur plusieurs fronts. Cela a un impact évident sur les gens. […] Mais cela a aussi un impact sur les communautés. Ça crée une sorte de goulot d’étranglement qui diminue collectivement notre production économique et notre productivité. Il y a d’autres facteurs qui expliquent nos problèmes de productivité. Mais la crise du logement met certainement un visage sur ce problème », a exposé le ministre Fraser.

Il a souligné que le Canada dispose de nombreux atouts – des ressources naturelles abondantes, un réseau de production d’électricité le plus vert au monde, des ententes de libre-échange avec tous les pays du G7 et une main-d’œuvre très éduquée – qui lui offrent un potentiel de croissance économique énorme.

Mais quand une personne talentueuse ne déménage pas dans une ville, c’est du talent perdu et notre économie en souffre. Et quand des gens paient une portion disproportionnée de leurs revenus pour se loger, ils ne peuvent pas soutenir autant les entreprises locales. Il y a certainement un effet d’entraînement.

Sean Fraser, ministre de l’Habitation

« Il y a des gens qui décident de ne pas relever un défi d’emploi non pas à cause de la qualité de cet emploi, mais à cause des coûts du loyer trop élevé dans une ville. Il y a des jeunes qui non seulement doivent oublier leur rêve d’acheter leur première maison où ils pourraient élever leur famille, mais se demandent s’ils vont pouvoir garder l’appartement qu’ils ont aujourd’hui », a-t-il aussi déploré.

Des milliards en investissements

Le gouvernement Trudeau a démontré sa bonne foi en mettant sur la table des milliards de dollars en investissements. Les provinces, selon lui, doivent en faire autant en acceptant de faire les choses autrement.

La crise du logement sera l’un des principaux thèmes du budget fédéral que déposera aujourd’hui la ministre des Finances Chrystia Freeland. Geste sans précédent, le premier ministre Justin Trudeau et certains de ses ministres ont sillonné le pays afin d’annoncer au compte-gouttes certaines des mesures qui se retrouveront dans le budget fédéral.

Vendredi dernier, M. Trudeau et le ministre Fraser ont dévoilé un plan visant à construire plus de logements plus rapidement. En vertu de ce plan, Ottawa prévoit la construction de 3,87 millions de nouveaux logements d’ici 2031, soit 2 millions de logements de plus que les prévisions de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL).

Certaines des mesures proposées, notamment le Fonds canadien pour les infrastructures liées au logement qui est doté d’une enveloppe de 6 milliards de dollars, ont fait tiquer les provinces parce qu’Ottawa impose des conditions. Le Québec a dénoncé un nouvel empiétement dans les compétences des provinces et a réclamé un droit de retrait avec pleine compensation financière.

D’autres provinces ont aussi exprimé leur mécontentement, notamment l’Ontario, l’Alberta et le Nouveau-Brunswick. En Alberta, on compte s’inspirer du Québec en adoptant une loi qui interdira aux municipalités de conclure des ententes de financement directement avec le gouvernement provincial.

« Il est clair qu’il faut travailler avec nos partenaires provinciaux si nous voulons maximiser nos chances de relever ce défi avec succès. Le gouvernement fédéral peut faire preuve de leadership. On peut contrôler certaines choses qui sont dans nos compétences. Le gouvernement fédéral peut donner des incitatifs en mettant de l’argent sur la table pour les provinces et les territoires. Mais nous avons besoin de partenaires à la table », a convenu le ministre Fraser.

« Nous traversons une crise du logement. Et nous devons être à la hauteur de ce qui est requis pour s’attaquer à cette crise. L’heure n’est certainement pas aux demi-mesures. Tout le monde doit ramer dans la même direction. On ne peut pas se satisfaire de faire un peu de progrès. Nous devons exiger de tout le monde de s’atteler à la tâche pour venir à bout de cette crise », a-t-il aussi fait valoir.