(Ottawa) Le logement s’annonçait comme l’un des thèmes principaux du budget, et c’est le cas : le mot y apparaît 564 fois. Malgré l’effeuillage prébudgétaire, de nouvelles pierres viennent s’ajouter à l’édifice que les libéraux avaient commencé à bâtir. Retour sur les « vieilles » annonces et tour du locataire (propriétaire ? ) de certaines mesures clés.

Une pluie de milliards

On dénombre dans le budget 23 programmes, pour des investissements totalisant 8,5 milliards sur cinq ans. Plusieurs d’entre eux nécessitent des ententes avec les provinces et les territoires, ce qui laisse présager un « certain chaos » dans la mise en œuvre des intentions fédérales, croit Robert Asselin, ancien proche conseiller de l’ancien ministre des Finances Bill Morneau. D’ici 2031, le gouvernement espère rendre disponibles 3,87 millions de nouveaux logements, dont 250 000 sur des terrains publics. On mise sur un mélange de programmes de prêts à faible taux et d’investissements directs. L’attention accordée à l’enjeu du logement a été saluée par divers groupes, dont l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ).

Mesures pour jeunes et locataires

Là encore, c’est du réchauffé, mais pour mémoire : Ottawa veut aider les locataires qui paient leur loyer à temps à renforcer leur cote de crédit – banques et autres institutions devront développer des outils d’historique de paiement –, créer une charte canadienne des droits des locataires et mettre en place une série de mesures pour faciliter l’accès à une première propriété. Parmi celles-ci figurent le rehaussement du plafond du Régime d’accession à la propriété (RAP) de 35 000 $ à 60 000 $, et l’autorisation d’une période d’amortissement de 30 ans pour les acheteurs d’une propriété nouvellement construite. « Nous sommes arrivés à un moment charnière pour les milléniaux et la génération Z », a plaidé la ministre des Finances, Chrystia Freeland, dans son discours du budget.

Terrains postaux, militaires et bureaux fédéraux

Construire des logements au-dessus de succursales existantes de Postes Canada. Abriter des civils sur d’anciens terrains de la Défense nationale. Convertir des édifices à bureaux fédéraux sous-utilisés en logements. Des propriétés de Postes Canada ont été identifiées à l’échelle du pays, 14 installations militaires excédentaires cédées pour la construction domiciliaire, et quelque 3 millions de mètres carrés de locaux à bureaux, à convertir en logement. Le gouvernement fédéral, principal propriétaire foncier au pays, réorganise le portefeuille dont il dispose pour favoriser la construction de logements. Il faudra voir si on y verra fleurir des maisons du catalogue inspiré de l’initiative d’après-guerre, que le ministre du Logement Sean Fraser espère feuilleter d’ici la fin de l’année.

Plus de logements dans les garages et les sous-sols

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Le fédéral veut encourager la construction de logements accessoires dans les maisons unifamiliales.

De nombreuses municipalités ont préparé le terrain en modifiant leur zonage afin de faciliter l’ajout de logements accessoires aux maisons unifamiliales, et le fédéral veut leur emboîter le pas. Le gouvernement propose dans son budget de verser environ 410 millions sur quatre ans à la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) en vue de la création d’un programme national de prêt pour la construction d’un logement dans un sous-sol ou un garage inutilisé. Les propriétaires auraient ainsi accès à 40 000 $ en prêts à faible intérêt. Décollage prévu : 2025-2026.

Taxe fédérale sur les terrains vacants ?

Après avoir imposé une taxe sur les logements vacants ou sous-utilisés de 1 %, surtout pour les propriétaires étrangers, entrée en vigueur en 2022, le fédéral envisage l’ajout d’une taxe sur les terrains vacants. Ottawa veut réduire le risque que des propriétaires fonciers gardent en réserve des terrains en espérant profiter d’une hausse de leur valeur. « Les terrains vacants doivent être utilisés, idéalement pour construire des logements », lit-on dans le budget. Des consultations doivent être lancées plus tard cette année.

Demandeurs d’asile : 1,1 milliard

Québec réclame 1 milliard pour les frais liés à l’accueil des demandeurs d’asile. Ottawa propose 1,1 milliard sur trois ans à compter de 2024-2025, pour la portion touchant le logement. Et ce, « même s’il incombe aux provinces et aux municipalités de leur fournir un endroit sécuritaire où se loger », lit-on dans le budget Freeland. L’argent permettrait de prolonger le Programme d’aide au logement provisoire, et le financement, pour 2026-2027, « sera conditionnel à des investissements provinciaux et municipaux dans des solutions permanentes de logement de transition pour les personnes qui demandent l’asile », précise-t-on dans l’exercice financier.

Campements d’itinérants

La crise du logement veut aussi dire que les municipalités voient pousser de plus en plus de campements urbains et banlieusards – une situation que les conservateurs de Pierre Poilievre exploitent pour critiquer l’inaction des libéraux. Pour s’attaquer au problème, le budget 2024 propose 1,04 milliard sur quatre ans. À plus court terme, soit à compter de 2024-2025, le gouvernement fédéral compte allonger 250 millions, sur deux ans, afin de « régler le problème urgent des campements et de l’itinérance ». Mais attention : pour toucher ces sommes, les provinces et territoires devront accoter la mise.