Elon Musk intensifie ses efforts en matière d’intelligence artificielle, alors même qu’il appelle à un moratoire sur son développement

En décembre, Elon Musk s’est mis en colère contre le développement de l’intelligence artificielle (IA) et a mis un pied à terre.

Il avait appris l’existence d’une relation entre OpenAI, la jeune entreprise à l’origine du populaire agent conversationnel ChatGPT, et Twitter, qu’il avait racheté en octobre 44 milliards de dollars. OpenAI s’était vu accorder une licence sur les données de Twitter – un flux de chaque tweet – pour environ 2 millions de dollars par an afin d’aider à développer ChatGPT, ont déclaré deux personnes au courant de l’affaire. M. Musk estimait que la société d’intelligence artificielle ne payait pas suffisamment Twitter.

M. Musk a donc coupé l’accès d’OpenAI aux données de Twitter.

Depuis, M. Musk a intensifié ses propres activités dans le domaine de l’IA, tout en dénonçant publiquement les dangers de la technologie. Il est en pourparlers avec Jimmy Ba, chercheur et professeur à l’Université de Toronto, pour créer une nouvelle société d’IA appelée X.AI, ont affirmé trois personnes au courant de l’affaire. Il a embauché chez Twitter des chercheurs en IA de haut niveau de DeepMind, société de Google.

Il a également parlé publiquement de la création d’un rival de ChatGPT qui produirait des contenus à caractère politique sans restrictions.

Ces actions s’inscrivent dans la longue et complexe histoire de M. Musk avec l’IA, régie par ses opinions contradictoires sur la question de savoir si la technologie profitera à l’humanité ou si elle la détruira. Alors qu’il a récemment relancé ses projets d’IA, il a également signé le mois dernier une lettre ouverte appelant à une pause de six mois dans le développement de cette technologie en raison des « risques profonds qu’elle fait courir à la société ».

Désillusioné par OpenAI

Bien que M. Musk s’oppose à OpenAI et envisage de lui faire concurrence, il a participé à la création du laboratoire d’IA en 2015 en tant qu’organisation à but non lucratif. Depuis, il s’est dit désillusionné par OpenAI, qui ne fonctionne plus comme une association à but non lucratif et développe une technologie qui, selon lui, prend parti dans les débats politiques et sociaux.

L’approche de M. Musk en matière d’IA se résume à le faire lui-même. Le milliardaire de 51 ans, qui dirige également le constructeur de voitures électriques Tesla et la société de fusées SpaceX, considère depuis longtemps que ses propres efforts en matière d’IA offrent des solutions meilleures et plus sûres que celles de ses concurrents, selon des personnes qui ont discuté de ces questions avec lui.

« Il pense que l’IA va constituer un tournant majeur et que si elle est mal gérée, elle sera désastreuse », a déclaré Anthony Aguirre, spécialiste de cosmologie théorique de l’Université de Californie à Santa Cruz et fondateur du Future of Life Institute, l’organisation à l’origine de la lettre ouverte.

Comme beaucoup d’autres, il s’interroge : qu’allons-nous faire à ce sujet ?

Anthony Aguirre, spécialiste de cosmologie théorique de l’Université de Californie à Santa Cruz

M. Musk et M. Ba, qui est connu pour avoir créé un algorithme populaire utilisé pour former les systèmes d’IA, n’ont pas répondu aux demandes de commentaires. Leurs discussions se poursuivent, ont déclaré les trois personnes au fait de l’affaire.

Hannah Wong, porte-parole d’OpenAI, a déclaré que même si l’entreprise générait désormais des bénéfices pour les investisseurs, elle était toujours régie par une organisation à but non lucratif et que ses bénéfices étaient plafonnés.

Contradictions

Après le lancement de ChatGPT en novembre, M. Musk s’est montré de plus en plus critique à l’égard d’OpenAI. « Nous ne voulons pas que ce soit une sorte de démon de l’enfer qui maximise les profits », a-t-il déclaré lors d’une interview accordée la semaine dernière à Tucker Carlson, l’animateur de Fox News récemment limogé.

M. Musk a réitéré ses plaintes concernant la dangerosité de l’IA et a accéléré ses propres efforts pour la mettre au point. Lors d’un évènement organisé le mois dernier à l’intention des investisseurs de Tesla, il a demandé aux régulateurs de protéger la société de l’IA, même si son entreprise automobile a utilisé des systèmes d’IA pour repousser les limites des technologies de conduite autonome qui ont été impliquées dans des accidents mortels.

Le même jour, M. Musk a suggéré dans un tweet que Twitter utiliserait ses propres données pour former une technologie semblable à celle de ChatGPT. Twitter a embauché deux chercheurs de DeepMind, ont déclaré deux personnes au courant du recrutement. The Information et Insider ont précédemment rapporté les détails de ces embauches et des efforts de Twitter en matière d’IA.

Au cours de l’entretien accordé la semaine dernière à M. Carlson, M. Musk a déclaré qu’OpenAI ne servait plus à contrôler le pouvoir des géants de la technologie.

Musk voulait construire TruthGPT, a-t-il dit, « une IA à la recherche de la vérité maximale qui essaie de comprendre la nature de l’univers ».

Le mois dernier, M. Musk a enregistré X.AI. La jeune pousse est constituée au Nevada, selon les documents d’enregistrement, qui mentionnent également que les dirigeants de la société sont M. Musk et son directeur financier, Jared Birchall. Ces documents ont été publiés par le Wall Street Journal.

Les experts qui ont discuté de l’IA avec M. Musk pensent qu’il est sincère dans ses inquiétudes quant aux dangers de la technologie, même s’il la construit lui-même. D’autres estiment que sa position est influencée par d’autres motivations, notamment ses efforts pour promouvoir ses entreprises et en tirer profit.

« Il dit que les robots vont nous tuer », a déclaré Ryan Calo, professeur à la faculté de droit de l’Université de Washington, qui a assisté à des évènements sur l’IA aux côtés de M. Musk. « Une voiture construite par son entreprise a déjà tué quelqu’un. »

Cet article a été publié à l’origine dans le New York Times.

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