Le Parti libéral du Québec demande au ministre des Finances Eric Girard de modifier le code d’éthique des fonctionnaires pour éviter les va-et-vient de fiscalistes entre le privé et Revenu Québec.

Mercredi, La Presse rapportait comment l’avocat Mathieu Gendron a quitté en octobre la division de l’agence qui lutte contre les planifications fiscales agressives, pour se joindre au cabinet BCF. Il a ensuite pris dès décembre un mandat-conseil pour le cofondateur et ex-PDG des Vêtements de sport Gildan Greg Chamandy, dans le cadre d’un litige de 10 millions contre ses ex-collègues du fisc.

C’est Mathieu Gendron lui-même qui était responsable de son dossier au sein du cabinet Heenan Blaikie, avant de se joindre à Revenu Québec en 2014. Le fisc refuse à Chamandy des déductions fiscales de 65,8 millions, dans un montage impliquant d’importants transferts de fonds dans sa banque privée à la Barbade.

PHOTO FOURNIE PAR BCF AVOCATS D’AFFAIRES

Mathieu Gendron, passé de Heenan Blaikie à Revenu Québec, à Deloitte, à Revenu Québec, puis à BCF Avocats d’affaires

S’inspirer d’Ottawa ?

Lors d’une séance de la commission des finances publiques, la porte-parole libérale en matière d’administration gouvernementale, Marwah Rizqy, a proposé au ministre de s’inspirer d’Ottawa pour éviter à l’avenir de telles situations.

« Au niveau fédéral, il y a une restriction d’un an pour les ex-fonctionnaires », a-t-elle avancé en commission.

Le code d’éthique des employés du gouvernement canadien leur interdit pendant cette période « d’intervenir pour le compte d’une autre personne auprès d’un ministère ou d’un organisme avec lequel il a eu des rapports officiels ».

Chez Revenu Québec, le code proscrit seulement aux « employés qui ont agi relativement à une procédure » d’agir ensuite pour le compte d’autrui « à l’égard de la même procédure ».

Les deux textes interdisent aux fonctionnaires de conseiller quiconque à l’aide d’information confidentielle en provenance de leur ancien employeur. Mais le code de Revenu Québec ne mentionne aucune période.

Pour Marwah Rizqy, c’est une lacune et le texte québécois a besoin de gagner du mordant.

« Surtout dans la division qu’on appelle les planifications fiscales agressives », a-t-elle précisé en commission, en parlant du service où travaillait Mathieu Gendron avant de se joindre à BCF et de se remettre au service de Chamandy. « Ça, c’est comme une unité – je vais le dire ainsi – d’élite. Dans le sens qu’ils s’attaquent aux plus gros dossiers d’évasion et d’évitement fiscal. Alors ceux qui y travaillent, on veut s’assurer que ça reste hermétique. Il y a des secrets très importants. »

Un amendement à prévoir

Marwah Rizqy espère que le ministre introduira lui-même un article dans son prochain omnibus budgétaire – le projet de loi qui sert à mettre en œuvre les mesures annoncées dans le cadre du budget. « Si je vois que ce n’est pas là, je vais déposer mon amendement lors de l’étude détaillée », dit-elle.

« Les bonnes idées viennent de partout ! », a réagi Eric Girard en commission. Par le biais de son attachée de presse Claudia Loupret, il n’a toutefois pas voulu s’avancer. « Si elle dépose un amendement, on verra », dit-elle.

Le ministre a précisé qu’il comptait aborder la question avec Revenu Québec lors d’une rencontre prévue jeudi.

En savoir plus
  • 88 millions US
    Somme que le client de Mathieu Gendron, Greg Chamandy, a fait transiter par sa banque privée à la Barbade
    SOURCE : Requête de Greg Chamandy contre Revenu Québec