La chronique du 18 avril 2024 du professeur Sylvain Charlebois, intitulée « Peut-on vraiment se fier à Statistique Canada ? », suscite des réserves sévères de notre part. Elle suggère que les données recueillies par Statistique Canada (SC) pour élaborer des mesures de prix dans le secteur alimentaire ne sont ni précises ni fiables.

L’auteur, cependant, n’explique pas en quoi la méthodologie développée par lui-même et son équipe est supérieure à celle de SC, ce qui constitue une lacune importante qui affaiblit significativement son affirmation.

Nous avons toutefois pu obtenir davantage de détails sur la méthodologie de M. Charlebois en communiquant directement avec lui, ce qui nous a permis de tirer les conclusions suivantes :

1) Les termes techniques utilisés par M. Charlebois pour qualifier ses valeurs de prix sont inappropriés sur le plan statistique. Ce dernier parle de « valeurs réelles observées », alors qu’avec un échantillon de prix, on ne peut faire une telle affirmation. Pour cela, il faudrait disposer de toutes les observations possibles, ce qui est une notion élémentaire en statistiques.

2) Plus loin dans l’article, le chroniqueur affirme que « 47 % des articles alimentaires (16 sur 34 articles répertoriés) sont sous-estimés par Statistique Canada ». Les taux d’inflation de ces articles estimés par SC sont en effet inférieurs à ceux estimés par M. Charlebois, mais il est incorrect de dire qu’ils sont « sous-estimés », car il s’agit de moyennes provenant d’échantillons.

3) De plus, le chroniqueur attaque à plusieurs reprises l’agence statistique de manière injustifiée, sans jamais présenter la méthodologie utilisée par cette dernière. Relevons deux exemples :

a) « [...] lors de l’évaluation de la précision de notre agence fédérale responsable pour mesurer les changements de prix alimentaires, il apparaît évident que beaucoup de travail reste à faire » ;

b) « [...] cela suggère que les rapports de l’agence ne reflètent pas toujours précisément l’inflation alimentaire ».

Ces jugements sont basés uniquement sur les différences de moyennes de prix des articles alimentaires. Pour les émettre, il serait nécessaire de comparer les méthodologies et d’indiquer ce qui ne va pas avec celle de SC. De plus, dans le tableau présenté dans sa chronique, M. Charlebois ne mentionne nulle part sur quelle période les variations de prix sont observées.

4) La méthodologie de SC est disponible sur son site web1. On y constate que « les prix moyens compris dans [son] tableau sont calculés à partir des données des lecteurs optiques ». De plus, ces données incluent « les prix de milliers de magasins au pays, qui représentent des millions de prix des aliments hebdomadaires et qui couvrent la majorité du marché alimentaire canadien ».

1. Consultez le site de Statistique Canada

Dans un échange courriel avec M. Charlebois, celui-ci mentionne que son équipe a recueilli « environ 13 780 points de données au total », mais sans préciser comment ces données ont été pondérées pour construire des indices de prix. La grande différence de taille des échantillons entre celui de SC et celui de M. Charlebois remet fortement en question la qualité des statistiques recueillies par ce dernier.

Cette chronique s’ajoute à de nombreuses autres à la rigueur approximative dans les médias où M. Charlebois continue de sévir. Dans le passé, d’autres universitaires, au Québec (Daniel Mercier Gouin de l’Université Laval2) ou ailleurs au Canada (Andrew Leach de l’Université de l’Alberta3), ont sévèrement critiqué M. Charlebois.

2. Lisez l’article du Nouvelliste 3. Lisez la réplique sur X (en anglais)

Hippocrate, le père de la médecine, disait : « D’abord, ne pas nuire. » Les membres du milieu universitaire sont censés nous éclairer et contribuer à approfondir les connaissances du public, pas nuire à celles-ci.

M. Charlebois semble délibérément faire le contraire.