Pour la première fois depuis cinq ans, Hydro-Québec se présentera sous peu devant la Régie avec une demande d’augmentation des tarifs d’électricité pour le 1er avril prochain. Le contexte est particulier, parce que la société d’État a annoncé des investissements colossaux et que le gouvernement a décidé que la hausse annuelle de tarifs serait limitée à 3 %.

C’est la première fois depuis 2019 que la Régie de l’énergie aura à approuver une hausse des tarifs d’Hydro-Québec. Avec la loi 34, le gouvernement de François Legault avait alors aboli l’obligation faite à Hydro-Québec de justifier et faire approuver chaque année ses augmentations de tarifs par la Régie, un tribunal administratif indépendant, pour la remplacer par une reddition de comptes tous les cinq ans.

Entre 2019 et 2024, les tarifs d’électricité devaient suivre le taux d’inflation, mais la flambée générale des prix, qui a atteint plus de 8 % en 2022, a forcé le gouvernement à légiférer de nouveau pour limiter la hausse tarifaire à 3 %.

Dans l’intervalle, le marché québécois de l’énergie a été complètement chamboulé. Les surplus ont disparu pour faire place à une pénurie d’électricité, en raison de la volonté gouvernementale d’attirer des entreprises à la recherche d’énergie verte et pas chère pour réduire leur empreinte environnementale.

Hydro-Québec a répondu à la volonté gouvernementale par un plan d’investissement historique de 155 à 185 milliards pour augmenter sa production de 9000 mégawatts et construire 5000 km de nouvelles lignes de transport d’électricité d’ici 10 ans.

Une hausse suffisante ?

Le nouveau tarif d’électricité qui sera approuvé par la Régie pour le 1er avril 2025 servira de base pour les cinq prochaines années et évoluera ensuite annuellement en fonction de l’inflation, comme le prévoit la loi.

Si Hydro-Québec se présente devant la Régie avec une demande de hausse de 3 % de ses tarifs résidentiels, la Régie devra juger si une telle augmentation est suffisante pour éviter un choc tarifaire dans le futur, compte tenu de l’expansion projetée pour les cinq prochaines années et au-delà par la société d’État.

Les tarifs sont fixés en fonction du coût de l’électricité, du coût du transport et des coûts liés à la construction et à l’entretien du réseau de distribution. Ces composantes ont toutes augmenté considérablement depuis la dernière cause tarifaire il y a cinq ans.

À cette augmentation des coûts de service s’ajoute un taux de rendement qui garantit une rentabilité jugée « raisonnable » pour les activités d’Hydro-Québec comparativement aux entreprises similaires et qui entre dans le calcul de l’augmentation des tarifs.

Ce taux de rendement, qui est de 8,2 %, n’a pas bougé depuis plusieurs années. La société d’État pourrait-elle demander une augmentation de son taux de rendement pour faire face à ses projets d’expansion ?

Une Régie sans président

Plusieurs autres questions se posent à la veille du dépôt du dossier tarifaire d’Hydro-Québec, prévu cet été. À commencer par l’avenir de la Régie de l’énergie, dont le mandat pourrait être modifié par le projet de loi sur l’énergie promis depuis des mois par le ministre Pierre Fitzgibbon et qui devrait être déposé avant l’ajournement estival de l’Assemblée nationale.

La Régie de l’énergie verra-t-elle son mandat élargi ou perdra-t-elle des pouvoirs ?

La Régie de l’énergie n’a plus de président depuis le départ de Jocelin Dumas, qui occupait le poste depuis janvier 2019 et l’a quitté en 2023. C’est Louise Rozon, régisseuse et vice-présidente de la Régie, qui assure l’intérim depuis le mois de janvier 2024.

Le contexte énergétique actuel pose des défis nouveaux aux organismes de réglementation partout dans le monde, qui doivent statuer sur la distribution des coûts associés à la réduction des émissions polluantes sans avoir de balises pour guider leurs décisions.

La Régie de l’énergie a par exemple décidé que tous les clients d’Hydro-Québec devront payer une compensation financière au distributeur gazier Énergir pour la conversion du chauffage au gaz vers la biénergie gaz naturel-électricité. Fait rarissime, cette décision a été contestée devant les tribunaux et est maintenant devant la Cour d’appel, qui décidera à qui refiler la facture.

En savoir plus
  • Dernière hausse des tarifs d’électricité (1er avril 2024)
    Résidentiel : 3 % Affaires : 5,1 % Grande industrie : 3,3 %
    Source : Hydro-Québec