Le ministre des Finances a refroidi l’enthousiasme des partisans d’un agrandissement du Palais des congrès, lundi, dans un discours devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. En réponse à une question du PDG Michel Leblanc, Eric Girard a laissé entendre que comme « la COP15 se passe très bien dans la taille existante », l’infrastructure n’avait pas besoin d’un agrandissement.

Or, l’agrandissement du Palais des congrès figure dans les cartons du gouvernement depuis des années. Québec a même dépensé plus de 19 millions pour exproprier les terrains nécessaires, à l’est de la rue Saint-Urbain.

Dans les coulisses, on murmure que le ministre blaguait. Appelé à commenter officiellement, son cabinet n’a toutefois pas rassuré les tenants de ces travaux.

« Le dossier est actuellement en analyse au gouvernement. Nous communiquerons la décision prise en temps et lieu », a écrit dans un message texte l’attachée de presse d’Eric Girard, Claudia Loupret.

Pas de l’ironie, dit Michel Leblanc

Lundi, Eric Girard répondait à une question du PDG de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM) sur la nécessité de choisir des priorités dans les investissements en infrastructures.

En laissant entendre que le Palais des congrès était d’une taille suffisante, le ministre « ne faisait pas dans l’ironie », croit le PDG Michel Leblanc. « J’ai répondu que le défi est lié aux autres évènements que nous ne pouvons pas accueillir, qui requièrent des capacités plus grandes, dit-il. Ça va bien au-delà d’être capable d’accueillir la COP15. »

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Michel Leblanc, PDG de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain

En entretien avec La Presse, la PDG du Palais des congrès, Emmanuelle Legault, considère que le ministre a sans doute été pris de court par la question. Elle concède aussi qu’après le dossier d’opportunité réalisé en 2018, le contexte a considérablement changé avec la COVID-19.

« C’est normal un peu que le gouvernement priorise la santé et l’éducation, dit-elle. C’est à nous de démontrer qu’il y a vraiment un avantage à aller de l’avant avec ce dossier-là, d’où l’importance de mettre les données à jour. »

Chez Tourisme Montréal, les propos du ministre laissent la vice-présidente aux affaires publiques « dubitative ».

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Manuela Goya, vice-présidente aux affaires publiques de Tourisme Montréal

« Je ne vais pas m’arrêter à ça, parce que pour nous, chez Tourisme Montréal, ce n’est pas un choix, dit Manuela Goya. Si M. Girard pense dans ces termes-là et que c’est sérieux, on va refaire nos devoirs avec la Chambre de commerce, avec d’autres acteurs importants, pour présenter un dossier à jour. »

Pour elle, la métropole n’a pas d’autre choix que d’agrandir cette infrastructure. « On perd trop d’évènements », dit-elle.

Tourisme Montréal dit avoir recensé 150 organisations qui pourraient être intéressées par l’emplacement du Palais des congrès, en plein centre-ville, mais dont les évènements sont trop gros pour l’infrastructure.

Elle cite en exemple le congrès de l’American College of Physicians que Montréal n’a pu accueillir en 2020. « Ils demandaient 350 000 pieds carrés pour 7000 participants, dit-elle. Nous, on a seulement 330 000 pieds carrés. »

Elle ajoute que Toronto, Vancouver et même Calgary disposent tous aujourd’hui d’un centre des congrès plus grand que celui de Montréal.

Jusqu’à 32 millions pour les terrains

Si Québec n’est pas encore branché quant à la pertinence d’agrandir le Palais des congrès, le gouvernement a déjà engagé des frais de plus de 19 millions seulement pour acquérir trois terrains à l’est de la rue Saint-Urbain, où s’étendrait l’agrandissement.

La somme gonflera encore avec le paiement de certains intérêts. Mais surtout, l’État devra débourser près de 14 millions supplémentaires si le gouvernement perd sa bataille contre l’un des expropriés devant la cour.

PHOTO PHILIPPE BOIVIN, ARCHIVES LA PRESSE

Bâtiments de la rue Saint-Antoine, en novembre 2021

L’an dernier, le tribunal administratif a condamné Québec à payer cette somme supplémentaire à Développements St-Antoine, qui était propriétaire de l’ancienne adresse du magasin de musique Steve’s inc. jusqu’en 2020.

Le gouvernement a fait appel du jugement devant la Cour du Québec, mais le procès n’aura pas lieu avant septembre prochain.