Banquier de formation, Louis Turcotte a acheté sa première quincaillerie Rona il y a 32 ans et était propriétaire de sept centres de rénovation Home Hardware lorsqu’il a fait l’acquisition, en février dernier, du groupe Patrick Morin et de ses 21 quincailleries. Il entend maintenant poursuivre le développement de cette enseigne forte avec l’ouverture prochaine d’un magasin sur la Rive-Sud et d’un autre dans la couronne nord.

Qu’est-ce qui vous a poussé à faire l’acquisition de Patrick Morin, un groupe qui était convoité par plusieurs grandes chaînes qui n’ont pourtant jamais réussi à convaincre la famille Morin de vendre ?

Je les avais déjà contactés il y a 15 ans et ils n’étaient pas intéressés à vendre. À l’époque, Patrick Morin, c’était sept quincailleries. Ils ont poursuivi leur développement en construisant un centre de distribution et en ouvrant plusieurs nouveaux magasins.

J’ai contacté à nouveau François Morin, PDG de Patrick Morin, juste avant la pandémie, et la famille — ses quatre frères et deux sœurs — était maintenant prête à vendre. Ils ne souhaitaient plus poursuivre. Je suis arrivé au bon moment, ils me connaissaient et ils savaient que j’étais sérieux et que j’allais garder en place la culture d’entreprise.

Ils avaient pourtant refusé de vendre à Rona, avant qu’elle soit vendue à Lowe’s, et la famille aurait pu vendre à un autre groupe québécois comme Canac ?

Ils ont effectivement refusé de vendre à Rona à l’époque, comme ils ont refusé de vendre à Home Depot. Canac était un compétiteur qui est venu implanter ses magasins sur leur territoire, ils étaient en concurrence. Moi, ils savaient que j’aimais leur concept de quincailler régional et que je voulais poursuivre leur modèle d’affaires.

Est-ce que votre plan était de transformer l’enseigne Patrick Morin en Home Hardware ?

Il n’en a jamais été question, et c’était très clair dès le départ. Patrick Morin est une marque forte, bien implantée dans son marché. Tout le monde dans l’industrie estimait que c’était un groupe bien géré, profitable, avec des valeurs fortes, et cela fait des années que je m’intéressais à leurs magasins.

On va donc continuer de développer cette marque. François Morin m’a laissé les plans d’expansion et les sites qu’ils pensaient développer, et on a décidé d’ouvrir d’ici 2022 deux nouvelles quincailleries, une sur la Rive-Sud et une autre dans la couronne nord.

Il va s’agir d’une première implantation d’un Patrick Morin sur la Rive-Sud ?

Oui, tout à fait. Patrick Morin s’est développé essentiellement autour de Joliette. C’est ici que le groupe est né et où se trouvent aujourd’hui le siège social et le centre de distribution. Avec le temps, le groupe Patrick Morin s’est développé dans Lanaudière, en Mauricie et jusqu’à Sorel.

Vous allez donc continuer d’exploiter vos sept quincailleries Home Hardware sous cette enseigne et développer le groupe Patrick Morin en parallèle ?

Oui. Il faut comprendre que j’ai développé avec les années une façon d’opérer en mettant sur pied des partenariats dans chacune de mes quincailleries, où j’ai un associé-opérateur qui possède de 10 à 25 % des parts.

On s’est joint à l’enseigne Home Hardware il y a trois ans parce que je voulais me rapprocher du modèle coopératif comme l’était Rona à ses débuts. On a étudié le modèle de Lowe’s et on a décidé de nous regrouper avec Home Hardware, qui laisse beaucoup plus de latitude à ses marchands associés.

On va donc rester dans cette structure parce qu’elle nous sert bien. Je me suis associé par contre avec Home Hardware pour faire l’acquisition de Patrick Morin. Ce sont des partenaires financiers qui ont pris une participation minoritaire dans Patrick Morin.

Cela ne dérange pas Home Hardware que vous fassiez concurrence à son enseigne ?

Non, le groupe Home Hardware va profiter du volume et du pouvoir d’achat des quincailleries Patrick Morin. C’est la première fois de son histoire que Home Hardware fait un tel investissement. Le groupe compte plus de 1100 quincailleries indépendantes, mais ne possède aucun magasin.

Je garde l’entreprise intacte et Patrick Morin a toujours été reconnu pour son appartenance régionale. On favorise les achats locaux. Au total, le groupe emploie 1800 personnes dans ses commerces et à son siège social de Joliette.

Qu’est-ce qui vous a amené à vous intéresser au secteur de la quincaillerie ?

J’ai étudié en commerce à HEC. Je viens d’une famille de banquiers, mon oncle était Guy Bisaillon, qui a été mon mentor et qui m’a fait commencer à la Banque Royale. À 28 ans, j’ai eu une occasion d’affaires que j’ai prise en rachetant de la faillite un Rona à Pointe-aux-Trembles.

Puis, quand Pascal (chaîne de quincailleries et de magasins de meubles) a fait faillite, j’ai repris leur magasin de l’avenue du Parc pour en faire un Rona. J’ai racheté un autre Rona à Boucherville et j’ai fait partie du groupe de marchands qui a construit le premier Rona L’entrepôt au Carrefour Laval, puis un à Boucherville ainsi qu’un autre à Ottawa.

Avant que Rona ne soit vendue à Lowe’s, on m’a racheté les trois Rona L’entrepôt, puis j’ai vendu à Lowe’s mon autre Rona de Boucherville pour conserver mes sept magasins.

Vous avez commencé à négocier avant la pandémie, mais vous avez finalisé la transaction en février dernier alors que les quincaillers ont fait des affaires d’or. Cela a dû avoir un certain impact sur le prix payé ?

Je ne peux pas répondre à cette question… Mais la famille Morin a eu un bon prix et j’ai payé le prix que j’étais prêt à payer. Il faut garder la tête froide avec le mouvement que l’on connaît présentement, tout le monde sait que le contexte est exceptionnel.

Est-ce que vous avez été touché par des pénuries de matériaux ou des ruptures de stock ?

Non, pas vraiment, et c’est la force de Patrick Morin. On a beaucoup de fournisseurs locaux et des scieries, il y en a dans Lanaudière, alors on est en mesure de répondre à la demande et de conseiller nos clients vers des produits meilleur marché quand c’est possible.

Vous avez hérité d’un siège social à Joliette. C’est nouveau pour vous ?

Je n’ai jamais eu de bureaux. J’avais des espaces dans certains de mes magasins, mais là, pour la première fois, j’ai un bureau à moi et je suis bien déçu parce qu’il n’y a personne autour à qui parler. J’ai bien hâte de rencontrer tout notre monde.