En dépit de la pandémie et des retards qu’elle a occasionnés dans l’exécution ou la livraison de certains projets, Pomerleau a enregistré en 2020 des revenus records de 2,5 milliards, en forte progression par rapport à eux de 1,5 milliard que le groupe affichait en 2017. Le PDG du groupe de construction, Pierre Pomerleau, observe que le rythme de croissance n’est pas près de ralentir avec la multiplication des travaux d’infrastructures qui pousseront le chiffre d’affaires à 3 milliards cette année et à 3,7 milliards en 2022. Entrevue sur la gestion de la croissance.

Q. Vous venez de livrer la dernière phase du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM), et votre nom est partout. La construction du Réseau express métropolitain (REM), le démantèlement du pont Champlain, la réfection du tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine… Les grands travaux d’infrastructures vous occupent plus que jamais ?

R. Oui, la crise de la pandémie a accéléré la mise en œuvre de plusieurs grands projets d’infrastructures. C’est un phénomène mondial. Les gouvernements ont jugé que c’était le moyen le plus efficace d’assurer la reprise économique.

Chez Pomerleau, on réalisait déjà quelque 200 projets de front par année, et c’est encore le cas, mais ce sont maintenant des projets beaucoup plus gros et plus complexes. Il y a 10 ans, les donneurs d’ordres séparaient les contrats en 15 morceaux, et ils se sont rendu compte qu’il était plus avantageux de donner un gros contrat et de transférer le risque à celui qui assume sa réalisation.

Ça nous a forcés à développer de nouvelles compétences, à renforcer nos équipes et à travailler en mode collaboratif.

Q. Les infrastructures sont aussi devenues une catégorie d’actifs prisée par les grands investisseurs. Cela a dû avoir aussi un impact sur votre carnet de commandes ?

R. Absolument. L’intérêt financier grandissant pour ce type d’actifs a accéléré le nombre de projets en infrastructures. Le REM est une infrastructure de transport qui assurera à son promoteur des revenus récurrents dans le temps. C’est ce que beaucoup d’investisseurs recherchent, comme le groupe Axium, qui a financé la construction du Centre de recherche du CHUM.

On a aussi créé un fonds d’investissement, Pomerleau Capital, où la Caisse de dépôt a pris une participation de 50 % et qui investit dans des projets comme la construction d’une école ou d’un parc éolien.

Q. Malgré la pandémie et le problème généralisé de pénurie de main-d’œuvre, vous avez embauché en 2020 plus de 350 nouveaux employés. Comment avez-vous réussi pareil tour de force ?

R. On gère 200 projets de construction par année, des projets qui s’échelonnent sur 18 à 24 mois. C’est donc dire que chaque semaine, on termine un projet et on en commence un nouveau.

Chaque semaine, ce sont plus de 300 millions de dollars de nouveaux contrats qui doivent entrer. On construit actuellement 18 maisons pour aînés et 8 écoles, ça prend du monde pour réaliser ces projets et on arrive à recruter. Chaque année, on embauche 200 stagiaires, et plusieurs reviennent travailler chez nous. On a une bonne réputation.

On a plus de 4000 employés au Canada répartis dans nos 9 bureaux de Montréal, Québec, Halifax, St. John’s, Ottawa, Toronto, Calgary, Vancouver et à notre siège social à Saint-Georges, en Beauce. Cette année, on prévoit d’embaucher 400 employés additionnels.

Q. La fin des activités de SNC-Lavalin dans le domaine de la construction a dû être bénéfique pour le recrutement ?

R. Oui, je pourrais écrire une thèse de doctorat sur cet épisode… Concevoir un projet et le construire sont deux métiers très différents. La construction, c’est de plus en plus complexe. La fin des activités de SNC-Lavalin, ça nous a donné plus d’espace pour manœuvrer.

On a embauché beaucoup d’ingénieurs de chez eux, des spécialistes des infrastructures et des souterrains qui viennent compléter notre expertise… Les firmes d’ingénierie quittent le secteur, et on fait concurrence maintenant avec des constructeurs comme nous.

Q. Vous vous êtes toutefois associé à des firmes de construction étrangères pour la réalisation de grands projets, que ce soit le REM ou le tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine. C’est encore une nécessité ?

R. Oui, on doit le faire dans les grands projets pour partager le risque financier, qui est trop lourd. On se joint à des consortiums, mais ce sont nos équipes sur place qui sont souvent les maîtres d’œuvre. Dans le cas de la réfection du tunnel, on s’est associés au groupe Vinci, qui a une expertise dans le domaine et qui a des équipes sur place avec qui on va travailler.

Q. Vous avez aujourd’hui une présence pancanadienne marquée, est-ce que vous souhaitez prendre aussi de l’expansion du côté américain ?

R. Absolument. On vient tout juste d’ouvrir un bureau à Albany afin de participer à la construction de parcs d’énergie renouvelable qui vont se construire dans le Nord-Est américain au cours des 10 prochaines années. C’est très gros, ce qui s’en vient.

Avec notre filiale Borea, qui est depuis 15 ans un leader dans la construction de parcs éoliens et solaires au Canada, on a développé une expertise solide dans le domaine et on veut occuper une place importante dans le développement qui va se faire dans les prochaines années aux États-Unis.

Q. Quelle part de vos revenus le secteur des énergies renouvelables représente-t-il ? Est-ce un important segment de revenus ?

R. La construction de parcs d’énergie représente des revenus annuels de l’ordre de 350 à 400 millions. Le secteur civil et la construction d’infrastructures totalisent environ 1 milliard, soit le tiers de notre chiffre d’affaires, alors que la construction de bâtiments, écoles, hôpitaux compose l’essentiel de nos revenus de 3 milliards.

C’est encore au Québec que l’on réalise plus de la moitié de nos revenus annuels. On pensait, avec les années et notre croissance à l’extérieur, que cette part allait diminuer, mais la réalisation des gros projets d’infrastructures nous tient encore très occupés.