(Sherbrooke) À sa première sortie publique depuis un mois, le premier ministre François Legault dit vouloir éviter les « distractions » et « se recentrer » autour des priorités gouvernementales, comme l’amélioration des services en santé et en éducation.

Mercredi, dans un bref discours à l’ouverture de la réunion de son caucus de deux jours à Sherbrooke, il a convié ses députés à tourner la page sur les controverses de l’année dernière et à revenir au jeu de base caquiste.

« On va se souhaiter une bonne année politique avec, comment je dirais ça, moins de distractions qu’en 2023, et revenir à nos cinq priorités : […] l’éducation, la santé, l’économie, l’environnement et protéger notre identité », a-t-il lancé à l’occasion de cette rencontre qui vise à préparer la reprise des travaux de l’Assemblée nationale le 30 janvier.

Le premier ministre a insisté : « En 2024, en particulier dans la session qui commence, on veut vraiment se recentrer, être capable de se concentrer sur ces cinq priorités ».

Les ententes de principes conclues avec le Front commun intersyndical et la Fédération autonome de l’enseignement font la démonstration selon lui que son gouvernement « a choisi d’investir massivement dans les conditions de travail en santé et éducation ».

François Legault a également tenté d’apaiser les craintes soulevées par le projet de loi à venir de son ministre de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, sur le développement énergétique : « il n’est pas question de privatiser et de renier l’héritage de René Lévesque, soyons bien clairs là-dessus ».

La plupart des députés ont refusé de s’arrêter pour répondre aux journalistes. L’un d’eux a résumé le mot d’ordre envoyé par leur chef.

« Le mot discipline, c’est d’essayer de rester au caucus pour livrer nos impressions plutôt que de se livrer au gré du vent, à toutes les opinions possibles » comme cela s’est fait « un peu trop souvent » l’an dernier, a affirmé Mario Asselin (Vanier-Les Rivières). « Le travail d’équipe, c’est de se parler dans la face », mais quand cela se fait sur la place publique, « ça nuit à l’esprit d’équipe ».

Une « distraction », pour reprendre l’expression de François Legault, il y en avait une mercredi alors que l’on apprenait que le député de Rousseau, Louis-Charles Thouin, a sollicité des maires pour contribuer à la caisse électorale caquiste en échange d’une rencontre avec la ministre des Transports, Geneviève Guilbault. Le principal intéressé n’a pas commenté le reportage de La Presse Canadienne. L’opposition entend demander une enquête à la commissaire à l’éthique de l’Assemblée nationale.

La présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel, a plaidé que « personne n’est forcé de contribuer, d’accepter. Il y a des règles, et on les suit ». L’ancienne procureur de la commission Charbonneau s’en remet aux autorités compétentes pour juger du cas de M. Thouin. Il y a plusieurs organismes qui sont chargés de surveiller. L’encadrement est très serré […] S’il y a des choses à améliorer, on le fera. »

En soirée, lors d’un cocktail militant du parti, l’entourage du premier ministre a pris soin de signaler aux journalistes que des maires et des conseillers sont présents mais qu’ils n’ont pas eu à contribuer à la caisse du parti pour participer.

Dans son discours devant une foule comptant plus de députés et de membres du personnel politique que de militants, François Legault a notamment décoché quelques flèches vers le chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon, qui est passé en tête des intentions de votes cet automne.

Fermer le « bar ouvert »

De son côté, le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, a réitéré la demande que M. Legault a envoyée par écrit au premier ministre Justin Trudeau pour freiner l’arrivée de demandeurs d’asile. Cet afflux met le réseau scolaire sous pression, a-t-il plaidé.

« On a beaucoup de nouveaux enfants immigrants qui ont besoin d’être scolarisés. On est rendu à 1237 classes de francisation au Québec, c’est l’équivalent de 51 écoles primaires. SVP, M. Trudeau, on a atteint la limite, on est effectivement au point de rupture. Alors le bar ouvert en immigration, arrêtez ça. Parce que nous, en éducation, on manque de profs, on manque de locaux. » Une « grosse part » des classes de francisation est composée de demandeurs d’asile selon lui.

Au Centre de services scolaire de Montréal, a-t-il ajouté, « l’équivalent de trois écoles primaires » ont été ouvertes depuis septembre et « il y a plus 400 inscriptions qui sont en attente, des élèves qu’il faut mettre dans nos écoles ».

Lors de sa mêlée de presse, le ministre a répondu qu’il faut attendre « un petit peu » avant de qualifier d’échec son plan de rattrapage scolaire destiné aux élèves qui ont été touchés par les jours de grève. Peu d’enseignants se sont portés volontaires pour faire du tutorat en dehors des heures de classe, a signalé au cours des derniers jours la Fédération québécoise des directions d’établissement d’enseignement. « Je vais avoir un portrait beaucoup plus complet début février, et on s’ajustera si c’est nécessaire », a dit M. Drainville. Son plan est doté d’une enveloppe de 300 millions de dollars.

Nomination de 15 juges

Le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, a fait l’annonce quant à lui de la nomination de 15 juges à la Cour du Québec, dont 14 nouveaux magistrats affectés à la Chambre criminelle et pénale. Il a ainsi réalisé l’engagement qu’il avait pris dans son entente avec l’ex-juge en chef de la Cour du Québec, Lucie Rondeau, l’an dernier. En contrepartie, les juges se sont engagés à siéger davantage et respecter certaines cibles pour améliorer l’efficacité du système de justice. « La Cour du Québec a maintenant tous les outils pour réduire les délais. Quinze juges, dont 14 nouveaux, ce n’est pas de la monnaie ! » a lancé le ministre en parlant d’une annonce « historique ». La dernière série de nominations de cette ampleur remonte à 2016 à la suite de l’arrêt Jordan de la Cour suprême, selon son cabinet.

Avec Fanny Lévesque, La Presse