La question du financement a monopolisé le Rendez-vous national sur l’avenir du transport collectif, sommet organisé d’urgence par l’Union des municipalités du Québec (UMQ). Qui doit payer pour la construction de nouvelles infrastructures, pour les déficits d’entretien et pour l’électrification accélérée des parcs d’autobus ? Les maires ont trouvé une des solutions : ils demandent à Québec d’indexer la taxe sur l’essence et l’immatriculation.

(Drummondville) Indexer la taxe sur l’essence et l’immatriculation

Les maires de l’UMQ ont demandé au gouvernement de « faire du transport collectif une priorité nationale partout au Québec », et d’indexer la taxe sur l’essence et l’immatriculation, qui n’ont pas bougé depuis des années.

Ils veulent également que le gouvernement du Québec :

  • Rééquilibre les investissements prévus au Plan québécois des infrastructures en consacrant une part relative plus importante au transport collectif par rapport aux routes.
  • Diversifie les sources de revenus du transport collectif afin de pallier la baisse anticipée des revenus liés à la taxe sur les carburants dès 2025-2026.
  • Simplifie l’implantation par le milieu municipal de la taxe sur l’immatriculation et de la taxe sur les carburants.
  • S’assure que la future agence Mobilité Infra Québec respectera l’autonomie municipale en matière d’aménagement du territoire et de gestion financière, notamment quant à la contribution financière des organismes municipaux à un projet.

« Désastreux » d’exiger que les villes paient pour les projets de transport collectif

Pour enchaîner la réalisation d’importants projets de transport collectif, Mobilité Infra Québec, la nouvelle agence créée par la ministre des Transports et de la Mobilité durable, Geneviève Guilbault, devrait avoir des sources de revenus autonomes, croit Valérie Plante. La mairesse de Montréal estime qu’il serait « désastreux » d’exiger que les villes paient en tout temps une partie de la facture.

« Avoir un fonds dédié, ça viendrait vraiment grandement aider, ça donnerait de la prévisibilité et ça permettrait de prendre des décisions sur le plus long terme », a déclaré Mme Plante en point de presse vendredi.

La mairesse réagissait au dépôt du projet de loi visant à créer la nouvelle agence. La ministre Geneviève Guilbault estime que les villes doivent s’attendre à payer une partie de la facture pour la réalisation des projets de transport collectif.

PHOTO JACQUES BOISSINOT, LA PRESSE CANADIENNE

La mairesse de Montréal, Valérie Plante, prend la parole au côté de son homologue de Québec, Bruno Marchand.

« Je m’attends à ce que les municipalités collaborent et qu’on s’entende sur un montant. C’est prévu aussi [qu’à défaut d’entente], c’est le gouvernement qui va déterminer la contribution en question », a-t-elle affirmé jeudi.

Le maire de Québec, Bruno Marchand, s’y oppose vigoureusement. « Non. La ministre a dit, c’est historique que les villes paient pour les réseaux d’infrastructures en transport collectif. Ce n’est pas historique. C’est arrivé à quelques reprises, avec une redevance sur le REM, et une entente [sur le tramway de Québec], mais ce n’est pas historique. L’UMQ va participer aux discussions, mais au-delà de ça [il faut savoir] où on s’en va d’ici 2040, ça nous coûte combien et comment on le finance. Ça ne peut pas être financé à la pièce, on n’y arrivera pas », a-t-il lancé.

Mme Plante a renchéri : « Le métro de Montréal, la ligne vers Laval, il n’y a eu aucune contribution de Laval pour ça. Donc ce n’est pas vrai que c’est historique. Et ça ne peut pas [devenir] du mur-à-mur, ça serait désastreux. »

Holà à l’électrification

Les maires demandent au gouvernement du Québec de reconnaître qu’il a « une influence sur le déficit structurel des sociétés de transport » en raison de ses cibles d’électrification des parcs d’autobus, et souhaitent que la ministre Geneviève Guilbault retarde « l’atteinte des cibles d’électrification du transport collectif » puisque cela « limite les sommes disponibles pour le maintien d’actifs et ajoute une pression sur les opérations ».

Le maire Bruno Marchand a affirmé que pour sa seule ville, la facture de l’électrification est de 3 milliards. Et la chercheuse Brigitte Bouchard-Milord, de Polytechnique Montréal, a fait valoir qu’il était beaucoup plus rentable de convaincre un automobiliste de prendre un autobus à moteur diesel, ce qui retire quatre tonnes de GES, que de remplacer cet autobus par un autobus électrique, ce qui représente une baisse d’une tonne de GES par passager.

« On vous entend sur l’électrification. On vous a écoutés. Les cibles dans le Plan pour une économie verte partent d’une excellente intention. […] On a des cibles très, très ambitieuses : 55 % [d’autobus urbains électriques] en 2030 ; mais on entend bien que ça met beaucoup de pression. Je suis en train de réfléchir à quelque chose, je vous reviendrai », a dit Mme Guilbault.

Nombreuses doléances

Les élus municipaux ont fait part de nombreuses autres doléances lors de ce Rendez-vous sur le transport collectif.

  • Les villes de moins de 100 000 habitants n’ont pas le droit d’être propriétaires de leur flotte d’autobus, un frein pour des municipalités comme Drummondville, Granby, et pour des organismes comme la Régie intermunicipale de transport Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine.
  • La Régie de transport du Bas-Saint-Laurent attend depuis près d’un an que le gouvernement Legault l’autorise à mettre en place une taxe sur l’essence de 0,02 $ le litre pour financer le transport collectif.
  • Les villes de la couronne nord de Montréal doivent vivre avec le déficit d’exploitation du train de l’Est, dont la fréquentation s’est effondrée avec l’arrivée du REM, qui l’empêche d’emprunter le tunnel sous le mont Royal et allonge de façon importante son temps de parcours.
  • Il serait peut-être temps de s’inspirer « du très socialiste Doug Ford », a ironisé le maire de Repentigny, Nicolas Dufour, qui espère une vision à long terme du gouvernement, avec des projets qui vont desservir sa région.
  • Éric Alan Caldwell, président du conseil d’administration de la Société de transport de Montréal, affirme qu’il a été « heurté » de s’être fait traiter de « quêteux » par le premier ministre François Legault.