(Québec) Le gouvernement et les entreprises forestières vont se lancer dans une « course contre la montre » pour récolter les arbres brûlés par les incendies de forêt, avant qu’ils ne soient rongés par les insectes et ne perdent toute leur valeur commerciale. Les brasiers ont déjà brûlé près de quatre fois ce que l’industrie coupe normalement en une année.

« Le ministère prépare la cartographie pour faire cette course contre la montre avec les insectes pour permettre aux compagnies forestières d’aller récupérer une partie du bois affecté par les incendies », a expliqué la ministre des Ressources naturelles et des Forêts, Maïté Blanchette Vézina.

Lorsqu’un incendie de forêt est éteint, les arbres sont bien souvent encore debout, et il n’y a que leur enveloppe extérieure qui est calcinée. « Le bois affecté [par un brasier] peut être récolté, le cœur est toujours sain, mais c’est important d’aller le récolter rapidement par contre parce qu’il y a des insectes qui peuvent atteindre le bois, qui perd beaucoup de valeur », a-t-elle expliqué.

Aide financière

Dans les régions touchées par les incendies, le plan d’action qui était prévu ce printemps pour les activités forestières se retrouve aux poubelles.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

La ministre des Ressources naturelles et des Forêts, Maïté Blanchette Vézina

On va prioriser ce bois, on ne peut pas attendre à l’an prochain. Il faut le faire maintenant.

Maïté Blanchette Vézina, ministre des Ressources naturelles et des Forêts

Comme d’habitude, pour inciter les forestières à récupérer ces arbres endommagés, Québec fournira une aide financière « pour la récupération des forêts affectées par le feu et les chablis », qui tient compte « des coûts additionnels engendrés par la perturbation de la forêt à l’usine, soit principalement pour les activités de planification, de récolte, de voirie, d’hébergement et de transport de bois ». Elle sera définie en fonction de la qualité des arbres coupés, et de leur essence.

C’est ce qui se prépare actuellement sur la Côte-Nord, où les incendies de forêt sont maîtrisés grâce à la pluie de la dernière semaine. « Comme on vient de rouvrir la Côte-Nord, l’idée est de permettre les activités forestières dès que ce sera sécuritaire de le faire. On est en discussion avec la SOPFEU pour permettre de recommencer les opérations », a dit la ministre.

Des usines à l’arrêt

Car pour l’industrie, l’absence de matière première se fait sentir depuis que les coupes sont interdites en raison des incendies. Par exemple, Produits forestiers Résolu a dû fermer plusieurs usines par manque de bois : l’accès à la forêt boréale est toujours interdit sur l’ensemble du territoire. « En raison de l’interdiction de circulation dans toute la forêt boréale, il est impossible d’alimenter les scieries avec du bois en provenance des forêts publiques », a expliqué par courriel Louis Bouchard, de Produits forestiers Résolu.

Sur la Côte-Nord, par exemple, l’usine de Pointe-aux-Outardes a dû cesser ses activités pour quelques jours à partir de vendredi en raison du manque de stock de bois rond à scier, souligne M. Bouchard. L’amélioration de la situation dans cette région laisse entrevoir que les activités pourraient reprendre en début de semaine prochaine.

Au Saguenay–Lac-Saint-Jean, les scieries de La Doré et de Girardville prévoyaient épuiser leurs réserves de bois vendredi et mettront environ une semaine à le rebâtir, estime M. Bouchard.

Situation critique en Abitibi-Témiscamingue

Mais c’est en Abitibi-Témiscamingue que la situation est la plus critique. Les activités des scieries de Comtois et de Senneterre sont suspendues « jusqu’à nouvel ordre », affirme-t-il. « Du côté de Senneterre, nos équipes ont commencé des lignes de coupe-feu pour protéger la ville et des gicleurs ont été installés à notre usine de Comtois, mais ces installations ne sont pas directement menacées par les flammes pour le moment », ajoute M. Bouchard.

Et dans certaines régions, cette course butera contre une triste réalité : de l’équipement forestier a été détruit par les incendies. « C’est une course contre la montre, dans la mesure où on a les effectifs. On est en train d’évaluer si on a suffisamment d’équipement avec les compagnies forestières. On ne connaît pas encore l’ampleur [des dégâts] parce que les compagnies ne peuvent pas encore retourner dans la forêt », a expliqué la ministre.

Une scierie de Chapais sur le qui-vive

À Chapais, la scierie Barrette, qui emploie aussi beaucoup de gens de Chibougamau, ressent déjà les impacts des incendies de forêt. « Au niveau des bâtiments sur le site et des équipements autour, il n’y a rien de touché, mais au niveau du bois et des équipements en forêt, c’est sûr qu’on anticipe que ça pourrait avoir été touché. On ne peut pas encore se rendre sur place pour vérifier, cela dit », souligne le coordonnateur aux ressources humaines de l’entreprise, Rémi Asselin. « On espère surtout que la situation va se calmer et que les gens vont pouvoir revenir dans la région. Dès que ce sera fait, on va redémarrer nos opérations de transformation. Au niveau de la forêt, ce sera plus compliqué, il y a des discussions et les plans de match risquent de changer, donc on va attendre les autorités », ajoute M. Asselin. Une vingtaine de personnes demeurent néanmoins à la scierie malgré la situation, en rotation, pour assurer la protection des lieux. « Pour le reste, on a préventivement envoyé tout notre personnel à la maison », précise le coordonnateur.

Henri Ouellette-Vézina, La Presse

En savoir plus
  • 181 000 hectares
    Superficie moyenne annuelle de forêt récoltée en territoire public au Québec
    Source : Ministère des Ressources naturelles et des Forêts
    688 110 hectares
    Superficie de forêt touchée par les incendies, en date du 9 juin
    Source : Ministère des Ressources naturelles et des Forêts
  • 1,5 %
    Proportion du PIB que représentait l’industrie forestière au Québec en 2021
    Source : Ministère des Ressources naturelles et des Forêts
    408 millions
    Valeur des redevances annuelles pour les droits de coupe que le gouvernement du Québec a obtenu en 2022
    Source : Ministère des Ressources naturelles et des Forêts